13/ LES MALAFORMES : LANA

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13/ LES MALAFORMES : LANA

Je me réveille les paupières gonflées, le visage bouffi. La chaleur est insupportable, je transpire abondamment et ça se sent. Mes muscles me font mal quand je me lève. Je remarque alors mes draps tachés, de sang et de crasse. Je ne me suis pas lavée, la veille. Carole m'en a empêchée.

Matt a dit que nous reprendrions les recherches aujourd'hui. Il ne doit pas être prêt, sinon il serait déjà venu me chercher. Ça me laisse le temps de faire un brin de toilette.

L'eau transparente est toujours dans le seau. La température ambiante lui a permis de chauffer légèrement. Je suis seule dans la salle de bain, je n'entends aucun bruit, tout semble calme. Je commence par passer le gant sur mes épaules, puis sur mon cou, avec délicatesse. Puis je repasse, une fois, deux fois, de plus en plus vite, de plus en plus fort. Ma peau rougit sous la violence de mes gestes, mais je ne vois plus l'épiderme, seulement le sang qui le recouvrait.

Je croise mon reflet dans le miroir. Mes traits sont crispés par la rage. Je comprends alors que je pourrai frotter à m'en blesser, mes souillures sont trop profondes pour que je parvienne à les effacer.

Je finis par m’habiller d’une robe légère en attendant de repartir et décide de retrouver mes amies à la cuisine. Elle doivent avoir des questions à me poser, puisque je n'ai pas eu l'occasion de leur raconter notre expédition. En passant devant les peintures, je m’abstiens de tirer la langue mais marque une pause et dévisage chaque portrait. Eux aussi m’observent, c’est fou ! Comme je suis seule dans les escaliers, personne ne me prendra pour une hallucinée :

- Pourquoi ne suis-je pas la bienvenue chez vous ? D’abord vous, maintenant Carole. Je ne me suis pas invitée ici, on m’y a amenée.

Ils regardent maintenant droit devant eux, comme s'ils me comprenaient, comme s'ils vivaient. Ils m’ignorent.

- Ils te voient, t’entendent, mais ne peuvent pas te parler ou te toucher.

Je n’ai pas entendu Jonathan approcher. Les visages le considèrent avec une expression désapprobatrice. Moi, je le fixe en essayant d'imaginer, ou d’accepter ce qu’il vient de me dire.

- Ce sont des fantômes. Ils étaient en colère contre toi quand ils te sont tombés dessus.

- Vous tournez un film ou une caméra cachée, c’est ça ?

- Non. Mon frère et ma sœur m’attendent ; on se verra au dîner.

Je suis surprise, choquée, mais pas tant que ça. Depuis que j’ai fait la connaissance de cette famille, tout est tellement irréel ! J’ai l’impression de ne plus être que spectatrice de tous ces évènements. C’est comme si j’avais atterrit, je ne sais comment, dans une autre dimension, dans un film.

À la cuisine, Val m’apprend qu’ils se sont organisés en notre absence. Jonathan a posé des pièges pour attraper des oiseaux, ou de petits animaux. Il va récupérer les proies avant le lever du soleil et à la tombée de la nuit. Il ramasse des fruits dans les arbres et puise l’eau du puits. Il accompagne même Shana à la rivière et lui montre comment pêcher. Clyselle s’entraîne tous les jours avec elle dans les salles de sport et d’armes. Patrice, lui, apporte son aide à tout le monde. La seule à ne rien faire, à se pavaner et à juger les autres est bien sur Carole. Val prépare les repas, nettoie le linge, fais le ménage… Elle parle peu ; elle se réfugie toujours dans ses habitudes domestiques. C’est ce qui lui permet de tenir le coup et de ne pas sombrer dans la folie. Ses rapports avec sa fille ne se sont guère améliorés. L’une comme l’autre évite toute discussion.

La lassitude commence à me gagner. Je vais essayer de me changer les idées en lisant un peu. La bibliothèque est tellement grande que j’y trouverai forcément un livre à mon gout.

Les étagères contiennent des centaines d’ouvrages. Certains semblent dater de plusieurs siècles ; ce sont des originaux extrêmement bien conservés. Je découvre des romans de toutes sortes, classiques, fantastiques (même si aujourd’hui tout cela n’a plus rien de fantastique), des recueils, des biographies, des volumes d’histoires, de géographie, de sciences comme l’électricité, la chimie… Je repère des classeurs et m’aperçois en les feuilletant qu’il s’agit d’albums photos. Certains sont très vieux ; ils ne contiennent que des dessins, remarquables, représentant des personnes seules, en couple ou en famille. Je déniche quelques collections pour enfants et de rares bandes dessinées. Bon, j’ai le choix. M’instruire ou me divertir ? Je suis trop énervée pour réfléchir, il me faut une lecture facile à lire. Je trouve une édition de nouvelles de Guy de Maupassant qui fera très bien l’affaire.

C’est Clyselle qui vient me réveiller. Je ne suis pas allée au bout de la première histoire ; mes yeux se sont fermés avant, sans que je ne m’en rende compte. Je croyais pourtant avoir suffisamment récupéré, la nuit dernière.

- Viens, on va parler dans ma chambre. J’ai surpris une conversation saisissante.

Aie, aie, aie ! Je crains le pire. Que vais-je lui répondre si elle me parle de vampires ? Je vais devoir lui mentir et je déteste cette idée. Mais comment ont-ils pu ne pas l’entendre approcher ? Leurs sens ne sont-ils pas plus affutés ?

Sa chambre est voisine de la mienne. Nous sommes donc obligées de reprendre les escaliers maudits, dans lesquels je garde la tête baissée. Ce que j’aurai du faire depuis bien longtemps !

- Val nettoyait sa chambre alors j’étais seule quand j’ai entendu des voix, explique mon amie, debout devant son lit, sur lequel elle m'a invitée à m'assoir. En regardant d’où cela venait, j’ai découvert un soupirail derrière le réfrigérateur. Je suppose qu’il y a une cave et qu’ils s’y trouvaient.

- Mais de qui parles-tu ? demandé-je, faussement intriguée.

- Eux ! Les neveux du boss. Carole posait plein de questions bizarres et il me semble que c’est Matt qui répondait.

- Que disait-elle pour que ça te choque autant ?

- Elle parlait de toi. Il t’a raconté quelque chose qu’il ne devait pas. C’était quoi, Lana ?

Je la regarde droit dans les yeux, décidée à ne trahir ni Matt, ni elle :

- Il avait promis de m’apporter des explications sur les malaformes, mais il ne l’a pas fait. Je sais juste que ce sont des morts, des revenants, en quelque sorte, qui se nourrissent de sang.

- Des vampires ? s'étonne-t-elle, incrédule.

- Non ! Les vampires sont des créatures imaginaires. Les malaformes sont bien réels, eux. Je n’en sais pas plus, mis à part que pour les tuer, il faut leur transpercer le cœur et les décapiter.

Elle se mord les lèvres, réflechit quelques secondes et insiste :

- C’est ça qu’il n’avait pas le droit de te dire ? Pourquoi, après, a-t-elle ajouté que tu n’es pas comme eux ?

Elle est très perspicace ; je vais avoir du mal à la convaincre.

- Je suppose qu’elle faisait allusion à nos conditions sociales.

- Ok, alors pourquoi Jonathan s’en est-il mêlé en insistant sur le fait que tu n’es pas Pour lui ? rajoute-t-elle avec défiance, en appuyant sur les derniers mots.

- Tu te trompes de personne, Clyselle, ils parlaient à l’évidence de quelqu’un d’autre.

- Tes mensonges me déçoivent. « Lana n’est pas pour toi ; elle est dangereuse ; tu vas te perdre si tu ne te ressaisis pas. Et tu nous entraineras avec toi », cite-t-elle. Voilà ce que j’ai entendu, Lana.

Je hausse les épaules et secoue la tête pour lui faire croire à mon ignorance, puis tente un éclaircissement :

- Tu as mal compris. J’ai passé pas mal de temps avec Matt, on est… plus ou moins amis ; on se dispute encore beaucoup, mais au fond, je l’apprécie, ne serait-ce que pour toute l’aide qu’il nous apporte. Et je crois qu’il a appris à me supporter aussi. Ça ne va pas plus loin, Clyselle.

- Si tu le dis ; n’oublie pas que j’ai vu votre complicité quand il t’entrainait. Un homme, une femme, qui passent beaucoup de temps ensembles, seuls…

Elle a raison et elle le sait. Elle est consciente que je n'avouerai pas, mais elle me montre qu'elle n'est pas dupe. Pourtant, je persiste :

- Tu délires, Clyselle. Jo et Carole ont dû réfléchir de la même manière que toi et en arriver aux mêmes conclusions. C’est aussi simple que ça. C’est tout ce qui nous arrive qui nous rend dingues.

Elle n’est pas convaincue mais capitule et fait mine d'accepter mes explications, en haussant les sourcils.

Val nous a préparé des pâtes auxquelles elle a mélangé les morceaux des petits oiseaux qu’elle a cuits. Elle précise que la nourriture se faisant rare, chacun se rationne, et les repas se constituent bien souvent essentiellement de fruits. Jonathan accepte parfois que Patrice l'accompagne, et ils reviennent alors les bras chargés d'un régime de bananes ou de mangues. Mon amie me confie sa surprise quant aux noix de coco qu'elle trouve de temps en temps sur la table, sans savoir qui s'est chargé de les ramener. Question pertinente, quand on voit la hauteur des cocotiers.

Pour fêter notre retour, Matt est allé chercher des bouteilles de bon vin à la cave. Il a bien fait, car nous allons avoir soif ; tous attendent le récit de nos recherches.

- Nous étions sur leurs traces, commencé-je. Nous avons retrouvé ma voiture et tout porte à croire qu’ils se sont entassés dedans quand ils se sont enfuis. Val, j’y ai trouvé la gourmette de Joël.

Elle s’en empare comme un mendiant se jetterait sur un billet, serre le bijou contre son cœur en laissant couler ses larmes. Je me tourne vers Clyselle :

- La sacoche de Bob était à l’avant ; tiens.

Elle aussi saisit l’objet, s’assure qu’il est intact et laisse à son tour les gouttelettes rouler sur ses joues.

Mes amies sont émues, mais Clyselle parvient à me demander si moi aussi j’ai découvert quelque chose.

- Un peu avant l’aéroport, ils ont du faire une pause. Il y avait des détritus et un morceau du doudou de Lou.

- Et la nuit, vous avez fait des tours de garde ? s'inquiète Val, en reniflant. Vous avez réussi à dormir un peu ?

Je sens la chaleur m’envahir au souvenir de cette nuit ; je suis très mal à l’aise. Si mes yeux croisent ceux de Matt, je vais nous trahir, si j’évite son regard, ça risque de paraître suspect. Heureusement, il prend la parole :

- Nous nous sommes réfugiés dans les bois. J’ai veillé en premier pendant que Lana dormait. Puis nous avons…

Il fait semblant de tousser ! Qu’est-ce qu’il fait ?

- Echangé les rôles. Mais nous avons très mal dormi, la pression était forte.

Il toussote encore !

Clyselle me jette un regard en coin, que j’ignore prodigieusement. Matt me toise comme pour obtenir mon approbation, alors je souffle et déclare en le regardant dans les yeux que j’ai encore du mal à m’en remettre. Provocation réussi puisqu’il regarde maintenant sa sœur, tendu, mais amusé. Puis sa tête se tourne de nouveau vers moi :

- Tu es très sexy dans cette robe, Lana. Tu devrais t’habiller comme ça plus souvent.

- Aurais-je droit aux explications que tu me dois si je la garde ? je réponds avec sérieux.

Pas de réponse. Il saisit la bouteille de vin et s'empresse de faire le service pour cacher son sourire malicieux. Mais je l'ai vu, se dessiner sur ses lèvres. Ses lèvres… J’y gouterais bien, là, tout de suite. Je me force pour porter mon attention ailleurs alors que, par chance, Jonathan vient à la rescousse :

- Donc vous avez perdu deux voitures !

- Oui, mais on a récupéré une moto, rétorque Matt en se redressant avec une fausse fierté.

La réunion s’achève quand plus aucun de nos deux groupes n’a d’épisodes à relater. J'ai demandé à repartir, mais Matt a prit pour prétexte notre prochaine discussion pour repousser.

Je regagne ma chambre, après avoir traversé encore maints couloirs et escaliers. J’ai l’intention de me changer pour retourner m’entraîner. Je ne veux rien perdre de tout ce que j’ai travaillé si dure. Il m’attend, allongé sur mon lit, les mains jointes sous la tête, une jambe repliée sous l’autre. Sexy à mort ! C’est presque le cas de le dire…

- Tu veux parler ici ou chez moi ? me propose-t-il.

- On n’est pas chez toi, ici ?

- Ne commence pas. Mes appartements sont plus confortables, répond-t-il en se redressant. Viens. Mais pas de bruit.

Il m’entraîne en silence parmi les étages, les portes, les marches… Il s’arrête tout à coup et hurle un « STOP ! » autoritaire.

- Ils jouent avec nous, précise-t-il à mon intention.

- Qui ?

Je ne suis pas du tout rassurée.

- Les ancêtres, leurs esprits.

De mieux en mieux ! Des fantômes et des esprits. Honnêtement, je préfère la route et la forêt, malaformes ou pas, car eux, je peux les tuer, les revenants et leurs âmes par contre, j’ignore comment les gérer.

La maison a dû cesser de bouger car je reconnais le chemin. Je profite qu’il ferme la porte à double tour pour ouvrir celle du salon, où il me suit. Il me propose un nouveau verre de vin, que je refuse ; je dois garder les idées claires. Il s’allonge sur son sofa, je l'imite sur celui qui lui fait face.

- Tu ne devrais pas t’allonger, me conseille-t-il. Tu vas t’endormir. Ou je ne résisterai pas à la tentation.

Je n’ai pas le temps de répondre ou d’esquisser le moindre geste que la porte claque d’un coup sec. Nous nous redressons, dans un même sursaut.

- Les esprits, m'informe-t-il en grimaçant. Vous n’allez pas nous laisser tranquilles ? Je sais ce que je fais !

- Ils en ont après moi, c’est ça ? je demande, terrifiée.

- Ignore-les ; ils cherchent à te faire peur. Moi, ils ne m’impressionnent plus depuis longtemps.

Il est furieux. Je n'ose faire aucun bruit, aucun geste. Je voudrais me terrer dans un trou de souris… Le regard de Matt s’adoucit légèrement quand il croise le mien. Brièvement. Il est maintenant ardent, ses yeux brillent, me scrutent avec intensité ; il essaie de lire en moi. Il n’a pourtant pas besoin de mon accord, il peut normalement m’hypnotiser pour obtenir ce qu’il veut. Mais je sais qu’il n’en a pas besoin ; j’ai tellement aimé les sensations qu’il m’a fait ressentir ! Mon corps en redemande.

Mais je finis par fixer le sol ; c’est le seul moyen qui me permettra de lui résister. Car je suis mariée et que j’aime mon mari. Car il a beaucoup de choses à m’apprendre. Outre le fait que mon monde est composé d’humains, de malaformes, de vampires sexy, de fantômes et d’esprits taquins…

Matt a compris mes intentions ; la flamme dans ses yeux s’est éteinte. Il passe derrière le sofa, appuie doucement sur mes épaules pour que je me rasseye et contourne son bar.

- Tu devrais boire quelque chose, ça va être long.

Il se serre un verre de whisky et me prépare une coupe de champagne.

- C’est chaud, mais je n’y peux rien, dit-il en me tendant le verre.

- Merci. Explique-moi le monde qui m’entoure et que je ne vois pas.

- Ok, accepte-t-il en soupirant.

Il prend le temps de caller les coussins de son canapé avant de s'y étendre à nouveau. Les mains sous la tête, il soupire encore avant de reprendre :

- Les vampires ont vu le jour avec le fils d’Adam, Caïn, qui tua son frère Abel. Ils sont dangereux pour l’homme puisqu’ils les tuent en les vidant de leur sang. Quand les conditions sont réunies, l’accouplement des deux espèces aboutit à la naissance d’un dhampire. Un être mi humain, mi vampire. Ce que nous sommes, mon frère, ma sœur et moi. Mais les malaformes ne sont pas tout à fait issus d’une telle union. Des sorcières ont joué un rôle très important dans leur apparition.

Des sorcières maintenant ! Je hoche la tête et me retiens de rire.

- Ne commence pas ! Tu veux savoir ? Alors écoute ! s'impatiente-t-il en m'adressant un regard noir.

Un fracas me fait sursauter avant que je ne puisse répondre. La bouteille de champagne vient de voler en éclats ! Comment a-t-elle put tomber ? Elle se trouvait au milieu du bar !

Matt agite son poing vers le plafond et hurle :

<<- Stop les ancêtres ! Ma vie me semble bien meilleure que celle que vous n’avez jamais eu, alors foutez moi la paix !

Je reprends.

Les sorciers et sorcières. Ils sont les intermédiaires entre l’homme et les esprits universels. Ils peuvent pratiquer plusieurs sortes de magie, utilisent des supports en fonction de l’incantation ou du rituel. Ils ont une force mentale hors du commun. En règle générale, ils utilisent leurs pouvoirs pour faire le bien autour d’eux, mais en aucun cas à des fins personnelles ; ça leur est formellement interdit. C’est pour cette raison que les vampires et les sorciers ne peuvent pas cohabiter. Nous éliminer est l’un de leurs devoirs.

Les vampires et leur progéniture sont contre nature ; nous maltraitons les humains. Cependant, un vampire et une sorcière vécurent une grande histoire d’amour. L’inévitable se produisit : elle tomba enceinte, et provoqua la colère des sorciers. Grâce à leurs pouvoirs, ils engendrèrent la naissance d’un enfant mi vampire, mi humain. Il se nourrissait de sang, mais n’avait aucune des caractéristiques des dhampires, des vampires et encore moins des humains. Le pire, c’est qu’il n’avait aucune intelligence. Les sorciers avaient créé un malaforme ! Une créature dont le seul but est de boire, qui ne sait pas mordre mais se contente de déchiqueter pour parvenir à s’abreuver. Une créature qui se multiplie en laissant sa proie non vidée mais suffisamment anémiée pour qu’elle se relève et cherche son repas à son tour !

La mère de ce premier malaforme avait défié les lois sacrées et ses semblables ne lui vinrent pas en aide, la laissant mourir à petit feu en nourrissant son fils avec son propre sang. Elle lui apportait parfois des animaux vivants dans la cave où elle l’avait enfermé. Au bout d’une quinzaine d’années, à bout de forces, elle trébucha dans les marches et s’abandonna aux dents acérées de son enfant.

Le malaforme, délivré, s’attaqua à tout le village, laissant des cadavres vidés, ou créant sans même le comprendre de nouveaux monstres. Ensembles, ils décimèrent plusieurs bourgs alentours, devenant à chaque fois plus nombreux.

À cette époque, les lois et les croyances n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Les habitants et la garde du roi eurent tôt fait de venir à bout de ce fléau.

C’était il y a des siècles, mais l’histoire s’est finalement répétée, et à notre époque, on ne supprime plus notre voisin parce qu’il est atteint de cannibalisme. On le confie à un psychiatre, le fléau s’amplifie, et le temps de réaction humain est tellement long, qu’on en arrive au chaos d’aujourd’hui.

As-tu tout compris ? As-tu des questions ?>>

Je prends mon temps. Ça fait beaucoup d'informations à assimiler, une nouvelle réalité à découvrir et à ingérer.

- Quelle est la différence entre les vampires et les dhampires ?

- Nous sommes mi humains, mi vampires. Si nous ne buvons pas de sang, nous n’atteignons pas l’âge adulte. En consommer nous rend plus fort. Cependant, contrairement à notre père, chez qui nous sommes, nous n’avons pas besoin de notre terre natale pour nous ressourcer ; l’ail, l’eau bénite, le crucifix… ne nous font rien. Nous ne supportons aucune faiblesse du vampire, si ce n’est la photo dermatose et la soif de sang. J’oubliais l’eau ; nous ne pouvons traverser aucune mer, aucune rivière et il nous est difficile d'avancer sur un chemin de gravier. Nous nous sentons alors obligés de compter chaque galets, chaque cailloux. Par contre, nous bénéficions des avantages de notre père ; nous pouvons hypnotiser un humain, même si un vampire n’a aucune emprise sur notre mental. Nous sommes forts, rapides, agiles, intelligents ; nous pouvons nous changer en animal, invoquer le brouillard, agir sur le climat à force de consommation d’hémoglobine. Mais attention, si nous laissons la haine nous envahir, la transformation sera inévitable. Ce serait très facile. Pourtant, nous avons choisi de conserver notre côté humain et de nous adapter car la solitude nous est insupportable.

- Où sont vos parents ?

- Ma mère était humaine, elle est morte il y a bien longtemps. Il l’a tué en la vidant de toute son énergie et de tout son sang. Quand nous avons atteint l’âge adulte tous les trois, nous avons vengé notre mère en le tuant. Nous l’avons immobilisé grâce à ses faiblesses et nous l’avons à son tour vidé de son sang dont nous nous sommes délectés.

Nous sentons les vampires autour de nous mais nous ne pouvons pas les mordre, ils sont trop puissants pour nous ; ceci-dit, la particularité de notre sang les en empêche aussi. De plus, notre humanité et la solitude qui normalement nous entoure nous rendent mortels. Jonathan, Carole et moi avons eu la chance de pouvoir nous lier et consommer le sang de notre père nous a permis de devenir immortels à notre tour. Nous avons traversé une période sombre, où nous avons frôlé la transformation. Mais mon frère s’est amouraché d’une humaine qu’il a mise enceinte. Elle s’est enfuie et depuis ce jour, il est à sa recherche. Avec notre aide.

- Suis-je hypnotisée en ce moment ?

- Non. Pourquoi perdrais-je mon temps à te raconter tout cela ? De plus, je t’ai déjà dit que j’ai confiance en toi.

- Comment vous élimine-t-on ?

- Ça, je ne te le dirais pas, répond-il d'un ton ferme, accompagné d'un regard d'avertissement.

- Tu crois vraiment que je vais m’attaquer à vous ? J’ai besoin de toi, vous nous offrez hospitalité et sécurité. Et puis, je crois que… je t’aime bien.

- Waouh ! Je suis épaté ! Un compliment de ta part ! Merci, vraiment, je suis touché, et tu sais quoi, je crois que je t’aime aussi, dit-il, le regard vers le plafond et un sourire éclatant sur les lèvres.

Qu’est-ce qu’il vient de dire ?

Il tourne la tête vers moi et son air rêveur a disparu quand il poursuit :

- Humm… Bref, aujourd’hui tu ne feras rien contre nous, mais quand tout sera revenu à la normale…

- Ta sœur me tuera, elle, je murmure.

- Elle n’osera pas, affirme-t-il en se rasseyant subitement pour me faire face.Si elle touche à un seul de tes cheveux, Jonathan se ralliera à moi, car il connait la souffrance. Et crois-moi, elle regrettera d’être restée avec nous.

De quelle souffrance parle-t-il ? Je ne comprends pas bien ce qu’il essaie de me dire.

Je me souviens alors que je dois l'avertir de ma conversation avec Clyselle :

- Clyselle vous a entendus dans la cave.

- Ouais, oublie ça, répond-t-il nonchalamment, en balayant l'air de sa main.

Je préfère changer de sujet :

- Je ne comprends pas pourquoi tu ne m’hypnotises pas ? Tu m’as ouvert les portes d’un monde inacceptable pour des humains. Carole pense que je peux vous détruire, et toi, tu le crois ?

- Je ne sais pas. C’est très étrange ; tu es… différente. Ton âme est pure, compréhensive, et suffisamment ouverte. Mais tu vas devoir apprendre à cacher tes émotions, avec ma sœur par exemple. Elle te provoque, car elle a peur. Elle sait que je te parle et elle a peur de toi.

- Je vais essayer. Comment peut-elle avoir peur de moi alors que c’est elle qui peut m’anéantir ?!

- Comme je viens de te l’expliquer, je te protège ; elle n’osera jamais te toucher. Elle craint que tu utilises un jour contre nous tout ce que je te raconte.

- Je ne vois pas quel intérêt j’aurai à faire cela. Autre chose, tu m’as parlé de la photo… D’après ce que je sais, les vampires se consument au soleil et leurs enfants aussi. Comment faîtes-vous tous les trois pour supporter ?

- Petits, notre mère nous faisait boire tous les jours de la pulpe d’aloe vera. Cette plante est une bénédiction pour la peau. Mais l’exposition au soleil reste douloureuse et ça nous affaiblit considérablement. C’est pour cette raison que je préfère mener nos recherches à l’ombre de la forêt.

- Les sorciers ne peuvent pas vous aider ?

- Je t’ai dit que nous ne faisons pas bon ménage, eux et nous.

- Je sais, mais Jo et toi êtes très proches de l’humain. Ils ne peuvent rien faire ?

- Je te rappelle que nous suçons votre sang. J’ai bien failli te tuer, tu t’en souviens ?

- Oui, mais tu ne l’as pas fait.

- Tu voulais aller t’entraîner, non ? Si tu acceptes de m’attendre, je me change et je t’accompagne. On va s’amuser un peu.

Torse nu, braguette ouverte, sourire aguicheur, et clin d’œil ; c’est vraiment tentant. Mais ma conscience est encore présente ; elle me rappelle à quel point je souffre de ma trahison envers Clément.

Je prends un short et un top et vais me cacher dans la salle de bain. Je viens juste d’ôter mon jean que la porte s’ouvre, sur un Matt des plus intéressés. Je ne lui fais pas le coup de la femme farouche et au contraire, j’essaie d’enfiler mes vêtements en remuant d’une manière équivoque. Il ne dit rien ; je n’ai même pas droit à son rictus moqueur. Ses sourcils sont froncés, et il ne perd rien du spectacle. Lorsque j’ai accroché le dernier bouton de mon short, je passe par l’entrebâillement de la porte, où il se tient, en me frottant à lui, en lui caressant la joue. Puis je me rends sur le palier, l’invitant à sortir de ma chambre.

Je ne sais pas ce qu’il prépare, mais il demande à son frère de nous suivre, puis à Clyselle, Val, Shana et enfin à notre DR. Il nous conduit dans le champ, un ballon dans les mains.

- On a tous besoin d’un peu de détente, entame-t-il. Je vous propose un foot.

- Matt, on n’est pas assez nombreux, et avec les malaformes, autour…

Valérie repart en direction de la maison en secouant la tête. J’aurai été extrêmement surprise qu’elle accepte ; je la verrai bien jouer au tennis, mais pas au foot…

- On se fiche de jouer au vrai foot, continue Matt. On est six, ça fait trois contre trois. Pas de goal, on se contente d’attaquer et de défendre. Les buissons, là, de chaque côté seront les buts. Ça marche ? Nous sommes deux frères, nous composons les équipes.

Je suis étonnée quand Matt sélectionne Clyselle, je pensais qu’il aurait commencé par moi, pour s’assurer de partager la même équipe. Du coup, Jonathan m’appelle. Je le surprends à fixer son frère qui lui envoie un regard assassin. Shana est avec nous. Nous allons avoir du mal à les battre ; Matt réussi tout ce qu’il fait, Clyselle peut se révéler une adversaire redoutable et le Dr est costaud…

C’est partit. Nous sommes complètement désordonnés. Nous jouons des épaules, les pieds se confondent, nous tombons dans l’herbe… Matt est prêt à tirer ; je me précipite pour l’en empêcher, en me jetant au sol, jambes en avant, pour décaler le ballon. Mais l’attaquant trébuche sur ma basket et s’affale au-dessus de moi. Il a le réflexe de tendre ses bras, pour éviter de m’écraser sous son poids. Nous nous retrouvons face à face, yeux dans les yeux. Je vois son regard descendre le long de mon visage, pour s’arrêter sur ma poitrine. Puis il relève la tête et se lèche les lèvres. Je toussote ; nous ne sommes pas seuls. Il se redresse et me tend la main pour m’aider. Ils nous observaient, tous. Je sais que cette fois, mon amie n’acceptera pas mes excuses minables.

Comme je m’y attendais, nous avons perdu le match. Mais je ne suis pas déçue ; je me suis défoulée et cela m’a fait un bien fou. Je crois même pouvoir affirmer que cela a déstressé tout le monde. Nous avions besoin de nous évader un peu.

Je suis venue le rejoindre dans la nuit ; je voulais lui faire la surprise (excès de vin, sans doute), mais il n’était pas dans sa chambre. Alors je me suis étendue sur son lit. Visiblement, mon sommeil m’a vaincue et je me suis endormie en l’attendant.

Quand j’ouvre les yeux au petit matin, je suis allongée à côté de lui. Quelle beauté avec ses cheveux hirsutes ! Qu’est-ce qui m’a pris de venir ici hier soir ?! Et d’y rester ??? Je dois sortir avant qu’il ne se réveille. Surtout sans le réveiller. Mais il m’entoure de son bras protecteur et ma tête repose sur son épaule, mes lèvres à hauteur de son sein. J’ai envie de titiller son téton de ma langue, mais je n’ose pas. Et puis c’est une super mauvaise idée !!! Pourtant, ma main caresse son ventre et remonte à sa poitrine. Aie, il tourne la tête vers moi et se redresse légèrement pour me faire face. La brulure de son regard déclenche en moi une vague de désir. Je le rallonge en appuyant fermement sur ses épaules et l’enjambe. J’effleure lentement sa peau froide, du torse à son visage. Il tressaille. Mes doigts tiraillent ses mèches de cheveux pendant que je me frotte à lui et que je dépose de légers baisers sur ses joues, son cou, son menton. Mon index, qu’il tente de mordre, dessine maintenant ses lèvres. Ses mains se plaquent sur mes hanches, puis mes fesses, m’empêchant de m’écarter de lui, puis elles remontent ma robe. Ça tombe bien, je commence à avoir trop chaud. Mais c’est moi qui mènerai la danse aujourd’hui. Je saisis ses mains et les ramène sous sa tête, en le fixant des yeux fermement. Les siens sont fiévreux, ce qui provoque en moi un nouveau déferlement de sensations. Ma bouche trouve enfin ses seins. Je trace des cercles autour et finis par mordiller ses tétons. Ses mains reviennent sur mes fesses ; je les écarte brutalement, en me redressant. Mes doigts explorent ses jambes, jusqu’aux orteils, que je m’amuse à pincer. Je meurs d’envie de le sentir en moi, mais je n’en ai pas encore finis avec lui. Il garde les yeux fermés, il se cache, mais sa respiration s’est accélérée. J’en profite pour lui ôter son boxer (c’est nouveau, ça), et remonte à l’intérieur de ses cuisses, jusqu’aux testicules. Je le caresse maintenant à pleines mains, en prenant soin de ne pas effleurer son sexe. D’une main, il presse ma nuque pour que nos lèvres se rejoignent, tandis que l’autre se promène entre mes jambes, de chaque côté. Lui aussi fait en sorte de ne pas déraper. Je stoppe tout, me redresse et attends qu’il rouvre les yeux. Alors je lui adresse un sourire aguicheur et me déplace d’un seul coup, pour que ma bouche soit à hauteur de son pénis. Ma langue le lèche, et lorsqu’elle s’arrête pour l’aspirer, mes dents prennent le relais et râpent doucement son gland. Il frémit, gémit, et commence à remuer. Je répète l’exercice et le sent couler un peu plus à chaque fois. Il attrape mes cheveux et me force à lui faire face à nouveau. C’est d’une voix enrouée qu’il me dit :

- Arrête et viens. Tout de suite.

Je suis un peu déçue ; je croyais lui faire du bien. Mais je ne suis qu’une petite humaine après tout, et puis j’avoue, j’ai envie de le sentir en moi. Il s’est assis, les jambes coincées sous moi, et décale mon string pour libérer mon sexe. Puis il se rallonge et me guide jusqu’à son érection. Je m’assieds doucement dessus, mais ne le laisse pas me pénétrer entièrement. Je monte et descends, de plus en plus vite mais uniquement à hauteur de son gland. J’ai envie de me laisser pénétrer complètement, mais je résiste, savourant cette douceur. L’attente est dure, mais exquise. Je sais qu’après, sa nature bestiale reprendra les rênes. Il se met à râler, son visage est crispé, tous ses muscles tendus. Il aime ça lui aussi, et à le voir dans cet état, je perds la raison. Mon corps n’est plus qu’un brasier à l’intérieur duquel des milliers de petites flammes crépitent, me picotant, me tiraillant. Ses râles sont de plus en plus sourds mais il parvient à parler, haletant :

- Merde ! Lana, laisse-moi faire !

De ses mains sur mes hanches, il nous fait basculer pour se retrouver au-dessus de moi. Il passe l’une de mes jambes sur ses épaules et s’enfonce en moi, brutalement. Mais au lieu d’entamer l’habituel va et vient, il ne bouge plus. Je le regarde, surprise par ce brusque arrêt. Ses yeux se sont assombris.

- Maintenant, Lana. Je ne peux pas faire un mouvement de plus.

J’ai compris. Il est au bord de l’orgasme et attend la permission de me mordre, car pour lui ce sera meilleur encore. Pour moi aussi. Je tourne légèrement la tête, de manière à lui offrir ma gorge. Il se penche encore un peu plus sur moi, jusqu’à ce que ses lèvres rencontrent ma peau. Un dernier mouvement du bassin le plonge cette fois complètement en moi, au moment où ses dents me perforent. Je l’entends grogner, tandis que le feu qui me consumait éclate dans mes entrailles pour se diffuser dans mes veines, jusqu’à mon cœur, jusqu’à ma gorge, nous emportant tous les deux dans un ultime spasme de plaisir.

Il a relâché ma jambe et cessé de me boire mais il reste encore quelques instants avachi sur moi. Nous avons besoin tous les deux de reprendre nos esprits. Enfin, il s’allonge près de moi et d’une voix dure :

- Ne dis rien. Surtout, tais-toi.

Il se lève, enfile son boxer et va prendre l’air sur le balcon de son salon. Qu’est-ce que j’ai encore bien pu faire ou dire ? Son comportement me rabaisse, m’humilie, je me sens plus sale encore que la première fois. Je n’insiste pas, récupère la robe et ouvre la porte en espérant rejoindre ma salle de bain sans croiser qui se ce soit, et surtout pas les ancêtres !

- Tu vas où ? (J’hallucine, il me gronde !).

Je ne me retourne pas, je ne lui réponds pas. Je dois l’éviter. Je refuse d’être une femme dont il dispose selon ses humeurs. Je ne suis pas sa putain. Je me débrouillerai sans lui pour continuer mes recherches.

Dans ma chambre, j’ai la désagréable surprise de trouver Carole. Elle m’attend, adossée au mur près de la porte de ma salle de bain.

- Que se passera-t-il quand tu auras retrouvé les tiens ? Que feras-tu de lui ?

- Carole, il ne m’a pas demandée en mariage. C’est juste une histoire de sexe. Il me l’a dit, les distractions se font rares par les temps qui courent.

- Je crois que tu n’as pas bien compris. Il ne te lâche pas d’une semelle. Il passe pratiquement tout son temps avec toi. Tu t’es réveillée à côté de lui, chose qui n’est JAMAIS arrivée. Il n’a JAMAIS partagé son lit, et ne s’est JAMAIS réveillé près de qui que ce soit ! Il n’est plus seul ; pour l’instant.

- Il n’était pas seul avant de me connaître. Il vous avait toi et Jo. Ainsi que Monsieur et Madame Salomic.

- Un conseil ma belle, laisse le tranquille, car si tu le fais souffrir, tu me trouveras sur ta route.

Après le frère, la sœur. Décidément, cette famille est horripilante ! Je contourne la jeune femme et me réfugie dans la petite pièce où un seau d’eau m’attend. L’eau est fraîche, ça me fait du bien, car je sens les tambours approcher dans ma tête ; je dois faire le vide.

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