10/ L'ADRESSE : CLEMENT

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La nuit a été calme. Les traqueurs (c’est le nom que leur a donné mon fils, et il leur convient très bien) sont toujours là ; ils nous sentent. Mais ils ne font plus de bruit car ils ne nous entendent plus et ne nous voient pas.

Au réveil, on grignote quelques céréales et on part se regrouper à l’arrière du jardin. J'en profite pour inviter mes amis à choisir de meilleures armes, puis Bob laisse un mot pour le cas où les femmes reviendraient. Il est temps de partir.

On escalade trois ou quatre palissades, longe des piscines et quand Richard saute dans le dernier terrain, un chien fonce sur lui en aboyant furieusement. Mon ami, seul face à une sorte de pitbull, ne bouge plus. Il tient un long couteau de cuisine à la main, près à transpercer l’animal quand il bondira. Au lieu de cela, la bête s’arrête à ses pieds, en gémissant, le regard implorant. L’homme se baisse lentement pour lui caresser la tête, le couteau toujours fermement maintenu dans sa paume.

- Ce n’est rien ! Il est terrorisé, il cherche de l’aide, de la compagnie. Vous pouvez descendre !

S’engage alors une nouvelle discussion. Les enfants veulent emmener le chien alors que nous, les adultes sommes certains que ce serait une grosse erreur.

- Ce sera trop compliqué pour le protéger, avance Rick, encore quelque peu effrayé pat la bête.

- C’est lui qui nous protègera au contraire. Vous avez vu sa taille ? Il est agile, souple et il a des crocs puissants ! contre son ainé.

Je ne dis rien. Le souvenir du chien que j'ai écrasé est encore trop frais pour que j'apporte un avis rationnel.

- Comment on va le nourrir ? On a déjà du mal à manger nous-même, rajoute son père, agacé.

Ceci-dit, je ne tiens plus :

- Et surtout on va s’y attacher. Qu’est-ce qu’il se passera s’il devient comme les chiens qui trainent dans les rues ? On ne sait pas ce qu’il se passe, ni combien de temps ça va encore durer. S’il devient enragé comme les autres ?

- On ne peut pas le laisser ici, il va mourir c’est sûr ! S’il vous plait ! implore Max.

On a fait comme chaque fois qu’on n’est pas d’accord : on a voté.

Les jeunes sont sept, nous on est quatre. Forcément, on a perdu. Notre groupe compte donc un membre de plus.

On parvient à faire passer notre nouveau compagnon par-dessus la dernière clôture et on atterrit sur la route.

La chance nous sourit enfin ! Un bus, moteur éteint, a été abandonné juste là ! On se précipite, on n’aura pas besoin de deux voitures !

- Non !!! hurle Bob.

Sandrine et sa fille sont déjà arrivées devant la porte ouverte du bus. Elles s’arrêtent net au cri de Bob, si bien que mes garçons, qui les suivaient, les percutent, et font tomber la femme sur la marche. Le chien, près d’eux, les oreilles dressées, commence à grogner.

Le reste du groupe attend les explications de Bob derrière le bus, prêt à intervenir à l’avant.

- Il y a du monde à l’int…

Il est interrompu par le braillement de Sandrine qui s’écarte vivement de la porte en bondissant en arrière ; un traqueur descend déjà les marches !

Par les vitres, on en voit plusieurs qui remontent le couloir.

Le premier est maintenant sorti du véhicule et se dirige vers elle, qui pointe sa lance dans sa direction. Elle attend qu’il soit assez proche et le transperce en plein cœur.

Mes deux grands entourent un autre traqueur. Lainé tient un grand couteau, le second un manche à balai taillé comme un pieu.

On est tous en train de se battre.

Avec ma machette, je coupe les avant-bras de celui qui cherche à m’attraper. Toujours debout, sa bouche dévoile des dents pointues. Je le saisis par les épaules et le pousse violemment en arrière. Il tombe à la renverse. Je me jette sur lui pour l’empêcher de se relever et frappe sa gorge de toutes mes forces avec mon arme. C’est bon, j’ai séparé la tête du corps, on est débarrassé de celui-là. Où en sont mes fils ?

Le chien a immobilisé leur assaillant en saisissant sa jambe. Mon ainé lui assène des coups de couteaux (une année de boxe lui rend bien service), tandis que son frère le trou de sa lance.

- Visez le cœur ! Leur conseille Sandrine d'une voix puissance.

Elle a écarté les deux plus jeunes et les protège des traqueurs qui cherchent à s’en approcher.

Les fils de Rick se débattent eux aussi. Le grand a récupéré le couteau de chasse et a donné le canif à son frère. Mais dès qu’ils tentent de toucher le traqueur, il leur attrape le bras. J’arrive derrière lui sans qu’il ne me voie et vise son cou de ma machette. Il s’écroule, et sa tête va rouler plus loin ; encore un de moins. Il n’en reste plus que deux, un devant Bob et un autre devant Richard.

- Fais-le tomber, Bob ! Ta fourche dans sa gorge ! crié-je en courant vers eux.

Il suit mes conseils et ça fonctionne.

- Accroupis-toi sur lui ! Maintiens-lui les bras ! ordonné-je avant de laisser tomber ma lame et de regarder le crâne partir vers le trottoir.

Je répète la même opération pour la troisième fois. Bob respire avec peine. Je ne sais pas s’il est juste essoufflé ou s’il est en état de choc. Je n’ai pas le temps de m’occuper de lui maintenant. Rick a été rejoint par ses enfants. Ils encerclent un traqueur. Ils le rendent fou, il ne sait pas où donner de la tête avec trois proies à sa merci. Ils n’arrivent à le blesser que dans le dos. Ça ne l’arrête pas plus que mes coups de clé sur la tête de la femme dans la voiture. Je suis prêt à intervenir, mais Sandrine se précipite déjà, leur criant de s’écarter. Elle arrive en courant, sa lance face à la créature qu’elle empale violemment. Elle a raté le cœur. Elle peine à maintenir son arme, l’ennemi s’agitant toujours à l’autre bout. Le reste du groupe l’a rejointe, poussant avec elle pour faire reculer le traqueur. La lance plie dangereusement.

- Sandrine, continue de tenir la lance, les autres avec moi ! On le renverse, vous l’empêchez de bouger et je le tue.

On en est venu à bout. Pour des novices comme nous, c’est un exploit ! Bob à l’air complètement ahuri. Il s’est assis sur le trottoir pour nous regarder faire.

- C’est à ça que va ressembler notre vie maintenant ? Toujours à l’affut, toujours prêts à se battre ?

- On n’a pas la réponse Bob. Et si tu veux bien, on va monter dans le bus, faire ce qu’on a prévu et on en reparlera plus tard.

Je ne veux pas que les enfants entendent de telles paroles, surtout venant des adultes. On doit se montrer forts et courageux devant eux ; on doit leur montrer l’exemple, l’exemple pour survivre en ce moment. Continuer à croire que la situation finira par s’arranger. Et on doit tout faire pour les protéger de ces monstres.

Mais on doit partir. J’entends des grognements et des aboiements se rapprocher.

- Où est le chien ? s'inquiète Joël.

- Le chien ? Ah oui, où est-il ?

Je l'avais complètement oublié, celui-là.

Merde ! Je vois le visage de mon fils lentement se décomposer. Pas ça ! Je savais que c’était une mauvaise idée de l’emmener. Leur morale va encore baisser d’un degré. C’est le fils de Bob, qui le déniche sous le bus. La bête n’est pas si courageuse que ça finalement…

Bon, on doit y aller. Je monte le premier, inspecte le couloir et les sièges. La place est libre. Je m’installe à la place du chauffeur. Pas de clés ! Comment démarrer cet engin ?! Vais-je savoir le conduire ? Par le rétro, je m’assure que ceux que j’ai entendu approcher sont encore loin. On doit ressortir car même si on parvient à fermer la porte, elle ne tiendra pas longtemps avec le poids des traqueurs. La station-service est juste à côté, et toujours bondée. En temps normal. Si on reste silencieux, on pourra surement trouver des voitures. Au pire, il y a toujours la queue à la station de lavage…

On doit faire vite.

On redescend de notre bus, à regret. Personne ne parle ; chacun est perdu dans ses pensées. Même le chien nous suit en silence, l’oreille aux aguets. Tiens, j’y pense, s’il doit rester avec nous, on va devoir lui trouver un nom. On atteint vite la station de lavage, seul un rond-point nous en séparait.

On trouve une Renault Mégane et une Mercedes, dont les clés sont restées sur le contact. Mais ce n’est pas ce qu’on recherche. Sauf si on n’a pas d’autre choix.

Je fais quelques pas en direction de la station-service pour voir si un véhicule intéressant y a été abandonné. Et je les vois. Je les entends aussi. Je n’y avais pas prêté attention jusque-là. Ce sont les employés qui se dirigent vers nous en grognant. Avec quelques-uns de leurs clients, surement. Je me retourne pour battre en retraite et je les aperçois, ceux qui arrivaient derrière le bus. Ils ont passé le rond-point eux-aussi. On est pris en sandwiches ! Je regarde partout pour trouver une échappatoire. Je repère un pick-up. C’est exactement ce que je voulais. Il est juste à côté, sur ma droite !

- Courrez ! Le pick-up blanc !

Je laisse tout le monde passer devant. Ils sautent tous dans la caisse, je cours jusqu’à la cabine. Bob m’a suivi. Merde ! Pas de clés ! On s’énerve tous les deux après le volant. Le naiman cède.

Le pick-up bouge maintenant dans tous les sens. Derrière nous, tous s’activent pour repousser les traqueurs.

Bob prend les choses en main. Il m’escalade pour prendre la place du conducteur et arrache tous les câbles. Dehors, ça grogne, ça crie, ça aboie. Le véhicule tangue dangereusement. Mon cœur va exploser. Je suis terrifié. Mes enfants vont y rester ! Ils vont tous y rester ! J’arrive à me reconcentrer sur mon ami, à côté de moi. Il teste les fils un par un avec l’espoir de démarrer. Je surveille nos compagnons. Un zombie a réussi à monter dans la caisse du pick-up. J’en vois un autre qui n’a plus qu’à l’enjamber ! La situation empire.

Enfin, le Nissan est secoué par un toussotement du moteur. Bob s’acharne ; il a trouvé la bonne combinaison. La pression est trop grande, le véhicule crachote encore plusieurs fois.

- Souffle un grand coup et recommence, je lui dis.

Il m’écoute. Un sourire se dessine sur ses lèvres quand on entend le ronronnement, et qu’on sent les vibrations. Quel beau son !

Il contourne le bâtiment de la station pendant que je regarde encore le reste du groupe se débattre avec les traqueurs qui ont réussi à monter. Ouf ! Ils arrivent à les éjecter.

Mickaël tambourine à la vitre. Il essaie de nous dire quelque chose. J’arrive à lire sur ses lèvres le mot « chien ». C’est vrai, je ne l’entends plus ! Où est-il ? Je jette un coup d’œil là où était arrêté notre véhicule et l’aperçois. Un jet de sang gicle de sa gorge. Il me semble que c’est un filet de bave qui coule de sa gueule. Il montre déjà les crocs. Merde ! C’est trop tard pour lui. Il rampe pour aller se cacher dans la station de lavage. Sous une voiture sûrement. Pour y mourir tranquillement. Ça me fait mal au cœur. Les enfants ont tous assisté à la scène ; j’imagine leur douleur, on s’était déjà tous attaché à ce rare être vivant.

Bob a grillé le stop, mais c’est aujourd’hui sans importance, puisqu’on semble seuls au monde. On suit la route nationale à vive allure ; cette grande ligne droite nous offre une vue dégagée. Toujours aucune âme qui vive à l’horizon. Mise à part quelques groupes de traqueurs devant les maisons fermées ou dans les champs. Quoique ceux-là n’ont plus rien d’humain. Enfin, on tourne devant l’épicerie qui fait l’angle de la rue principale dans ma section. Elle est grande ouverte, mais on ne voit aucun mouvement alentours. On décide d’y faire une halte ; on y trouvera surement à boire, à manger et la clé du stock de bouteilles de gaz. Ça pourrait se révéler utile. Tiens où sont-elles ? Les abris sont grands ouverts, la chaîne sectionnée ! Quelqu’un est passé avant nous. Nos femmes peut-être ? Dans la boutique ne restent plus que des articles sans importance, comme des produits d’entretien, même pas d’anti-moustique ! Ce qui nous intéresse à déjà été emporté. Ou saccagé. Les pilleurs ont été jusqu’à prendre l’ordinateur de la caisse. Et le tiroir est vide ! À quoi ça sert de voler ça ? L’argent n’a plus aucune valeur et un ordinateur sans électricité non plus. Les gens sont vraiment débiles ! Malheureusement, ce ne sont pas nos familles qui sont passées ici. Elles se seraient contentées de l’essentiel.

On remonte dans le pick-up, bredouilles, Bob toujours au volant ; moi, je laisse ma place à son fiston. Je rejoins les miens. Un adulte de plus à l’arrière pourrait servir. On est un peu secoué par les dos d’âne, mais on n’y pense pas. On attend tellement de notre visite chez moi.

Ça y est, on est dans ma rue ! Mon cœur palpite à nouveau très fort. Plus que quelques maisons. Je vois mon portail. Tout à l’air calme. Mais pas normal. Des corps gisent devant le grillage. Mais je n’en vois pas dans le jardin. Je saute de la caisse et ouvre le passage au véhicule. Le plot est cassé… Je referme aussitôt ; un chien accourt du champ d’en face. Bob s’est garé juste devant la terrasse, où ils m’attendent tous. La porte d’entrée a été forcée ! Un pied de biche la maintient close. Je ne comprends pas pourquoi des voleurs auraient pris soin de refermer derrière eux. À moins que nos femmes soient venues jusqu’ici.

Rien de suspect à l’intérieur. Les meubles sont là. La nourriture aussi. Mais forcément, pas d’électricité, et pas d’eau au robinet. Rien n’a changé. Tout est comme on l’avait laissé quand on est partit pour la soirée. Sauf la feuille blanche coincée entre la nappe et le dessous de plat. Un mot de Lana ! Je lis à voix haute :

<< Nous allons toutes bien. Vous n’êtes pas là, pas chez Val non plus, on va voir chez Clyselle. Si nous n’y trouvons pas trace de vous, nous retournerons chez les neveux de Mr Salomic. Voici l’adresse… >>

On est aussi perplexe qu’au moment où on a lu le message laissé par Val. On ignore toujours où se situe cette maison ! Et pas d’internet pour nous aider à la localiser.

Je saisie un stylo et prend un cahier de mes fils pour répondre. Pour qu’elles voient tout de suite qu’on a trouvé le papier qu’elles nous ont laissé.

<< On va tous bien aussi. On part chez Bob et si vous n’y êtes pas, on retournera chez Richard pour vous attendre car on ne connait pas du tout l’adresse où vous vous réfugiez. >>

La lassitude me gagne. J’avais tellement espoir de les trouver ici. Je lis la déception sur les visages de mes enfants. Ils sont couverts de sang. Je n’avais pas remarqué, jusque-là ; seul m’importait d’échapper aux montres, et d’arriver au plus vite chez moi. Je regarde mes amis. Ils sont dans le même état. Je suppose que je ne vaux guère mieux. Mes mains… Mes bras… Mes chaussures et mon pantalon… On n’a pas d’eau ! Si, la douche solaire que j’ai reliée au récupérateur d’eau, dans le jardin.

Le chien court toujours comme un fou le long du grillage. Il n’a pas compris qu’on n’est pas assez idiot pour aller se jeter dans sa gueule. Des traqueurs arrivent, attirés par le vacarme. Par chance, ils ne sont pas trop nombreux. Ils restent à notre hauteur, derrière le grillage, pendant qu’on se douche, un par un. Ça fait du bien de sentir bon, de porter des vêtements propres. Nos anciennes tenues gisent dans l’herbe, trempées, mais toujours imprégnées de sang. Peut-être que si je les balance au-dessus des traqueurs, le plus loin possible, l’odeur va les attirer et les éloigner de nous. Je tente ; de toute façon, je ne peux pas laisser ces guenilles dans mon jardin. J’ai bien l’intention de revivre ici un jour. Je l’espère, en tout cas. Malheureusement, la substance qui recouvre nos guenilles ne provient pas d’humains. Un ou deux traqueurs se détournent de moi pour suivre les objets volants, mais ils ne font que quelques pas et rejoignent leurs semblables. Merde !

Je pense qu’on doit commencer par s’occuper des animaux en passant nos armes les plus longues à travers le portail. Pas question de se faire mordre ! On va devoir faire vite, si les traqueurs continuent d’appuyer sur la clôture, ça ne tiendra pas longtemps.

On est quatre à s’occuper des chiens. Je passe ma machette à mon fils et prends sont manche à balai pointu. Moi, Sandrine et Bob empalons les bêtes et les rapprochons pour que mon garçon leur tranche la gorge. Les autres s’occupent des créatures en les transperçant en plein cœur.

Les deux plus jeunes de notre groupe remplissent des sacs à dos de boissons, nourriture et vêtements propres, comme le leur a demandé la seule femme du groupe.

Bob redémarre le pick-up pendant que Richard et ses fils déblayent le passage. Mes deux grands et moi récupérons les petits, les sacs, et bloquons la porte avec le pied de biche. On peut s’en aller.

Je me sens sale. De l’intérieur. Les traqueurs qu’on vient d’éliminer sont mes voisins.

- C’est comme si j’étais devenu un monstre. Tout ce qui comptait, c’était de les tuer.

- Clem, encore une fois, c’était eux ou nous. Tu sais que c’est la seule option si on veut survivre et protéger nos enfants. Et que ces êtres ne sont plus tes voisins, me rappelle Sandrine d'un ton apaisant.

C'est dur à encaisser, mais ça a le mérite de me ramener sur terre.

- Combien de temps on va devoir encore supporter ça ? demande Bob d'une voix geignarde.

- Je crois toujours que les secours vont arriver. Qu’il n’y a pas que l’île dans ce chaos. Ils s’occupent sûrement des grandes villes en premier. On passera après, mais ils viendront, affirmé-je. On doit tenir.

- J’espère que tu as raison et surtout qu’ils vont faire vite, car on va tous devenir fou, ou complètement sauvage ! Ou même pire ! grogne encore mon ami.

- Ne pense pas à ça. Nos priorités doivent rester la recherche de nos femmes et notre survie. Alors on va chez toi dans un premier temps. Après, on avisera car on ignore ce qu’il nous attend là-bas.

- Qu’est-ce que tu veux dire ? blêmit-il.

- Il n’y a pas de sens caché, Bob. On doit rester sur nos gardes. Pense à notre joie à tous quand on les reverra. Remotivs-toi ! On a besoin de toi !

- Et toi, Sandrine, qu’en penses-tu ? s'enquiert Rick.

- Je crois que Clément a raison. Et peut-être même auront-ils des vaccins quand ils viendront.

On traverse les champs de canne à sucre où errent des groupes de traqueurs ; des chiens nous courent après.

On arrive dans la commune voisine. Bob roule doucement, il ne manquerait plus qu’on ait un accident !

Certaines des créatures sont emprisonnées dans leurs propres jardins. Ça me fait sourire, c’est bien fait, elles vont se contenter de regarder leurs proies de loin. Je sais que c’est méchant de ma part, que ce sont des personnes comme moi, qui se sont laissées surprendre chez elles. Ou qui y sont tombées malades. Non pas ça ! On ne pourra plus lutter si ça se transmet comme la grippe ! Non, je ne veux même pas y penser…

Les enfants ne parlent plus du chien qu’on a perdu. Ils ont du se faire une raison et préfèrent sûrement oublier pour moins souffrir.

On arrive devant le chemin qui mène chez Bob sans trop de complications. Quelques bêtes sont venues se jeter sur notre véhicule, mais il est trop haut pour qu’ils aient pu y monter. On les a ignorées et on a continué sans ralentir notre allure.

Maintenant, on avance doucement pour éviter les trous. On appréhende tous un peu. On doit être très prudent. Une idée me vient.

- Coupe le moteur, Bob. Il vaut mieux continuer à pied ; on risque de se retrouver bloqué dans l’impasse. Si on doit s’enfuir, le pick-up sera dispo.

- Clem a raison, intervient Sandrine. Je propose que les enfants restent tous ici avec l’un d’entre nous. On n’a pas besoin d’y aller aussi nombreux. Si vos femmes sont là, on se retrouvera d’une manière ou d’une autre.

- Je trouve ça risqué. C’est trop dangereux, riposte Rick.

- Tout est dangereux aujourd’hui ! Si on laisse le moteur tourner au ralenti, il ne fera pas de bruit et l’adulte qui restera là pourra emmener vos fils et ma fille loin en cas de besoin. Je reste avec eux. Après tout, ce sont vos femmes que vous cherchez. On est armé et on a de quoi partir. Dépêchez-vous, on perd du temps !

Ne plus avoir nos fils sous les yeux nous inquiète, mais on est conscient de leur laisser une porte de secours en les confiant à Sandrine. On prend quand même le temps de les serrer dans nos bras et de leur rappeler qu’on les aime.

L’endroit semble vide de traqueurs et de chiens enragés.

On longe deux jardins sur notre gauche et un champ qui s’étale jusque derrière chez Bob sur notre droite. Puis on marque un arrêt avant de tourner devant sa maison. On écoute, mais il n’y a aucun bruit. Le plus à l’angle de nous trois lance un regard rapide dans la rue et avance lentement jusqu’à une Porsche noire. La voie est libre, on le suit.

- D’où sort cette voiture ? demandé-je, suspicieux.

- On dirait qu’elle a été abandonnée, observe Richard.

Bob, quant à lui, remarque l'absence de traqueurs.

- Peut-être qu’ils ont poursuivi les occupants de la voiture quand ils se sont enfuis, suggère Richard.

- Comment sais-tu qu’ils se sont enfuis et qu’ils ne sont pas devenus l’une de ces choses ? s'énerve notre éternel pessimiste.

Il faut le rassurer ; éviter sa panique et ses cris :

- Pas une seule trace de sang, regarde. Le neveu du Boss est arrivé à la soirée avec une Porsche noire… Je m’en souviens, quand on s’est garé à côté de lui, il a maté la Logan de travers.

- Ce n’est pas à ton fils ce tee-shirt ? intervient abruptement Rick, penché sur le protillon des voisins.

- Ça signifie qu’elles sont venues ! m'exclamé-je, ravi et plein d'espoir.

- Elles se cachent à l’intérieur, c’est sûr ! surenchit Bob.

Rick, dubitaif, demande, en examinant la voiture de loin :

- Dans ce cas, pourquoi cette voiture est-elle restée dans l’impasse ?

- Quelque chose ne tourne pas rond ; elle n’est même pas fermée. Et que fait le tee-shirt de Max sur le portail du voisin ?

On est anxieux pendant que Bob essaie d’ouvrir le portillon. On est l’affut. La Porsche abandonnée ne présage rien de bon.

- C’est fermé à clé ! Clyselle ! Barbara ! Vous êtes là ? Il y a quelqu’un ? C’est nous, Robert, Richard et Clément !

Il se tait pour écouter une éventuelle réponse, sur la pointe des pieds pour voir s’il y a du mouvement à la porte d’entrée.

Et on les entend ! Pas nos femmes. Enfin, finalement, j’espère qu’elles ne sont pas là. Il en arrive par la ruelle à gauche et du champ aussi ! Les traqueurs devaient errer derrière la maison et les appels de Bob les ont attirés ! Encore une fois, ils nous prennent en sandwiches !

Heureusement, la clôture de notre ami se compose d’un mur et d’une barrière. On peut donc grimper, escalader et retomber dans le jardin. Bien sûr, la porte est fermée, elle aussi. On contourne le bâtiment pour gagner la terrasse. Nos familles ne sont pas là ; elles se seraient déjà manifestées. Mais puisqu’on a ramené les créatures à l’avant, l’arrière doit être libre. Bob traine deux chaises dans l’herbe pour éviter de faire du bruit. Elles vont nous permettre de passer le grillage pour atterrir dans le champ et courir jusqu’au pick-up. Pourvu que Sandrine et les enfants aillent bien !

Elle a pris la place de Bob et scrute les alentours, les mains sur le volant. C’est en sautant sur le siège à côté d’elle que je vois la marche arrière enclenchée ; elle a dû entendre les grognements et s’apprêtait à partir. D’ailleurs, les traqueurs ont dû nous voir courir et nous sentir ; leur troupeau se dirige vers nous.

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