8/ LE CHAOS : CLEMENT

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J’ai de sérieux doutes sur ce qu’on va trouver à l’aéroport, mais Bob a enfin retrouvé un peu de ferveur alors je garde mes craintes pour moi. Richard reste silencieux, repensant sans doute à l’attaque dont il a été victime.

J'ai réussi à les convaincre de continuer sur la route.

Nous voilà de nouveau sur le bitume, en plein soleil. On recommence nos fouilles complètes des véhicule, les uns après les autres. J’aperçois un pick-up rempli de noix de coco. Je suis certain qu’une machette traîne à côté. Je la découvre en effet sur le siège passager. Elle risque de nous être fort utile. Le reste du groupe m’a rejoint et ma trouvaille leur rend un semblant de sourire. Le moral des troupes remonte.

Des bruits. Ça ressemble à des aboiements. Ça va recommencer ! Ils semblent loin, mais je n’arrive pas à déterminer s’ils sont face à nous ou derrière. Quoiqu’il en soit, ils se dirigent dans notre direction. On les a tous entendus et on écoute, concentré pour certains, tétanisé pour les plus jeunes. Richard nous indique les arbres, un doigt sur la bouche.

On avance en essayant de faire le moins de bruit possible. Jusqu’à ce qu’on ne perçoive plus que le bruissement du vent dans les arbres. Après une bonne marche, on décide de faire une courte pause pour prendre quelques vitamines grâce aux fruits qu’on a trouvés, toujours en silence. Je crois qu’on est tellement fatigué qu’on a de toute façon même plus assez de forces pour parler.

Un craquement. Tout près ! On se lève tous d’un bond, tourné vers le son. Je tiens ma machette, Richard a attrapé le couteau de chasse qu’il garde à la ceinture, Bob a saisi le canif dans sa poche arrière et ma clé ne quitte pas les mains de Tom. On forme un mur devant les enfants ; les plus grands ont pris les petits dans leurs bras.

Une femme surgit. Elle stoppe net face à nos armes pointées sur elle. En fait, elles sont deux. La première donnent la main à une jeune fille. Dans l'autre, elle tient une sorte de lance qu’elle a dû fabriquer avec une branche. On les regarde, indécis. Mais prêt à attaquer si on doit se défendre. Elles semblent humaines, vivantes. Pourquoi ne parlent-elles pas ? Si elles étaient de ces créatures, elles nous auraient déjà sautés dessus. Elles nous dévisagent, elles aussi.

Bon, on ne va pas y passer la journée :

- Vous pouvez parler ?

- Oui. Vous avez vu ces choses ? demande la plus vieille.

- Oui. On se dirigeait vers l’aéroport quand on a entendu les chiens… expliqué-je.

- L’aéroport ! Il ne faut pas y aller ! Il y en a partout ! s'affole-t-elle.

- Vous en venez ?

- Mon mari devait arriver par avion hier. On venait de se garer à l’aéroport quand on a vu les gens s’enfuir en courant du bâtiment. Ils étaient poursuivis par les … monstres. Pas possible de récupérer ma voiture, alors on a essayé de rejoindre le centre commercial, mais c’est pareil là-bas. C’en est rempli, à l’intérieur, sur le parking… Depuis on erre dans les bois. Nous aussi, on a entendu les chiens, c’est pour ça qu’on courrait, pour nous en éloigner.

- La fille, c’est la tienne ?

- Oui, c’est Samantha. Moi, c’est Sandrine.

On range nos armes. Tout le monde peut se détendre un peu. Pendant ce court moment où on se présente, j’ai presque l’impression de tenir une conversation normale, même si on reste tous tendu. C’est comme si on pressentait l’arrivée d’un évènement désagréable, sans savoir lequel. Ça se rapproche de notre triste réalité à l’exception qu’on ne craint pas de mauvaise surprise puisqu’on a déjà rencontré une partie du problème. D’ailleurs, on en a un à résoudre : quel chemin suivre ?

Grâce à Sandrine, on sait qu’on ne peut rejoindre ni l’aéroport, ni le centre commercial, donc inutile de chercher à rentrer en ville. On est conscient du chaos total qui s’est installé sur l’archipel. Il ne nous reste plus qu’une seule solution si on veut rentrer chez nous : avancer sur la route, trouver un véhicule, deux ce serait mieux, en espérant ne pas faire d’autre mauvaise rencontre.

On est tous d’accord pour remplir nos sacs dès le départ en se servant dans les voitures, et pour avancer ensuite sans plus s’arrêter.

On progresse maintenant d’un pas rapide.

L’aéroport est loin derrière nous quand on arrive à la naissance du bouchon.

Le conducteur d’une BMW a dû percuter quelqu’un ; on voit encore les traces de sang sur la carrosserie. Il était sans aucun doute en train de doubler quand il a pilé net, s’est fait percuter par celui qui le suivait, et a été dévié sur la droite, bloquant son voisin contre la balustrade.

Quoiqu’il en soit, il y a des éclaboussures partout, dans les voitures, sur le sol, sur les pare-brise, les portières… Mais pas de corps, vivant, blessé ou mort. Juste une laisse oubliée. Sectionnée plutôt. Complètement rongée et tâchée elle aussi. Où est le chien ?

Les voitures doivent pouvoir encore rouler. Les clés sont restées sur le contact. Je m’installe derrière le volant et essaie de démarrer. Rien. Nada. Pas le moindre toussotement de moteur. Sandrine tente la même opération sur le véhicule coincé à ma droite. Sans plus de succès. Les batteries sont à plat.

Bob et Richard se penchent déjà sur l’AX et la 106 qui suivent. Ils sont plus chanceux que nous. Les clés sont à leur place, mais au moins le contact avait été coupé. Ils ont pu démarrer ! Mais on va devoir pousser les autres voitures sur la bande d’arrêt d’urgence pour sortir de là.

Ça va prendre du temps, de l’énergie. Ça risque d’être bruyant, et donc d’attirer des créatures. De plus, le soleil va bientôt se coucher. J’essaye d’évaluer la situation. Pour rentrer chez nous, on sera obligés de traverser des villes. De nuit. Et pratiquement sans lumières puisque les phares sont cassés. Je trouve ça plutôt risqué. J’ai repéré un hangar dans le champ, en face. J’escalade la barrière de sécurité et m’approche prudemment de l’abri. J’ai souvent vu des bœufs, ici ; ce tas de tôles doit appartenir au même propriétaire. Du bout de mon coutelas, je fais le tour en tapant contre les parois pour vérifier l’absence de créatures. Je demande à voix haute si quelqu’un se cache à l’intérieur et avertit les éventuels occupants (terrifiés, j’imagine), que je suis sur le point d’entrer. Un cadenas bloque l’entrée, alors je fais comme si l’endroit est libre. Je casse le verrou de plusieurs grands coups de machette et avance, lentement. Je ne vois pas grand-chose, il fait sombre. Mes yeux s’habituent vite à la pénombre et je constate que la remise est vide.

J’explique mon plan à mes compagnons dont les avis sont partagés. Certains sont impatients de rentrer, les autres partagent mes craintes.

- Nous ne sommes plus à une nuit près.

- Il fait trop sombre là-dedans !

- Faisons un feu un peu plus loin, face à l’entrée. La lumière nous éclairera suffisamment.

C’est décidé, nous passons la nuit ici. Quelques monstres tentent d’approcher, mais comme ils errent seuls, nous les terrassons rapidement avec nos armes de fortune.

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