Intronisation

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N : Excusez-moi, vous ne m’avez pas appelé !

? : Pardonnez-moi, j’ai dû vous oublier… votre nom ?

N : Møller, Niels Møller.

? : Maulleur… dans les M… mhhh… c’est bizarre, vous n’êtes pas sur ma liste. Vous ne vous êtes pas trompé de classe par hasard ?

N : Non je ne crois pas… j’ai vu que j’étais en terminale S1 sur la liste dehors.

? : Mais… ici nous sommes dans la classe de terminale S2 jeune homme.

N : Oups… du coup…

? : Rejoignez votre classe, et ne vous trompez pas cette fois !

Je quitte la salle de cours le plus rapidement possible afin de camoufler ma gêne au reste de la classe. En refermant la porte, j’entends les rires étouffés de mes camarades. Moi qui voulait rester discret et ne pas faire de vagues comme chaque année, voilà que je me fait déjà remarqué, et dès le jour de la rentrée en plus !

Je retourne dehors pour vérifier le nom de ma salle et là ça fait tilt ; j’étais allé dans la salle 103 au lieu de la salle 013. Quelle idée de nommer des salles de classe comme ça aussi !

Peu importe, je me dirige cette fois-ci vers la bonne classe, celle où je vais pouvoir retrouver mes anciens camarades. Ceux avec qui je vais devoir partager un espace clos de 60m² durant plusieurs heures pendant une année scolaire entière. Ceux avec qui je vais passer des moments surprenants de futilité où l’on va faire semblant de s’apprécier pour la plupart pour que la pilule passe mieux. Tout ça pour couper les ponts lorsque l’on aura tous quitté le lycée, sauf pour les moins malins d’entre nous...

Je me tiens devant la porte et je toque par trois coups distincts, ni trop fort pour éviter de passer pour un bourrin, ni trop mollement sinon c’est sûr que personne n’entendra. J’entends une voix me dire "entrez" et je pose ma main sur la poignée. Avant d’ouvrir la porte, je jette un coup d’œil sur ma montre.

8h37, je peux encore faire passer ça pour un retard. Mais d’un côté, l’autre classe va sûrement parler du mec qui s’est trompé de classe dès le jour de la rentrée. Mais du coup, si je dis que j’étais en retard alors qu’ils apprennent que je m’étais juste trompé de classe, ça va être encore plus la honte. En plus c’est pas crédible que je sois en retard, j’habite à cinq minutes à pied de l’école… Mais je fais quoi là, pourquoi je me pose toutes ces questi…

Tout à coup, la porte de la classe s’ouvre alors que j’avais encore la main dessus, ce qui fait que je suis en quelque sorte propulsé à l’intérieur de la classe, manquant de me faire tomber.

Monsieur Deschênes, notre très cher nouveau professeur principal et accessoirement notre professeur de physique, se tient debout devant la porte, un léger sourire aux coins des lèvres. Vous savez, celui qui veut dire « tiens, le voilà le fameux perturbateur de l’année, celui que l’on remarque étourdi au premier regard et qui va sûrement dissiper la classe, volontairement ou non ».

M. Deschênes : Vous aviez besoin d’aide pour ouvrir la porte ?

Toute la classe se met à rire aux éclats, ce qui confirme alors sa théorie. En moins de 10 minutes, j’ai réussi à passer pour un idiot devant deux classes de 30 élèves soit un total de 60 personnes, ce qui établit sûrement un nouveau record de l’école qui ne sera pas battu de sitôt.

J’essaie de me rattraper en évitant à tout prix le bégaiement qui finirait de m’achever.

N : Euh… j’hésitais à ouvrir parce que je savais pas si c’était la bonne classe.

Mouais, on a déjà vu mieux comme excuse. Et puis comme ça au moins tout le monde saura que c’était moi le mec paumé, de toute façon je suis plus à ça près.

M. Deschênes : Niels Maulleur c’est ça ?

N : Oui c’est ça !

M. Deschênes : Très bien, avec vous on est au complet, et pas d’autres retards pour les prochaines fois.

N : Oui Monsieur, excusez-moi.

Je ne m’aventure pas à reprendre sa mauvaise prononciation de mon nom puisque de une, ce n’est pas vraiment le moment, et de deux, personne n’arrive à le prononcer correctement de toute façon.

J’observe la classe pour savoir la place qui m’a été attribuée, étant donné que l’on n’a pas la liberté de se placer où l’on le souhaite. J’aperçois la dernière place libre, avant-dernière rangée tout à droite contre la fenêtre. Enfin j’ai de la chance aujourd’hui, tout n’est pas perdu !

Je m’installe avec la plus grande discrétion pour ne pas les distraire plus que je ne l’ai déjà fait. Malgré tout, je sens le regard persistant de mon voisin de classe, qui semble être nouveau ici. Ça se voit qu’il veut dire quelque chose mais il attend que je le regarde en retour pour être sûr que je l’entende sans qu’il n’ait à chuchoter trop fort. Je le regarde alors du coin de l’œil.

? : Tu fais déjà des siennes Niels.

Je le regarde alors plus précisément. C’est bizarre, j’ai l’impression de le connaître. 1 mètre 70 à tout casser, les yeux d’un marron profond, une gueule d’ange mais une mâchoire assez carrée, des cheveux châtains abondants et bien coiffés sur le dessus et plus courts sur les côtés, une bouche peu souriante mais dont tu arrives à discerner un subtil rictus, entre la moquerie et l’amusement. Mais c’est…

N : Aleksy !

M. Deschênes : Chhhhht !

Le professeur nous fixe d’un regard sévère. Je fais signe de la main que je suis désolé, j’ai pas spécialement envie de me le mettre à dos aussi tôt. On attend quelques secondes, le temps qu’il ne se préoccupe plus de nous.

N : Je t’avais pas reconnu !

A : Normal si tu me regardes pas t’auras du mal.

N : Désolé j’étais un peu paniqué.

A : Tu m’étonnes !

Et on discuta de tout et de rien le reste de la journée, n’écoutant qu’à moitié les cours, enfin plutôt au quart voire au huitième même. On a surtout parlé de nos souvenirs lorsqu’on était ensemble en primaire. On était inséparables, il y avait quelque chose chez lui qui faisait qu’on ne s’ennuyait jamais, qu’on rigolait tout le temps.

A mes yeux, au milieu de tous nos petits camarades qui déambulaient dans tous les sens, j’avais toujours l’impression de le voir briller de milles feux, comme s’il n’y avait que lui dans cette cour de récréation.

J’étais vraiment triste quand j’ai appris qu’on ne serait pas dans le même collège à cette époque. Et même si je me suis fait plein de potes, je n’en avais jamais retrouvé un comme lui. Donc ces retrouvailles, bien qu’inattendues, ont été une très agréable surprise au milieu de ce jour peu joyeux et pluvieux par-dessus tout.

Pour une journée de rentrée scolaire, on a déjà fait pire.

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