Des mots qui disparaissent

3 minutes de lecture


15 mars 2016


Hier c'était la journée de la langue française, de quoi inspirer quelques réflexions sur les mots et les dictionnaires..

Si l’on admet que la pensée est antérieure au langage et qu’elle existe en soi sans l’aide des mots, il faut bien reconnaître que les mots sont indispensables pour exprimer et transmettre la pensée.

Les mots sont les reflets des choses et des idées. De même qu’à chaque objet doit correspondre un mot, à chaque idée doit également correspondre un mot.

Ainsi le vocabulaire d’une langue doit naturellement s’étendre afin de permettre à l’homme d’exprimer le plus simplement et le plus précisément possible sa pensée. Comme le monde est de plus en plus complexe, la pensée est avide de nouveaux mots pour exprimer cette complexité croissante. Lorsque un mot nouveau apparaît dans les dictionnaires, s’il ne fait pas double emploi avec un autre, je pense qu'il ne devrait jamais être abandonné, car la pensée qui l’a fait naître ne saurait elle-même disparaître.

Et pourtant c’est à une hécatombe lexicale, à laquelle nous assistons tous les ans lorsque paraissent les nouvelles éditions des dictionnaires.

Bien sûr certains mots ne disparaissent pas aussi facilement, ils ont la vie dure et se maintiennent dans le vocabulaire encore longtemps. Mais le fait de ne plus figurer dans les dictionnaires les plus utilisés est l'amorce de leur déclin. Je pense que les mots vraiment utiles finissent par réapparaître plus tard sous une autre forme, mais quelle perte de temps inutile ! La naissance d’un nouveau mot dans le vocabulaire d’une langue est un événement important, qui arrive au terme d’un long parcours et personne ne peut décider de le faire disparaître.

Ainsi en est-il pour le mot AVEINDRE qui bien que n’ayant aucun synonyme est en voie de disparition. Ce mot figure encore dans le dictionnaire de l'académie française mais il a disparu du Larousse.

Définition : Aller prendre un objet pour l'apporter à la personne qui le demande. (Littré)

Tirer un objet de la place où il est rangé; atteindre quelque chose avec effort. (Trésor de la langue française)


Autres définitions :


1-Très vieilli. Aller chercher une chose, la retirer hors du lieu où elle est placée ou rangée, en particulier pour l'apporter à une personne qui la demande.

Tirer un objet de la place où il est rangé; atteindre quelque chose avec effort. Aveindre du linge, des habits d'un coffre ; aveignez ce livre, ces papiers de dessus cette tablette

2- Au Canada. Aveindre une personne, la rejoindre, parvenir à elle.


On peut supposer que ce mot, assez voisin dans sa consonance et sa signification du mot atteindre, a disparu au profit de ce dernier. Pourtant ces deux mots pourraient coexister sans problème. Le mot atteindre a un sens plus général, le mot aveindre implique un effort particulier pour atteindre quelque chose et s'applique principalement à un objet matériel.


Se priver d’un mot n’est-ce pas se priver d’une partie de l’univers ?


"J'ai la folie de ces livres-là. Je me suis bien souvent surpris à faire l'école buissonnière dans quelque grand dictionnaire, touffu comme une forêt. C'est que les mots sont des images ; c'est qu'un dictionnaire, c'est l'univers par ordre alphabétique. A bien prendre les choses, le dictionnaire est le livre par excellence. Tous les autres livres sont là-dedans ; il ne s'agit plus que de les en tirer." Anatole France

Voici quelques mots supprimés du dictionnaire de l'académie française 9ème édition :

abuseur. n. m. Celui qui abuse. Un grand abuseur.

accortise. n. f. Humeur accorte.

acerbité. n. f. Qualité de ce qui est acerbe.Ce fruit est d’une acerbité insupportable.

amusoire. . f. Moyen d’amuser, de distraire. Cela n’est pas sérieux, ce n’est qu’une amusoire.

assoter. v. tr. Rendre sot. Vos discours finiront par m’assoter. Il se dit parfois pour Rendre sottement amoureux. Il s’est assoté d’une femme qui le ruinera.

baladinage. n. m. Plaisanterie bouffonne et de mauvais goût.

nigauder. v. intr. Faire des actions de nigaud, s’amuser à des choses de rien.

Mais il faut bien faire de la place pour les nouveaux mots sinon les dictionnaires deviendraient trop volumineux. Ainsi, la neuvième édition du dictionnaire de l'académie contient 28 000 mots nouveaux par rapport à l'édition précédente publiée en 1935 ! Mais combien de mots sacrifiés à l'autel de la nouveauté ?

Pour préserver tous ses mots oubliés, bannis, excommuniés il faudrait éditer un dictionnaire qui les recueillerait tous, une sorte de refuge pour mots maltraités, abandonnés, afin que ceux-ci puissent avoir une deuxième vie.

Ce pourrait être un superbe défi que d'écrire une histoire en utilisant tous ces mots disparus.

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