4. La bête et le monstre

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Un nouveau grondement ébranle la pièce et jette au sol les meubles et les livres ! L'homme qui m'a repêchée a déjà disparu dans le couloir. J'essaie de me lever, mais une seconde secousse m'envoie me fracasser contre le mur !

Le chat s'est réfugié dans un coin de la pièce, le corps gonflé par l'effroi, les yeux larges de terreur. Il me suit pourtant dans le couloir, sursautant à chaque turbulence qui me balance brutalement d'un mur à l'autre. Les lampes tremblotent et la pièce convulse dans le noir.

J'avance tant bien que mal jusqu'à la prochaine porte. Une nouvelle secousse fait rugir son battant sur ses gonds, l'ouvre dans un cri sur un cabinet de toilette minuscule. Le chat sur mes talons zigzague entre mes pieds, balloté par la folie.

Soudain, un râle s'extirpe de la porte au bout du couloir. Je l'ouvre sur la salle de commande. Ses grandes vitres ne laissent voir que les entrailles de la tempête brûlées de fureur. Les nuages éructent d'immenses gerbes de feu et embrasent la pièce d’éclairs.

L'homme est là, tentant de maintenir le cap à travers le bouillonnement. Un choc le projette contre une vitre. Un grondement envahit les cieux. Il gémit et se relève, avant de me remarquer, échue sur le sol, le chat blotti contre mes jambes.

« Nous devons passer ! Tiens-toi ! »

Il se précipite sur le gouvernail, saisit les poignées avec rage, luttant pour maintenir le zeppelin au travers du tumulte. Il rugit à chaque nouveau spasme qui ébranle les cieux. Il est comme un fauve dans le feu de l'orage, comme une bête furieuse à chaque éclat de foudre.

Les nuées noires continuent d'assaillir le ballon. Elles frappent les vitres avec violence. Elles crachent leur bave de pluie et dressent leurs crocs de foudre. Le zeppelin essuie les coups, poussant des râles métalliques à chaque attaque. L'homme le lance contre les mâchoires béantes du monstre, le transperce de part en part, ressort de l'autre côté en giclées de nuages.

Brutalement, le calme.

De nouveau la lande grise s'étend à perte de vue, plate, stérile, ternie par la menace de la tempête. L'horizon laisse percer une silhouette étroite, s'allongeant comme un fil de pierre, entre la terre morne et le ciel gris.

« Babel » dit l'homme. Sa voix est faible et ses yeux creusés par la fatigue.

« Nous devrons nous y arrêter. Le zeppelin ne contient pas beaucoup de vivres. A deux, nous les aurons vite épuisés. Et tu auras besoin d’autres vêtements. » Je jette un coup d’œil sur ma robe. L'étoffe rouge est maculée de terre et déchirée par endroits.

« Nous ne pourrons pas rester longtemps, reprend-il. Ce pilier est trop proche de l'Effondrement. »

Des nuages noirs s’étendent derrière les vitres de la salle de commande, bien au-delà du fracas de l’orage. Ils paraissent roder, comme des présages sombres qui lentement s’enroulent le long de la tour.

Le pilier les surplombe et se dresse à travers le ciel brûlé. Ses murs de pierre sont inégaux et variables, trahissant la hâte qui les a bâtis. A son sommet, la tour s’élance en volutes de fumées. Des échafaudages lui construisent une couronne et prolonge son ascension vers les étoiles. La nuit se dépose autour d’elle, avalant peu à peu son ombre.

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