16.    Un Fils - Partie 1

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Dorian n’avait jamais vécu une existence aussi paisible. Alors qu’il déambulait dans les couloirs du palais, il avait croisé Firiel. L’elfe ne cachait plus ses sentiments à présent et avait rapidement entrainé le jeune homme dans sa chambre. À présent, ils dormaient, amoureusement enlacés. Le mage sentit sa compagne bouger, elle se redressait. Il ouvrit un œil paresseux pour se rendre compte qu’elle se tenait au-dessus de lui, comme une dominatrice. Il allait lui lancer une petite pique affective quand, une douleur incommensurable lui déchira les entrailles. Toute trace de sommeil l’avait quitté, il eut grand mal à analyser ce qu’il se passait. Firiel le tuait, l’assassinait. Il voyait la lame qu’elle brandissait se planter dans son ventre et en ressortir ensanglantée. La jeune femme gloussa d’un rire malsain, et soudain son visage se métamorphosa. Dorian était pétrifié, Valérian se dressait devant lui, le poignard qu’il tenait dans les mains était maculé de sang. Le père planta son regard dans celui de son fils et déclara d’une voix froide :

  • La rédemption n’est pas de ce monde, Fils, et toute traitrise doit se payer au prix fort.

Dorian sentit la lame lui entailler violemment la gorge. Il ouvrit alors les yeux. Il eut beaucoup de peine à chasser les bribes de ce cauchemar. Il était haletant, couvert de sueur. Firiel qui était pelotonnée dans ses bras se retourna en grognant. Le mage la regarda dormir. Il espérait trouver un peu de calme et tenta de retrouver le sommeil mais au fond de lui, une alarme montait. Une étrange angoisse qui lui disait que son père était libre. Il était à présent, totalement réveillé, brûlant d’aller voir de lui-même si Valérian était toujours prisonnier des glaces de son royaume. Il s’assura une nouvelle fois que Firiel dormait à poings fermés puis apparut dans son monde polaire. Elminster se redressa quand il vit l’air inquiet du jeune homme :

  • Qu’est-ce qui ne va pas, Fils ?

Dorian ne prit même pas le soin de lui répondre, il se précipita au fond de la grotte et s’arrêta devant le mur de glace. Ce qu’il vit l’apaisa : le corps de Valérian était toujours pétrifié dans cette gangue froide. Pourtant, l’alarme retentissant dans son esprit ne semblait pas vouloir se taire. La voix d’Elminster le chassa de ses pensées :

  • Il y a quelque chose qui ne va pas.
  • Non, répondit le jeune homme en s’intéressant à son interlocuteur, juste un cauchemar.
  • Tu as parlé à la Reine, reprit le vieil enchanteur.
  • Oui, et j’ai peut-être un plan. On en discute demain au conseil de guerre.
  • Ah parfait, Fils ! se réjouit le mage. J’ai hâte de voir leur surprise à mon retour des limbes.
  • Ce n’est pas une bonne idée, trancha Dorian, votre mort doit nous servir. J’ai l’impression que Drake a des espions dans le palais et je ne veux pas lui dévoiler cet atout.
  • Tu me gardes ici prisonnier, s’emporta alors le vieux mage.

L’alarme que le jeune homme avait en lui hurlait sans relâche, comme s’il allait réellement se passer quelque chose de grave. Elminster semblait étrangement emporté et le mot prisonnier sonnait mal dans sa bouche. Dorian regarda autour de lui, comprenant qu’il manquait un élément crucial :

  • Où est le Néphilim ? demanda-t-il.

Ce fut quand le vieux mage haussa les épaules comme s’il n’en savait rien que Dorian comprit. Il sortit, d’un geste vif, son épée du fourreau et vit poser la lame sous la gorge de l’enchanteur.

  • Tu penses pouvoir m’avoir avec tes artifices ?
  • Mais, Dorian, s’emporta son interlocuteur, tu es devenu fou ?
  • Au contraire, répondit froidement le jeune homme, jamais Elminster ne m’aurait appelé Fils. Or vous l’avez fait par deux fois, Père.

La surprise se lut sur le visage du vieil homme mais comprenant qu’il ne pourrait plus longuement tromper le mage, Valérian reprit sa forme originelle.

  • Tu m’impressionnes, avoua le Mage Noir, je ne m’attendais pas à ce que tu me démasques aussi rapidement.
  • Où est Elminster ? demanda froidement Dorian, qu’en avez-vous fait ?

Valérian eut un sourire malsain et enchaina :

  • Il est une chose que tu m’as apprise, Fils. Il arrive, des fois, que la mort soit un châtiment plus doux qu’une vie en enfer.

Il lança un regard par-dessus l’épaule du jeune homme vers le mur de glace. Dorian n’eut pas le moindre doute quant au lieu où se trouvait le vieux mage. Le père enchaina alors :

  • Il est faible, fatigué, ça a été un jeu d’enfant d’utiliser le lien que tu lui avais offert pour inverser nos places. À présent, Fils, libère-moi ! J’ai un monde à détruire.

À peine eut-il achevé sa phrase que Dorian sentit une violente douleur au niveau du ventre. Il se retourna vivement pour découvrir que le Néphilim avait changé de camp et venait de le blesser d’un coup de griffe. Le jeune homme passa une main réparatrice sur sa blessure et déclara d’une voix amusée :

  • D’accord, c’est un combat que vous voulez, c’est un combat que vous aurez.

À peine eut-il achevé sa phrase qu’une violente bourrasque s’éleva dans la caverne. Valérian l’observa avec un certain amusement puis laissa sa magie affluer afin de générer un bouclier de feu autour de lui. Dorian sentit le Néphilim préparer un assaut. L’ange déchu fondit sur lui mais le jeune homme fut plus rapide. Il saisit la créature à la gorge, bloquant son attaque avec puissance.

  • Retourne dans les limbes, déclara-t-il d’une voix sans sentiment.

En une fraction de seconde, la créature disparut, renvoyée dans le monde duquel elle avait été tirée. Dorian reporta alors toute son attention sur Valérian, il sentait une puissante colère affluer en lui. À présent que Firiel était dans sa vie, il savait pourquoi il se battait. Il vaincrait aisément son père et ne finirait pas dans le même état que celui où il avait été après leur première bataille. L’attaque enflammée de Valérian fut balayée d’un geste de la main par une vague de glace. Les assauts du géniteur furent brutales et par rafales mais son fils les contra toutes sans montrer la moindre faiblesse. Valérian arrêta soudain ses offensives. Dorian n’avait pas riposté mais il n’était nullement amoindri par les coups qu’il lui avait portés. Le père, cependant, sentait déjà sa magie chanceler. Il comprit alors que son fils utilisait son éther pour dévier ses sorts. Valérian fit mine de paniquer et utilisa la corde sensible pour déstabiliser Dorian :

  • Dorian, mon fils, tu ne ferais pas de mal à ton père ?

Dorian répondit d'un léger rire. Il fondit sur son opposant et lui porta un estoc assez puissant pour enfoncer son épée dans le ventre de son géniteur. Tout se passa en un clin d’œil, le fils frôla le cœur de son père afin de tarir son éther. Une explosion magique inonda la caverne alors que le jeune homme renvoyait son adversaire dans sa prison gelée et tirait le vieil ami du mauvais pas où il s’était retrouvé enfermé. Dorian était aveuglé par sa colère et par sa haine pour son géniteur. Il posa les deux mains sur le carcan de glace, prêt à en finir une bonne fois pour toutes quand la voix de Syphilis le rappela à la raison :

  • Dorian, non ! Il n’attend que ça. Si tu le tues, il aura gagné. Pense à Firiel. Ne deviens pas comme lui !

La mention de la jeune femme eut pour effet de calmer instantanément la fureur du mage. Il retira les mains du carcan de glace et se retourna vers Elminster. Son allié semblait vivant mais indubitablement affaibli. Dorian mit un genou au sol pour être à sa hauteur. Apposant sa paume sur le cœur du vieil homme, il défit le sort liant l’enchanteur rouge à son ancien ami et en profita pour lui redonner un peu de forces. Puis se relevant, il avisa son familier. Ce dernier se téléporta sur l’épaule de son maître et vint caresser sa petite tête sur la joue du jeune homme :

  • Je n’ai pas pu te prévenir, il m’avait bloqué…

Mais Dorian ne l’écoutait pas, son regard se perdit dans le vide, il laissa vagabonder ses pensées. Le plan que Valérian avait fomenté était intéressant, mieux que ça, il pourrait être aisément réutilisé.

***

Firiel avait émergé de ses doux rêves, ce matin-là pour constater que Dorian n’était pas à ses côtés. Pire que ça, le jeune homme était parti comme un voleur sans un mot ni un signe d’affection. Une troublante hésitation s’immisça dans son esprit : et si Céleste avait raison ? Elle chassa sauvagement cette pensée. Dorian l’avait aidée, il l’avait sauvée à plusieurs reprises. Il ne pouvait pas… mais le doute était là. La veille elle lui avait offert bien plus que son cœur. Et s’il la délaissait à présent qu’il avait eu ce qu’il voulait ? Sa sœur l’avait mise en garde contre ça. Peut-être avait-elle eu raison ? L’elfe se sentit soudain sale et trahie. Il n’avait pas pu, c’était impossible. Il… il allait revenir. Cependant, durant le temps qu’elle prit pour se préparer et se rendre à la réunion, le mage ne se montra pas. La Reine commença par retransmettre les informations qu’elle avait grappillées de ses éclaireurs. Plus aucune troupe de Drake n’était dans les parages. Qui plus est, il semblerait que Sorgat ne déversait plus ses hordes démoniaques sur les terres alentour. Firiel écoutait le rapport d’une oreille distraite quand soudain, sa sœur se pencha discrètement vers elle pour lui demander à mi-voix :

  • Tu sais où est Dorian ? Il est quelque peu en retard ce matin.

Firiel fit non de la tête, incapable de masquer son trouble. Galadrielle ne releva pas et reporta son attention sur l'assemblée, déterminée à discuter avec sa soeur une fois la réunio terminée. C’est alors que Dorian fit une entrée théâtrale.

  • Excusez mon retard, déclara-t-il.

Il avait l’air passablement défraichi avec ses cheveux en bataille et son visage couvert d’ecchymoses. Il s’avança vers Firiel et lui tendit une rose venant de nulle part, lui promettant laconiquement une explication puis usa de sa magie pour fermer la porte. Il détailla chaque personne présente dans la pièce pour ensuite se tourner vers la Reine :

  • Avez-vous une confiance immuable envers les membres de cette assemblée ?

Galadrielle acquiesça silencieusement :

  • Parfait, reprit le jeune homme. Je pense avoir trouvé le moyen d'affaiblir Drake, voir même de le vaincre.

Dorian usa d’effets magiques pour dresser une carte du monde, il y dessina Sorgat et le royaume elfique ainsi que les vagues d’ennemis qui les avaient déjà attaqués.

  • L’idée est simple, Drake reste cloitré depuis des mois dans sa forteresse et il s’amuse à nous expédier des assaillants par salves afin d’affaiblir notre protection. Pour le moment, nous ne faisons que nous défendre et de là où il est, il ne craint rien.
  • Et que préconisez-vous ? L’imiter et envoyer nos gars au massacre sur les remparts de Sorgat, tonna un général.
  • Presque, reprit Dorian, nous avons un atout que les autres n’ont pas. Un mage qui a assez de puissance et de folie pour transporter une armée entière aux portes de la cité.
  • Et s’il se fait tuer ? trancha un autre général.

Dorian secoua la tête et reprit :

  • Laissez-moi m'expliquer. Attendons une nouvelle salve ennemie, et opposons-lui la majorité de nos troupes. De mon côté, j’entre au beau milieu de Sorgat et une fois dans la cité, j’échange ma position avec celle de l’armée.
  • Et qui combattra la vague qui sera à nos portes ?
  • C’est mon problème, répondit sommairement le mage.
  • Dans ce plan suicidaire quelque chose me gêne, coupa Raven. Drake sait que tu nous as rejoints, il n’a plus de doute quant au camp dans lequel tu te trouves. Il ne te capturera pas si tu te présentes sur ses terres, il te tuera tout de suite.
  • Ce n’est pas faux, répondit le jeune homme.

Dans un souffle d’air, son visage changea doucement, ses traits se tirèrent et ses yeux virèrent au rouge. Certains généraux hésitèrent quand ils virent la copie parfaite de Valérian se tenir à la place qu’occupait son fils l’instant d’avant :

  • C’est pour ça que ce n’est pas moi qui lui demanderai audience.

Dorian reprit ses traits, bien conscient d’avoir suffisamment argumenté en faveur de son projet. Andromède qui écoutait le plan d’un air intrigué trancha soudain :

  • Il faudrait que l’on ait l’assurance de pouvoir battre en retraite en cas de déroute, un second enchanteur devrait nous assister.
  • Ça sera le cas, répondit Dorian, cependant, pour le moment, j’ai besoin de connaître le niveau des mages qui sont à nos côtés.
  • Aucun n’aura la possibilité de nous faire revenir, coupa Andromède. Elminster aurait pu avoir cette force, malheureusement, nous devons apprendre à vivre sans lui. La stratégie est caduque sur ce point, cela ne fonctionnera pas.
  • Seigneur Andromède, intercéda la Reine, nous ignorons quand une nouvelle vague va sévir, un novice peut être formé dès lors.
  • Par lui, s’écria l’elfe ! Ma parole, mais vous avez perdu la tête ! Au lieu d’avoir un fléau, donnons-lui une recrue, une armée tant que vous y êtes.

Dorian sentit bien qu’il perdait pied face à ces accusations, si Elminster avait proposé ce plan, il aurait été accepté sans aucune discussion. Le jeune homme faisait peur, la confiance n’était pas acquise auprès des généraux. L’amertume le gagna. Il baissa les bras et quitta la salle convaincu que rien ne pourrait rallier les stratèges sous son égide. Il s’éloignait de la réunion lorsqu’il entendit qu’on le hélait. Firiel se porta à sa hauteur un étrange sourire aux lèvres. Il le lui rendit et s’apprêtait à lui parler quand l’elfe lui écrasa violemment son poing dans la figure.

  • Ne me refait plus jamais ça, s’emporta Firiel, je me suis réveillée seule sans un mot ou un geste de ta part. J’ai ruminé, pensé les choses les plus folles et…

Elle banda son poing pour frapper à nouveau mais le mage esquiva et retourna la situation à son avantage en plaquant la jeune femme contre le mur du couloir.

  • J’aime tes certitudes face à mon éventuelle traitrise, remarqua-t-il. Quelque chose s’est produit cette nuit et j’ai évité une nouvelle catastrophe. Je peux comprendre ta détresse mais pourquoi ne veux-tu pas me faire un peu confiance ?
  • Céleste m’a dit…

Dorian soupira en relâchant son emprise, sans même écouter le reste de la phrase de l’elfe. Il aurait souhaité tout envoyer valser dans une colère phénoménale mais n’en trouva pas le courage. Il tourna un regard empli de tristesse vers sa bien-aimée :

  • Céleste est persuadée que nous ne pouvons pas vivre heureux ensemble, elle fera tout pour distiller le doute dans ton esprit. C’est ta sœur, elle veut te protéger, c’est louable mais je n’ai pas envie de laisser filer le bonheur juste parce qu’elle aura décidé que nous ne pouvons pas être heureux tous les deux.

Il s’approcha de la jeune femme et lui prit les mains :

  • J’ai eu tort d’être parti comme un voleur.

Il n’eut pas besoin de demander s’il était pardonné. Firiel n’ajouta pas un mot et vint se lover dans ses bras. Leur relation commençait étrangement, le mage espérait simplement que la sœur ne parviendrait pas à ses fins.

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