11.    L’Imposteur - Partie 1

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Un poing s’écrasa sur le mur de la prison, les jointures de la main de Dorian se mirent à saigner. L’image de ce qu’il se passait chez les elfes venait de s’évanouir et le mage était à présent hors de lui. Promettant silencieusement les pires tourments à son sosie. Il devait s’évader, quitter cette geôle. S’il usait de sa psyché, il serait trop rapidement repéré et qui plus est, il n’était pas certain de pouvoir maîtriser son sort jusqu’au bout. Le combat contre Valérian l’avait considérablement amoindri. Syphilis ne lui serait, également, d’aucune utilité, puisqu’il n’avait aucune idée d’où pouvait se trouvait la clé de sa cellule. Il avait tellement peiné à mettre son père hors d’état de nuire qu’il ne le livrerait jamais à Drake. Drake, il ignorait tout de ce type mais il savait déjà qu’il le haïssait. Dorian se retourna brusquement quand la porte de la prison s’ouvrit à nouveau.

  • Ainsi donc, c’était vrai, déclara une voix qui fit ressurgir des centaines de souvenirs au jeune mage.
  • Zorgal, murmura Dorian assaillit par tant de réminiscences.

L’invité s’avança vers la lumière, ses traits étaient tirés, comme burinés par une fatigue incommensurable.

  • J’aurais cru qu’un mage de ta classe et ta puissance saurait combattre Drake, reprit le vieil ennemi.
  • Il m’a attaqué au moment où j’étais le plus vulnérable.
  • C’est ce que j’ai ouï dire. Ainsi donc, tu as vaincu Valérian.
  • Oui, répondit le jeune homme, je me suis rendu compte qu’il ne pouvait plus continuer à répandre sa vengeance sur ce monde. Il fallait l’arrêter.
  • Et la tienne de vengeance, reprit le mage d’une voix acerbe. Cela fait des années que je n’ai plus trouvé le sommeil, que je ne sais plus toucher l’éther. Je ne suis qu’un serviteur ici.
  • Libère moi et je te rends tout, promis Dorian, c’est donnant donnant.

Zorgal fit la moue, on le voyait jubiler d’être ainsi en position de force.

  • Je n’ai pas confiance, trancha le vieux mage, rends-moi mon pouvoir et ma conscience et je m’arrangerai pour que Drake ne tue pas ton familier.

L’ancien examinateur eut un sourire amusé :

  • Quoi ? Tu ignorais qu’il était aussi ici ?

Dorian eut un mouvement de recul, il concentra ses sens et comprit rapidement en caressant l’esprit de l’hermine qu’elle aussi était dans de sales draps.

  • Dorian, lui souffla-t-elle par la pensée, l’éther, n’utilise pas le tien, puise dans celui des autres.

Le jeune mage n’eut aucun besoin de réflexion pour comprendre ce que son familier lui disait. Il leva un regard résigné vers son ancien tortionnaire.

  • C’est d’accord, lâcha-t-il.

Zorgal jubila sur place quand il entendit le mage céder. Dorian se concentra sur l’énergie de son ennemi. Il n’eut aucun problème à retirer le bouchon qui retenait l’éther. Zorgal ouvrit grand les yeux en sentant son pouvoir affluer à nouveau en lui.

  • Je te préviens tout de suite, si Syphilis meurt, sache que la pire des tortures qu’il puisse exister en ce monde sera douce face au sort que je te ferai subir.

La menace avait été proférée avec tant de douceur et tant de fermeté que Zorgal ne put s’empêcher de faire un pas en arrière. Dorian en profita pour passer à l’action. Il se concentra et extirpa ce qu’il pouvait de la force vitale du mage. Il régénéra son éther en un clin d’œil et disparut de la cellule sans demander son reste.

***

Dorian ne se matérialisa cependant pas directement chez les elfes. Les paroles de Zorgal l’inquiétaient et il voulait absolument savoir si son familier était en pleine santé. Il réapparut dans une ruelle de la cité, assez proche du palais pour pouvoir faire volte-face. Il devait agir vite et surtout avec beaucoup de discrétion, sa disparition ne tarderait pas à être révélée et ce serait dommage de se faire reprendre si facilement. Il laissa son éther s’envoler doucement vers les prisons. Il parvint rapidement à capter l’aura de son hermine. Il noua donc une conversation étroite avec elle d’esprit à esprit.

  • Comment vas-tu ? s’inquiéta-t-il.
  • Ça va. Je ne suis pas blessée, et toi ?
  • Je suis dehors, je viens te chercher.
  • Non !

Dorian fut surpris par le refus catégorique de l’animal.

  • Non, Dorian, reprit-elle plus doucement, je suis au courant pour le double et pour sa mission d’espion. C’est important que tu retournes chez les elfes l’arrêter avant qu’il n’intercepte des informations vitales.

Dorian hésita, ça aurait été tellement simple de libérer d’abord son familier avant de foncer tête baissée vers cet ennemi mais l’image de Firiel charmée par cet imposteur s’imposa à son esprit et acheva de le convaincre qu’il devait agir et vite.

  • Si tu as le moindre souci, appelle-moi et je viendrai immédiatement, promit-il avant de rompre le contact.

Il soupira. C’était inouï ; même quand il mettait du sien pour atteindre la rédemption, d’autres décidaient de sa damnation à sa place. Il se concentra et se matérialisa dans un coin reculé du palais elfique, assez à l’écart pour ne croiser personne. Dorian se fondit dans un coin d’ombre quand il entendit des pas venant dans sa direction. Il était arrivé à l’endroit exact où il devait être. Il vit son double passer devant lui sans le remarquer. La ressemblance était vraiment impressionnante. Le doppleganger s’arrêta et frappa doucement à une porte. Sans recevoir le moindre retour, il entra dans la pièce. Dorian projeta son esprit dans son sillage. C’était la chambre de Firiel, l’elfe se remettait d’une vilaine blessure. Le mage ne pouvait intervenir maintenant, il fallait agir avec la plus grande des prudences, aussi utilisa-t-il ses sens espionner cet imposteur.

***

Firiel émergeait de son coma, tout son corps était perclus de douleurs mais une horrible tension dans ses côtes prédominait. Elle grogna quand elle vit Dorian entrer dans sa chambre et s’approcher d’elle.

  • Comment vas-tu, s’enquit-il ?

L’elfe serra les poings, ce qu’il pouvait avoir du toupet ce type ! Non seulement elle se trouvait blessée dans une bataille qu’il avait engendrée mais qui plus est, elle doutait à présent de tout, de son amour, de son camp. Firiel fouilla ses draps à la recherche d’une des armes qu’elle avait dissimulées. Elle dut mobiliser la totalité de ses forces pour attaquer le jeune homme, elle bondit hors de son lit, arrachant une grimace de douleur au passage et alla bloquer Dorian contre un mur, un poignard sous la gorge.

  • Tu es de quel côté ? questionna-t-elle ? Pourquoi devrais-je te faire confiance ?

Dorian eut un sourire graveleux qui inquiéta la jeune femme. Il appuya sans ménagement sur la blessure de l’elfe, la forçant à lâcher son arme et retournant violemment la situation à son avantage.

  • Tu m’appartiens, déclara-t-il d’une voix froide.

Firiel eut beau ruer et se débattre pour se soustraire à l’emprise de son assaillant, Dorian était visiblement plus puissant qu’elle. L’elfe sentit son cœur s’emballer quand il la força à l’embrasser. Elle était à sa merci, il n’y avait aucune échappatoire. Lorsque le mage recula pour la regarder, elle vit dans ses yeux ce qu’il projetait pour elle.

  • Nous discuterons des termes de la soumission prochainement, déclara-t-il, à présent, dors, que je puisse m’amuser.

Firiel paniqua et voulut répliquer mais le mage venait de lui lancer un sort de repos contre lequel elle ne put lutter. Le sommeil l’emporta instantanément. Dorian eut un sourire mielleux quand il porta l’elfe pour la remettre dans son lit. Il la regarda avec amusement, imaginant déjà ce qu’il allait faire… ce qu’il pouvait faire à présent qu’elle dormait. Il se frotta les mains avec délectation lorsque soudain, la porte de la chambre s’ouvrit. Le doppelganger n’eut pas le temps de réfléchir : quelqu’un venait de se ruer dans la pièce, l’avait saisi avec force et sa tête avait férocement percuté le mur le plus proche. L’imposteur sentit le sang lui couler du nez, son regard se porta vers son agresseur et une peur panique l’étreignit. C’était lui, enfin, son véritable modèle.

  • Je te donne deux options, menaça Dorian. Soit tu dégages tout de suite de cette chambre et j’essayerai d’oublier ce que j’ai vu. Soit je refais la déco de ces lieux version entrailles et cervelle.

Le dopplenganger tenta de joindre mentalement Drake mais Dorian lui fracassa une nouvelle fois la tête contre le mur :

  • Ne le contacte pas, c’est entre toi et moi que ça se passe. Tu es censé faire quoi ici ? C’est quoi ta mission ?
  • Éviter que tu aies des alliés, répondit l’imposteur. Drake te veut dans ses rangs, toi et ton père.

Dorian alpagua le double et le projeta violemment au sol.

  • Je suis dans un jour de clémence, va-t’en, déclara le mage.

Le double toisa son modèle ne sachant pas quoi faire, jusqu’à ce que Dorian explose :

  • Dégage ou je te tue.

L’imposteur ne tenta pas plus longtemps le diable, il disparut sans demander son reste. Quand il fut enfin seul avec Firiel, Dorian se tourna vers le lit de la jeune femme. D’une projection de psyché, il eut un bilan de son état de santé. Hormis les commotions qui ne partiraient qu’avec du repos, l’elfe avait une côte cassée et surtout une plaie d’arme blanche. Le mage usa de son pouvoir pour ressouder l’os et refermer la blessure. Quand elle fut soignée, le regard de Dorian s’attarda sur son visage, il retira doucement une mèche qui masquait son front. Des filles, il en avait tenu des dizaines dans ses bras, il en avait aimé aussi mais jamais aucune d’elle ne l’avait autant hypnotisé que Firiel. Jamais aucune vie ne lui avait importé plus que celle-ci. Jamais l’idée de mourir pour que quelqu’un vive ne lui avait effleuré l’esprit. Il s’était battu pour elle. Il avait défié et même vaincu son père pour elle. Au fond de son âme, il sentit que l’heure était venue. Il usa d’un nouveau sort pour libérer la belle de son sommeil. Il n’avait peut-être pas calculé ce qu’il s’était passé entre l’elfe et son double. L’elfe fut prompte à revenir à elle, elle saisit la main du mage, la lui retourna violemment et se redressa, une immense colère dans les yeux :

  • Va-t’en, hurla-t-elle, quitte ce royaume, je ne veux plus jamais te voir.

Dorian encaissa le coup sans rien dire. Il fit bouger sa main afin de s’assurer que rien n’était cassé puis il déclara :

  • Firiel, oublie ce qu’il s’est passé ces dernières heures, ça n’était pas moi et…

Il sentit que ses explications seraient vaines. Aussi mit-il un genou au sol, implorant l’elfe du regard

  • Jamais, de toute ma vie, commença-t-il, je n’ai su ce que le mot aimer pouvait signifier. Je ne vivais que pour moi avant de te rencontrer. Ma douce, je n’ai rien à t’offrir, pas d’argent, pas de titre, pas de trésor, juste un cœur. Si tu en veux, tu n’as qu’un mot à dire et il est à toi, à tout jamais.

Un lourd silence suivit cette déclaration. Dorian resta les yeux fermés à guetter une réaction de la jeune femme. L’espoir naquit dans son cœur quand il sentit la main de l’elfe lui effleurer la joue. Il ouvrit les yeux en proie à une joie indicible mais elle fut rapidement effacée. Le poing de Firiel s’écrasa sur sa tempe et le fit vaciller. Elle le toisait d’un air furieux.

  • Comment oses-tu ? Je refuse. Tu es un monstre. Quitte ces terres, je ne veux plus jamais te revoir.

Dorian lui lança un regard chagriné puis il capitula. Il se leva doucement et quitta la chambre. Une certitude l’étreignait, il aurait dû tuer cet imposteur.


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