8.    Rencontre Elfique - Partie 1

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Dorian revint doucement à lui, son dos le faisait atrocement souffrir. Il grogna de douleur tout en laissant le cheval, sur lequel il était juché, le bercer par ses saccades. Il ouvrit d’un coup les yeux quand sa monture stoppa rudement et qu’une violente poigne le jeta brutalement au sol. Calion, sans le moindre ménagement, referma un collier anti-magie autour du cou du jeune homme.

  • Eh doucement, maugréa-t-il.

Calion le saisit par le col pour l’amener à son visage.

  • Ce n’est pas parce que ma Reine veut te voir que j’approuve sa décision. Si ça n’avait tenu qu’à moi, je t’aurais laissé crever là-bas.

Il laissa Dorian s’écraser de nouveau au sol en maugréant. Il voulut se relever mais une douleur horrible lui déchira le dos. Calion usait de sa magie pour le soigner mais il prenait un malin plaisir à utiliser son sort le plus désagréable. Le prisonnier serra les dents mais ne put masquer son mal. Quand l’elfe eut terminé, il le toisa et déclara d’une voix froide :

  • Mets un pied de travers et je te jure, je n’aurai aucun scrupule à te tuer.

Sa menace était accompagnée d’un regard si noir que Dorian n’essaya pas de mettre sa parole en doute. Le groupe d’elfe reprit alors sa route et le mage les suivit docilement.

***

La troupe et leur prisonnier ne tardèrent pas à apercevoir une autre faction sans doute arrêtés pour une halte. Calion se dérida un peu à mesure qu’ils avançaient dans leur direction. Il n’y eut aucun doute, ils se connaissaient, mieux, ils s’attendaient. Le Commandant sembla soudain inquiet. Il cherchait quelqu'un du regard mais ne semblait pas le trouver. Il grogna de mécontentement lorsqu'un soldat s'avança vers lui et l'informa d'un air horriblement gêné :

  • Mon Commandant, nous sommes face à une situation de crise, commença-t-il, nous… enfin, je... enfin...

Il ferma les yeux et débita d'un trait :

  • Le Général a disparu.

Le visage de Calion s’assombrit immédiatement.

  • Disparu, questionna-t-il ? Comment ?
  • On n’a pas compris, continua le soldat, on… Le Général a imposé une halte. Il y avait un étang juste ici et… d’un seul coup, le point d’eau et le Général ont disparu.

Dorian qui avait écouté le récit ne put s’empêcher un rire railleur. Calion le fusilla du regard :

  • Enlevé par un mage, ricana le jeune homme. Elle est belle votre armée.

Il montra ses chaines à l’elfe d’un air de défi :

  • Je peux peut-être aider ?

Le visage du soldat s’illumina à la proposition mais Calion le refroidit soudain :

  • Hors de question, trancha-t-il.

Dorian haussa les épaules et aiguillonna de nouveau son tortionnaire :

  • Tu sais, Calion, face à un mage, il a beau être Général, un elfe reste un elfe.

Si les yeux de son ravisseur pouvaient lancer des éclairs, Dorian serait déjà mort foudroyé. Calion hésita un instant puis, d’un geste rageur, il retira les entraves du mage tout en maugréant :

  • Fais le moindre pas de travers et c’est ton cadavre que j’amènerai à la Reine.

Mais Dorian ne l’écoutait pas, il demanda au soldat où se trouvait le point d’eau. Dès qu’il lui indiqua, il commença son travail d’investigation en laissant affluer en lui doucement son pouvoir. Par précaution, il généra un bouclier autour de lui. Les effluves d’une puissante magie remplissaient encore l’air. Dorian n’eut aucun mal à reconnaître l’auteur de ce sort mais quelque chose le troubla : Céphéus avait pour habitude de ne s’attaquer qu’aux femmes. Le prisonnier esquissa un sourire narquois et coula un regard à Calion. L’elfe surveillait ses moindres gestes, il avait même dégainé son épée afin d’intervenir plus rapidement. Le Commandant sentit le coup venir mais il était déjà trop tard. Il s’avança vers le mage mais ce dernier s’était évaporé sans un mot. Calion hurla ce qu’il pouvait mais Dorian s’était évanoui dans son Royaume.

***

Quand le mage se matérialisa dans son monde de glaces, il riait de son tour. Ça avait été tellement simple de fausser compagnie aux elfes ! Cependant, le sort de Céphéus avait piqué sa curiosité. Il n’y avait plus de doute à présent : le Général était une femme. Ceci expliquerait la panique des soldats et l’inquiétude de Calion. Une femme. Un sourire charmeur naquit sur ses lèvres, il voulait voir, savoir. Dorian s’agenouilla au sol et balaya la neige devant lui. Une plaque de glace apparut, soudain, renvoyant les traits fatigués du jeune mage. Puis peu à peu, l’image se troubla pour laisser place à un autre monde. Un univers gai, coloré, joyeux, au milieu de tout ça, il y avait une elfe qui semblait paniquée. Son armure faisait ressortir une féminité guerrière et ses cheveux bleus tombaient en cascade sur ses épaules. Dorian l’observa un moment, il émanait d'elle une certaine puissance mais paradoxalement une étrange fragilité se lisait dans son visage. Dorian effleura sur le miroir les joues de l’elfe quand une petite voix s’éleva à côté de lui :

  • Qui est-ce ?
  • Ma future conquête annonça Dorian en caressant machinalement la tête de son familier.
  • Tu n’en rates pas une, l’admonesta l’hermine. Fais attention à toi.

Un étrange sourire resta figé sur les lèvres du mage, il caressa une nouvelle fois la tête de son animal puis il disparut dans un souffle de vent.

***

Se matérialiser dans l’univers d’un autre mage, qui plus est dans celui d’un futur ennemi n’était pas chose aisée. Dorian préféra utiliser une forme simple pour apparaître dans le bonheur champêtre de Céphéus. Ce fut donc un gros chat noir qui trottina fièrement vers l’elfe. La guerrière était au bord de la panique, aussi sursauta-t-elle quand il vint se frotter contre elle. La jeune femme s’autorisa un rire nerveux lorsqu’elle comprit qu’il n’y avait aucune menace.

  • Et, salut toi, dit-elle en s’agenouillant pour caresser le chat.

Le mage profita de la situation de longues minutes puis s’éloigna. Il trottina de quelques pas puis se retourna vers l’elfe.

  • Qu’est-ce que tu veux me montrer ? demanda-t-elle, intriguée.

Dorian miaula doucement et s’écarta un peu plus, espérant que l’elfe le suive. Il fallait trouver un endroit isolé afin de pouvoir enlever la jeune femme. Il s’éloigna et se retourna à nouveau, un sentiment de triomphe l’envahit quand il vit que son plan marchait. Il accéléra alors l’allure jusqu’à parvenir à un petit bosquet. Là, il effleura d’un bout de patte le sol et une mare apparut. L’elfe, qui arrivait à ce moment-là, eut un mouvement de recul. Elle observa le chat comme pour le jauger. Dorian constata que ses yeux étaient d’une merveilleuse couleur : entre le bleu et le vert. Soudain, le vent se leva, faisant bruisser les feuilles. Céphéus l’avait repéré. Il n’y avait plus lieu d’attendre une réaction de la jeune femme. Dorian reprit forme humaine. Il saisit l’elfe par le bras et l’entraîna dans la mare. Ils apparurent dans le monde de glaces du mage. La guerrière elfique se libéra avec vigueur, bondit sur ses jambes et sortit son épée pour en découdre avec cet assaillant. Ils restèrent de longues minutes à se toiser jusqu’à ce qu’elle demande d’une voix autoritaire :

  • Qui êtes-vous ? Et que me voulez-vous ?

Dorian sentit bien qu’elle n’attaquerait pas, aussi baissa-t-il sa garde en signe d’apaisement :

  • Je ne vous veux aucun mal, d’ailleurs, je ne vous retiens pas, vous êtes libre.

Il tourna le dos à la jeune femme. A peine eut-il prononcé ces mots que le monde de glaces s’évanouit laissant place à une clairière à quelque lieues du camp elfique. Il entendit la guerrière rengainer son arme et déclara froidement :

  • Vous avez été enlevée par un mage du nom de Céphéus. Il souhaite vous ajouter à son tableau de chasse. Le camp de vos hommes est plus haut au Nord.

Il se retourna théâtralement et lui lança un regard d’avertissement en déclarant :

  • Mais aucun d’eux ne pourra vous protéger.

Dorian jubila intérieurement quand il vit l’elfe hésiter.

  • Je ne sais pas qui vous êtes, argumenta la guerrière, ni ce que vous faites sur nos terres. Me protéger, ma sœur peut le faire mieux que vous !

Le mage sut qu’il venait de marquer un point, il sortit de nulle part une rose qu’il tendit à la jeune femme.

  • Je vous laisse, si vous avez besoin d’aide, appelez-moi.

L’elfe mit les mains sur les hanches en guise de défi :

  • Et comment ? Je ne sais même pas votre nom.
  • Alors, laissez-moi vous accompagner, nous ferons connaissance en chemin.

L’elfe le jaugea longuement du regard puis se détourna pour partir vers le Nord.

  • Et bien qu’attendez-vous ? lâcha-t-elle d’un ton de défi.
  • Nous sommes plus près du royaume elfique que de vos hommes, ma chère.

Elle se retourna d’un coup, faisant voler ses cheveux au vent pour faire, de nouveau, face au mage.

  • Et comment puis-je vous faire confiance ?
  • Dites-vous que sans moi, vous seriez toujours dans ce monde merveilleux à essayer de trouver un moyen pour vous en échapper.

Dorian jubila quand la jeune femme capitula et accepta de le suivre vers le Sud et le domaine des elfes. Après tout, la Reine voulait le voir. Il se dit que le voyage serait en plus charmante compagnie qu’aux côtés du Commandant des Elfes Noirs.

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