3.    La Destruction de la Tour Blanche - Partie 1

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Dorian pleurait moins et Syphilis était parvenue à le réconforter quand ils reçurent la nouvelle. Ils comprirent tout de suite qu’un malheur était arrivé.

  • C’est à cause de moi, qu’elle est…

Dorian n’acheva pas sa phrase tant la peine et la culpabilité l’étreignaient.

  • Mon chaton, répondit l’hermine, tu as fait ce qu’il te semblait le plus juste. Il n’y avait pas de bon choix. Zorgal n’aurait jamais dû te l’imposer.
  • Je peux peut-être faire quelque chose, s’éclaira soudain l’enfant en se redressant.
  • Non, Dorian, s’emporta le familier.
  • À quoi servirait la magie sinon ? répondit l’enfant.

Il se matérialisa dans la chambre de sa sœur. Tout y était calme et paisible. Il s’approcha du lit où était étendue Thérésa, on aurait dit qu’elle dormait, cependant, quand Dorian lui caressa la joue, il se rendit compte qu’elle était froide comme son monde de glace. Syphilis, perchée sur son épaule, tenta de le raisonner.

  • Dorian, tu n’as pas le droit, c’est interdit.

Soudain, une voix hurla à s’en époumoner :

  • J’avais dit que je ne voulais voir aucun membre de la Tour Blanche chez moi.

La curiosité piqua Dorian qui s’éloigna de sa sœur pour s’approcher de la porte de la chambre. Il y avait une grosse rumeur en bas, son père semblait fulminer contre quelqu’un.

***

Valérian tempêtait, comment Elminster avait osé se présenter à son domicile après ce qu’il avait fait à sa famille.

  • Sors d’ici, gronda-t-il, hors de ma vue !
  • Mon ami, tenta de le calmer Elminster…
  • Il n’y a plus d’amitié entre nous, hurla le mage. Sors d’ici !

Il projeta sa magie qui fut déviée par le vieil homme puis, soudain, le temps s’arrêta. Valérian vit de la peur dans les yeux d’Elminster. Il tourna le regard vers sa droite et vit Sarah s’effondrer. Le sort qu’il avait lancé et qu’Elminster venait de contrer l’avait frappée de plein fouet. Valérian parvint in extrémis à la recueillir dans ses bras. Elle ne bougeait plus, elle était morte sur le coup. Elminster s’avança.

  • Valérian, je…

Mais le mage s’était déjà redressé et avait envoyé un nouveau projectile à son ancien ami qui disparut avant même que le sort ne l’atteigne. Valérian serra son épouse dans ses bras, sentant les larmes lui monter puis il se ressaisit.

  • Dorian, héla-t-il en se dirigeant vers la porte de sortie.

L’enfant apparut immédiatement, il tenta d’aviser ce qui s’était passé dans le salon mais Valérian le força à le regarder en lui posant les mains sur les épaules.

  • Nous partons, Fils, sur-le-champ. Inutile de prendre des affaires ; nous ne reviendrons jamais ici.
  • Mais maman, osa Dorian.

Valérian ferma les yeux pour retrouver sa contenance.

  • Elle n’est plus, avoua-t-il, Elminster vient de la tuer.

Et avant que Dorian n’ait pu digérer l’information, il sortit de la maison et jeta un sort pour qu’elle soit dévorée par les flammes. Il regarda brûler sa vie aux côtés de son garçon.

  • Il n’y a plus que nous à présent, Fils.

***

Dorian avait bien grandi ; l’enfant qu’il était avait laissé place à un jeune adulte dans la fleur de l’âge. Il avait hérité des larges épaules de son père et s’était laissé pousser les cheveux afin de lui ressembler au mieux. On aurait dit des copies conformes à quelques années d’intervalles. Il leva deux yeux bleu gris vers celui qui lui faisait face pour se prendre un puissant coup de poing dans le visage. Il ne put qu’encaisser le choc sans le parer puisque deux acolytes de son agresseur le retenaient. Il cracha le sang qui emplissait sa bouche et toisa derechef son adversaire. Une jeune femme tentait vainement de contenir la violence de l’assaillant :

  • Sam, Sam, s’il te plaît, arrête. Ce n’était rien.
  • Il t’a fait du mal, maugréa ledit Sam.
  • Ce ne semblait pas lui faire tant de mal que ça, ironisa Dorian, avant de se prendre un méchant coup de pied dans le ventre.
  • On ne t’a pas sonné, Chien, hurla Sam.

Dorian continua à encaisser les coups sans rien dire puis soudain, l’atmosphère se glaça.

  • L’ennui dans tout ça, commença le jeune mage, c’est que vous vous attaquez à la personne qu’il ne faut pas, au moment où il ne le faut pas.

Il leva brusquement la tête pour capter le regard de Sam. Ce dernier se figea soudain, incapable de bouger ou de parler, comme si une force magique le bloquait. La peur emplit alors ses yeux, elle se transforma en terreur pure quand les deux acolytes qui tenaient Dorian furent projetés dans les airs par une puissance invisible. Dorian s’avança doucement vers Sam. À chaque pas, l’agresseur montait peu à peu en se tortillant de douleur. Une vigoureuse gangue lui enserrait la gorge, l’empêchant de respirer. La jeune femme posa alors sa main sur le bras du mage :

  • Dorian, s’il te plaît.

Il tourna alors un visage bienveillant vers elle et lui sourit. Il posa une main sur sa joue tandis que Sam, toujours prisonnier, virait au violet.

  • En souvenir de ta douceur et de cette merveilleuse nuit, j’accepte de l’épargner.

Il relâcha d’un seul coup sa magie et Sam s’écrasa au sol en se tenant la gorge. Dorian se désintéressa de la jeune femme, se pencha pour ramasser son chapeau. Il l’épousseta d’un geste de la main et s’en coiffa. Puis il quitta les lieux tranquillement, sans même se retourner.

***

  • Où étais-tu ? maugréa Valérian quand son fils entra dans la chambre qu’ils louaient à l’auberge du coin.

Dorian soupira. Son père avait bien changé depuis cette nuit-là où tout avait basculé. La vengeance rythmait son cœur et toutes ses pensées étaient tournées vers ce plan qui visait la destruction de la Tour Blanche. Les mages avaient gagné un grand pouvoir en se créant une armée surpuissante, plaçant les villages alentour sous leur égide. Le monde avait sombré dans cette animosité à demi-mot présageant une guerre imminente. Les elfes du Sud s’étaient regroupés sous la coupe d’une impératrice, élevée quasiment au rang de déesse par son peuple. À l’Ouest, une portion d’elfes sylvains gardaient à sa tête un roi cupide et xénophobe qui prônait la suprématie elfique sur les autres races. Les nains au Nord offraient des faits d’armes légendaires. Et au milieu de tout ça, les démons qui gangrénaient peu à peu ces terres. Une poignée d’humains tentaient de mettre à mal ce soulèvement de monstres. Des inconscients ne tardant pas à périr à leur première rencontre de lycan. Naviguant dans ce maelstrom d’arrogance, il y avait Valérian : un mage déçu visant la destruction totale de ce qui avait été son foyer, sa vie. Dorian avait tellement laissé vagabonder ses pensées qu’il sortit de sa torpeur à l’ouïe d’un mot :

  • … J’ai fini le plan !
  • Le plan ? s’étonna Dorian.

Depuis des années que son père le peaufinait, il doutait qu’un jour il aboutisse. Valérian étala une grande feuille sur la table. Il avait passé des jours, des nuits, à noter chaque pièce de la Tour, chaque emplacement, chaque détail. Il commença à égrainer ses idées quand soudain, il prononça le nom qu’il ne fallait pas :

  • Zorgal sera…
  • Non, coupa sauvagement Dorian.

Valérian leva des yeux de colère vers son fils, irrité à l’idée d’avoir été interrompu.

  • Non, répéta fougueusement Dorian, fais ce que tu veux, assassines, tues, détruis mais Zorgal est à moi.

Il y avait un odieux sentiment de haine dans ses paroles qui firent plier l’autorité du père. Un silence s’installa avant que Valérian ne continue l’énoncé de son plan. Dorian l’écouta d’une oreille distraite, une seule chose l’importait à présent, il tenait sa vengeance, ça serait ce soir. Il en finirait avec ce mage qui lui avait valu tant de cauchemars. Enfin, il offrirait à l’assassin de sa sœur la plus horrible des morts.

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