Chapitre 3

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Son père claqua la portière pour elle, fier d'emmener sa fille à la mairie. Pour l'occasion, il avait loué une belle voiture de collection. Une superbe traction verte décapotable. Fleur éclata de rire lorsque l'engin démarra et que le vieux klaxon commença à retentir. Derrière eux, la voiture de Lisa suivait, toute enguirlandée de nœuds et de rubans. Elle répondait au tintamarre en appuyant sur le volant.

La mairie n'était qu'à quelques kilomètres, mais le trajet n'avait jamais semblé aussi long. Pourtant elle appréciait le voyage, se délectant du vent frais sur son visage et de la chaleur. Une main posée sur ses cheveux, elle retenait l'étoffe remontée, de peur qu'elle ne s'envole et ne la prive du lever de voile avant le baiser. Elle aurait aimé que son petit Victor soit avec elle, dans la voiture, mais il n'était plus là. Mort subite du nourrisson, d'après le médecin. L'enfant s'était tourné sur le ventre pendant son sommeil, collant sa bouche contre le matelas. Il s'était asphyxié en respirant le dioxyde de carbone qu'il expirait. C'était l'explication qu'on lui avait donnée. On lui avait aussi dit qu'il n'avait pas souffert, mais elle n'y croyait pas. Elle ne pouvait pas y croire. Fleur ne voulait pas être la seule à souffrir.

« Ça va, ma chérie ? demanda son père, voyant qu'elle s'était rembrunie.

  • Oui, ça va, acquiesça-t-elle en forçant sa joie. J'appréhende un peu, c'est tout.
  • T'inquiète pas, ça va aller. Ton texte...
  • Est pas difficile, même toi tu le connais par cœur, le coupa-t-elle, amusée. Lisa me l'a déjà faite.
  • Merde, elle m'a volé ma blague.
  • On dirait bien ».

Le carrosse fut accueilli comme celui d'une reine. La plupart des invités étaient déjà là, parés de leurs plus élégants atours. À peine le temps de mettre un pied hors de la voiture que la famille assaillait déjà Fleur. Sans avoir le temps d'apercevoir son futur mari, elle dut faire la bise à des dizaines de paires de joues. Finalement, des lèvres vinrent goûter les siennes.

« Bonjour, toi, dit Marc.

  • Bonjour, toi. Qu'est-ce que tu fais ici ? »

Son homme était plus grand qu'elle d'une tête, avec des yeux marron et une petite barbe clairsemée. Il portait un costume beige et une cravate bleue. Un bouquet de bleuets décorait la poche de sa veste.

« Je sais pas trop, répondit-il. J'ai vu que j'avais rendez-vous ici dans mon agenda, mais pas moyen de me souvenir pourquoi. Et toi ?

  • J'ai rendez-vous aussi, je crois. Tu penses que c'est une coïncidence ?
  • J'espère pas, conclut-il en l'embrassant encore. Viens par ici, mes cousines veulent une photo avec nous. »

Il l'entraîna avec lui, et ils prirent d'innombrables photos avec les cousines, les cousins, les parents, les tantes, les oncles, les amis, et même avec des personnes que Fleur n'était pas sûre de connaître. Les flashs commençaient à marquer ses yeux lorsque le témoin de Marc la sauva, annonçant qu'il était temps d'aller se passer la bague au doigt. Son père vint lui offrir son bras et lui fit monter les marches de la mairie. Tous les autres suivirent, et c'est un véritable cortège qui pénétra dans le grand hall. Un tapis rouge se déroulait jusqu'à un grand escalier qui menait à la salle des cérémonies.

Fleur avait l'impression d'être une princesse en le remontant. Le maire les attendait tout en haut, l'écharpe bleu-blanc-rouge passée en bandoulière. Il les salua tous deux d'une poignée de main et les invita à le suivre. Les invités prirent place dans un maelström bruyant, entre les paroles, les rires et le grincement des chaises qu'on traînait sur le parquet. Une fois que tout fut parfaitement silencieux, le maire commença son discours. Fleur ne l'écoutait pas. Les paroles se déversaient dans ses oreilles sans aller jusqu'au cerveau. Elle regardait Marc, heureuse et satisfaite.

Madame Fleur Panier, se dit-elle encore une fois. Madame Fleur Panier.

Les pleurs d'un bébé retentirent dans la salle, mais le maître de cérémonie poursuivit comme si de rien n'était. Il devait sans doute avoir l'habitude. Le nourrisson poussa un gémissement plus sonore, et on entendit le chut gêné de la mère. Marc se retourna un bref instant, souriant. Il adorait les enfants.

Fleur ne put empêcher les souvenirs de refaire surface. Victor avait souvent pleuré, lui aussi. Peut-être un peu trop, pensait-elle parfois.

Oui, Victor avait beaucoup pleuré.

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