Chapitre 3

2 minutes de lecture

Trois. C'est le nombre de fois qu'il manque de s'endormir en rentrant chez lui. Et c'est sans compter celle où il s'est vraiment endormi. Pour sa défense, c'est qu'il est long, le feu rouge au niveau de la Landolina. Il est à peine 17 heures quand il rentre chez lui. Et la première chose qu'il fait, c'est retirer ses pompes (sans même dénouer les lacets) et se laisser tomber sur le sofa. Comme une masse, la tête la première, en plein dans le coussin rouge. Il a une jambe et un bras qui pendant hors du canapé, le nez écrasé, mais ça l'empêche pas de roupiller illico.

Comme souvent quand il dort, Stéphane rêve de pas grand chose ; un joyeux bordel qui fait sens sur le coup, mais qui n'a plus ni queue ni tête quand il se réveille, sous les coups de 19 heures. Pile l'heure de manger. Alors il se lève, la gueule enfarinée, en se disant que son rêve était bien étrange. Mais voilà qu'il se barre, qu'il se transforme en fumée et qu'il se dissipe. Le songe a foutu le camp avant même que Stéphane ait le temps de relier les dernières bribes qui restaient collées à son esprit. Avant qu'il ait fini de s'étirer, il n'y a plus rien du tout. Juste une petite sensation de vide qui ne dure pas bien longtemps.

Pas encore tout à fait réveillé, bien plus qu'à moitié endormi, il entame une laborieuse marche jusqu'à la cuisine, et puis : bol, lait, chocolat, banane, canapé, télécommande, Netflix, stop. Son cerveau fonctionne en télégramme. C'est qu'il est lent au démarrage. Il jette un coup d’œil à la fenêtre côté rue, par habitude. Un TOC, certains diraient.

Il reste trois quart d'heures, à peu près, avant de céder à la tentation et d'aller cloper à la fenêtre. Trois mois qu'il ne sort plus pour se flinguer les poumons.

Après tout, qu'il se dit, le suicide c'est quelque chose de personnel, même quand c'est à petit feu.

Tout ça pour pas se l'avouer ; parce qu'il ne veut pas admettre le vice. Le vice, on en parle et on le dénigre ; c'est chez les autres, les gens bizarres.

Moi vicieux ? Qu'il ferait si on venait à le lui reprocher. Ça va pas non ! Quoi ? Moi voyeur ? Vous vous plantez, je fais que fumer des clopes, moi. J'ai pas le droit de fumer dans mon propre appartement, peut-être ? J'ai bien le droit de fumer à la fenêtre si j'ai pas envie que ça pue, c'est pas ma faute à moi si Elle ferme jamais ni ses rideaux ni ses volets. C'est une exhibitionniste, moi je suis rien qu'un fumeur.

Parce que c'est Elle. Elle dont il ne connaît pas le nom, et qu'il affuble seulement d’une majuscule. C'est Elle qui s'exhibitionne sous son nez. Elle qui l'empêche de fermer l’œil. Stéphane ne se rend même pas compte qu'il est déjà collé à la vitre, en train de lorgner sur l'appartement d'en face. Ça fait déjà un moment qu'il a fini sa clope et refermé la fenêtre. A la télé, un épisode de The Crown tourne à vide. Il ne prête pas attention aux personnages qui parlent en VO, ni à la musique ni aux bruitages. Il regarde un appartement sombre de l'autre côté de la rue ; et attend.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Darzel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0