Lyse

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Nous voici dans ce qu'ils appellent le : « Centre de soutien psychologique ». Fait pour empêcher les gens comme moi de devenir dingues. C'est une sorte d’hôpital psychiatrique dont les médecins sont de mèche avec le gouvernement. Un mot de travers et vous finissez internés, on se croirait en U.R.S.S. *Soupir*

Allez, restez avec moi, c'est juste un triste moment à passer. Écoutons les conneries que vont débiter ces singes en blouse blanche, prétendant s'inquiéter pour moi, m'injectant toutes sortes de drogues pour me faire cracher la vérité.

  • Bonjour, monsieur Roi, vous avez mauvaise mine.
  • Et ta mère, elle a mauvaise mine ?
  • Jean, nous avions déjà convenu de rester respectueux, vous savez ce qui vous attend si vous ne tenez pas votre engagement.
  • Oui, oui, désolé, après tout, ça n'est pas de votre faute, vous faites votre travail tout comme je fais le mien.
  • Très bien, comment vous sentez-vous ?
  • Je vais on ne peut mieux, les oiseaux chantent, le soleil brille, les vaches regardent les trains passer.
  • Je ne peux pas vous aider si vous n'êtes pas honnête avec nous, monsieur Roi. Des observateurs vous ont signalé, vous étiez en train d'hésiter de façon inquiétante devant le chemin de fer.
  • Alors c'est bien cela qui m'est reproché. C'est un travail difficile, vous savez.
  • Comment se passe le boulot en ce moment ?
  • J'ai été secoué par des décisions compliquées, je l'avoue, mais je ferai mon devoir.
  • Avez-vous des idées suicidaires, monsieur Roi ?
  • Non ! Bien sûr que non ! Je me bats pour ma femme, j'ai une raison de rester en vie.
  • Je vois. Nous n'avons pas assez de place pour vous garder en observation. Mais si vous continuez sur la mauvaise voie, je n'aurai pas le choix. Accrochez-vous, monsieur Roi, vous progressez.

Et voilà, je n'ai pas trop aimé leurs menaces, mais il suffit de leur dire ce qu'ils veulent entendre pour qu'ils me laissent tranquille. De toute façon, ils ont encore besoin de moi.

La bonne nouvelle c'est que je vais pouvoir rentrer à la maison et revoir ma Lyse adorée.

Elle me fait la tête depuis quelques années. Je pense que ces exécutions m'ont changé et qu'elle ne me reconnaît plus. Et puis il faut dire que depuis notre accident, nous avons été secoués. Quelque chose s'est brisé en nous, comme si nous avions tous les deux laissé notre vie sur ce maudit passage à niveau il y a 2 ans. Elle est devenue plus froide, plus distante, un fantôme presque. Mais je l'aime de tout mon cœur.

Au journal, les nouvelles sont tristes : des meurtres, une catastrophe ferroviaire qui a fait une dizaine de victimes, des attentats dont je vais probablement devoir juger les coupables dans les jours à venir. Des affaires de corruption qui, bizarrement, ne touchent que le parti opposé au pouvoir. Rien pour me remonter le moral.

  • Lyse... Selon toi, qui mérite le plus de mourir entre un voleur à l'arraché en scooter et...
  • Encore cette histoire ?! Jean ! Arrête un peu de te torturer, on ne peut changer le passé.

Mon cerveau déraille, je ne me rappelle pas lui en avoir parlé. Ce doivent être les drogues qu'ils m'injectent pour me kidnapper qui me font perdre la mémoire. Je vais sortir prendre l'air.

***

Bip !

Oh non ! Pas encore ! Deux jours d'affilée, vous êtes sérieux ?

Bon retour parmi nous Jean.

Foutez-moi la paix bande de sacs à foutre !

Jean, nous avons besoin de toute ton attention, les exécutions qui vont suivre détermineront l'avenir du pays.

Allez-y, qu'on en finisse. Mais je vous préviens, cette fois-ci je vais choisir au pif !

Les cas arrivent, concentre-toi Jean :

A – François Dupont : Politicien corrompu, violeur et meurtrier

B – Lyse Roi : Ta bien-aimée

Quoi ?! Vous-êtres dingues ?! Ma femme ? C'est une blague ?

Les volets s'ouvrent

Je n’y crois pas ! C'est vraiment Lyse sur les rails, comment avez-vous osé ?

Bip ! Décide-toi !

À, je choisis A, pitié je ferais tout ce que vous voulez, mais laissez Lyse tranquille, elle est tout ce qu'il me reste dans ce monde de fou ! Je leur couperai la tête moi-même s'il le faut.

Cas suivant !

A – Alain Legrand : a détourné des fonds lors de son mandat, c'est aussi un voleur à l'arraché à dos de scooter, ça ne te rappelle rien, Jean ?

B – Lyse Roi : La femme d'un lâche.

Bande d'enflures ! Vous me provoquez en plus ! Depuis quand les politiciens ont-ils besoin de dérober des sacs à main ?

J'ai bien vu votre petit manège ! Vous vous servez de moi pour faire disparaître vos opposants, ils ne sont pas coupables des crimes dont vous les accusez, vous les avez piégés. Vous n'avez même pas le courage de les éliminer vous-mêmes.

Vite ! Le train arrive !

À, toujours A ! Lyse ne t'en fais pas ! Je viens te sauver !

A – Patrick Petit : Opposé au régime, dois mourir. Tue-le, Jean ! Ou sinon...

B – Lyse Roi : Femme d'un meurtrier.

Vous avez du culot, Lyse ne m'aurait jamais pardonné d'exécuter tous ces gens pour elle. Elle avait des principes, elle m'a toujours dit de mettre mes valeurs au-dessus de tout ce qui existe. Mais je tiens à elle plus que tout, plus que la morale et les conventions. Est-on forcément un monstre d'être capable de sacrifier les autres pour ceux que l'on aime ?

Cette fois-ci, je vais agir, je vais laisser le bouton sur neutre, je ne serai pas coupable, vous le serez, vous qui avez horreur de prendre vos responsabilités. Et je cours sauver Lyse !

Boom! Boom ! Saleté de porte ! Tu vas céder ?

Jean c'est inutile, le train arrive, tu dois faire un choix tant que tu le peux encore.

Non ! Changement de plan, je balance le siège au travers de la fenêtre. Bande de radins, vous n'avez même pas investi dans une vitre blindée ! Il ne me reste plus qu'à passer au travers et à m'élancer.

Malgré ma jambe blessée, mes pieds frappent le sol de toute leur force dans une course anarchique.

Le train fuse dans un feulement infernal, il est bien plus rapide que moi. Comparé à lui je fais du sur place. Lyse ! Non !

Le bourreau de métal n'est plus qu'à une centaine de mètres de l'aiguillage, malgré mes efforts c'est peine perdue. Il est déjà à mon niveau, il vient de me doubler, me giflant d'une bourrasque polluée.

Le train est passé, tonitruant, implacable. Les wagons ont martelé les lignes de fer de leurs roues rouillées devant mes yeux en larmes.

À ma grande surprise, il n'a pas déraillé, il n'a pas non plus pris une direction aléatoire. Il a continué sa course tout droit et a disparu aussi vite qu'il était arrivé. Il y a des rails cachés entre les deux chemins, ils mènent à un renfoncement invisible depuis mon poste par jeu de perspective.

C'est évident maintenant que j'y pense, personne n'aurait accepté de lancer cette machine mortelle sur des innocents. Je devais être le seul responsable de leur sort. Le train, par défaut, ne tuait personne. Moi seul le dirigeais sur les condamnés.

Je suis donc bel et bien un meurtrier...

Ce triste constat m'a mis à genoux, mes jambes me renient et elles ont raison. Pardonne moi Lyse, mais là, c'est trop, je ne te mérite pas, je ne t'ai jamais méritée... J'abandonne.

Tu me déçois tellement Jean. Tu as encore échoué, en commettant exactement les mêmes erreurs qu'il y a deux ans. Ça n'est pas fini, il te reste encore un cas à juger, ensuite, tu seras libre.

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