Chapitre 7 - Liam (1/2)

6 minutes de lecture

18.01.21

Wymountain school, LONDON – 08:24 am.

— Liam ! retentit la voix haut perchée de Luna dans tout le couloir du lycée.

Ma meilleure amie me fait un grand signe de la main. Je souris. Comme si je n'allais pas la remarquer parmi une poignée de lycéens. Comme si j'avais l'intention de l'éviter.

— Comment vas-tu ? demande-t-elle lorsque j'arrive à sa hauteur.

— Bien et toi ?

— Je ne t'ai pas vu quitter la fête, samedi. Tu aurais au moins pu nous dire au revoir.

Chloe et moi échangeons un regard qui en dit long et nous retenons de rire. Évidemment, j'aurais dû me douter que ça allait être la première chose que Luna allait me reprocher. Je m'affale sur le canapé à côté de Tobias.

— J'étais pas trop dans mon assiette et t'étais en train de danser. Je ne voulais pas te déranger.

Elle pose ses mains sur les hanches. L'image d'un personnage en colère de dessins animés me vient en tête.

— C'est sûr, vu ce que tu as pris. Il n'y avait pas que de l'alcool, n'est-ce pas ?

— Je plaide coupable.

— Tu aurais pu partager, souffle-t-elle plus bas.

Je ris et un sourire se forme sur ses lèvres maquillées.

— J'essaierai de m'en rappeler la prochaine fois. Promis, ajouté-je devant son air insistant.

Le silence s'installe dans notre groupe, chacun plongé dans ses pensées, lorsque Tobias prend la parole :

— Alors, Liam... ?

Je comprends immédiatement ce qu'il veut insinuer. Un sourire carnassier fend mes lèvres.

— Le petit boursier a mordu à l'hameçon. Je n'ai plus qu'à le ferrer. Vous l'auriez vu dans la salle de bain... Je ne le pensais pas aussi...

— Passe nous les détails ! s'écrie Luna, exaspérée.

Je lui jette un regard amusé avant de continuer :

— Bref, il y a maintenant quelque chose entre nous. Je n'ai plus qu'à continuer dans cette voie et bientôt, il me mangera dans la main.

— Fais attention que ce ne soit pas l'inverse, souffle Chloe.

— Alors là, je te rassure tout de suite, il n'y a pas moyen, ricané-je. Et je te signale que ça n'a jamais été le cas.

Elle fait une petite moue et laisse tomber. Le souvenir fugace des lèvres d'Oscar sur les miennes envahit mon esprit. Je sens de nouveau sa peau douce sous mes doigts et sa main qui agrippe... La voix de Tobias me ramène brutalement à la réalité :

— En tout cas, moi, il m'énerve.

— Il faudra très vite lui rappeler où se trouve sa place, je ne vais pas supporter encore longtemps le ton qu'il prend pour me parler.

Luna hoche la tête, pensive.

— Si tout se passe bien, d'ici quelques semaines voire un mois, ils ne seront plus là... Non, ce n'est pas Oscar qui me chagrine le plus, mais Sarah. J'ai jamais vu quelqu'un d'aussi timide, surtout venant de leur quartier.

Les jumeaux Wight ne nous ont jamais dits où ils habitaient. Mais ce n'est pas la peine de le faire remarquer à Luna.

— Impossible de lui tirer quoi que ce soit du nez, et pourtant, je n'a jamais été aussi aimable avec une inconnue que samedi, Chloe peut vous le confirmer.

Notre amie acquiesce de la tête.

— Je pense que ce sera elle qui nous donnera du fil à retordre. On connaît le point faible d'Oscar : toi, indique-t-elle en me regardant.

Si on avait des doutes avant, c'est on ne peut plus clair maintenant. Et je vais mettre un point d'honneur à en jouer. Mais quelque chose me dit que ça ne sera pas facile. Certes, il n'était pas bourré et jouissait pleinement de ses facultés intellectuelles, comparé à moi, mais je n'aurais jamais pensé qu'il puise me jouer un tour comme il l'a fait. Ce n'était jamais arrivé qu'on me plante comme ça. D'habitude, c'est mon rôle de jouer avec le désir de l'autre. J'ai été un peu frustré, j'aurais bien aimé allé plus loin...

— Par contre, pour Sarah, je n'en ai aucune idée. D'après le peu de choses qu'on a pu lui faire cracher, elle a l'air de ne se préoccuper que de ses études. Mais je suppose que si on arrive à faire virer Oscar, elle devra suivre. Après tout, il ne faut pas oublier d'où vient le directeur : on peut être sûr qu'il ne fera pas de différence entre les deux.

Nous étions tous d'accord avec elle. Les deux étaient très soudés, et même si le directeur serait de leur côté – ce qui a peu de chances d'arriver –, Sarah n'aurait pas la hargne de continuer sans lui.

— J'ai une idée, reprit Chloe. Puisque Luna et moi avons échoué, il faut trouver un plan B. Peut-être que son point faible est le charme d'un séduisant garçon qui viendrait la conquérir...

Nos regards se tournent de concert vers Tobias, qui nous les renvoie. Ses yeux s’agrandissent lorsqu'il comprend.

— C'est mort ! lance-t-il en reculant. Les intellos, c'est pas mon type.

Chloe se lève pour s'asseoir sur les genoux de mon meilleur ami. Elle passe ses bras autour de son cou et plonge son regard dans le sien.

— Tu pourrais faire un effort pour ta meilleure amie quand même, lui susurre-t-elle.

Je pouffe de rire et Tobias me foudroie du regard. Ce n'est un secret pour personne qu'eux deux aient été « plus que meilleurs amis » comme le dit Chloe. Lorsqu'on a commencé à se fréquenter au tout début du lycée, il y a trois ans, les deux ont très vite cédé à leur attirance mutuelle. Ils sont même sortis ensemble un temps avant de se séparer. L'appel des hormones étant ce qu'elle est, leur relation est encore très ambiguë, même pour moi qui aie l'habitude de ce genre de situation. Mais d'après ce que me raconte Tobias, ça l'est aussi pour eux.

— Tu saoules Chlo, rouspète Tobias en essayant de la faire descendre. Tu sais bien que je ne suis pas à l'aise dans tout ça. Je ne suis pas comme toi.

La pique à l'effet escompté : Chloe se relève, vexée.

— De toute façon, je ne te laisse pas le choix. De nous tous, c'est toi qui a donné le moins de ta personne, pour l'instant.

— Moi, personnellement, il ne m'a jamais rien donné, m'exclamé-je innocemment.

C'est au tour de Chloe de m'assassiner du regard. Tobias, lui, me lance un clin d'œil coquin.

Les deux sont toujours en train d'argumenter lorsque Luna les interrompt quelques minutes plus tard :

— Taisez-vous, ils arrivent.

Je me tourne juste assez pour apercevoir Oscar et Sarah qui marchent tranquillement dans le couloir. Luna a raison, ils se dirigent vers nous.

— Bonjour, lance Sarah timidement.

Oscar reste en retrait un pas derrière elle et hoche la tête pour nous saluer. Je le fixe juste assez longtemps pour que nos regards se croisent. Il l'affronte avant de poser les yeux sur mon cou. Rassure-toi, elle a disparu. On ne peut plus voir la trace de ton péché.

— Hello ma puce, tu vas bien ? lui répond immédiatement ma meilleure amie.

— Ça va... Je... Enfin, on voulait vous remercier de nous avoir invité samedi. C'était vachement cool.

— Mais de rien c'est normal ! Et je suis contente que tu te sois amusée. C'est dommage que vous soyez partis tôt, la prochaine fois, restez plus longtemps.

Sarah la dévisage et s'empourpre. Si elle croit que leur départ est passé inaperçu, elle se trompe : rien n'échappe à Luna, encore moins ce qu'il se passe chez elle.

— D'accord, intervient Oscar. Bon, on va en cours, on se dit à plus tard.

— Pas de problème, m'exclamé-je.

Ils tournent les talons et s'en vont. Lorsque Luna est certaine qu'ils ne peuvent nous entendre elle souffle bruyamment.

— Je ne peux pas me la voir. Incapable d'aligner deux mots.

— Tu exagères, elle n'est pas désagréable, la contredit Chloe.

— C'est vrai mais quand même ! En tout cas, j'ai vu le regard qu'Oscar t'a lancé, Liam... Il est chou, il croit vraiment que c'est votre petit secret, lâche-t-elle en riant.

Nous joignons nos rires au siens. Je ne pensais pas qu'Oscar était si naïf que ça. Il croyait vraiment que je n'allais rien raconter à mes amis ? Que tout allait rester entre nous ? Allons, je ne peux pas croire qu'on soit aussi stupide, encore moins quelqu'un comme Oscar. Il dresse constamment un mur entre nous et lui, comme s'il voulait se protéger de quelque chose. En soit, il n'as pas tort. Mais je compte bien arriver à gagner sa confiance, d'une manière ou d'une autre. J'ai clamé haut et fort que je finirais par me jouer de lui, et je ne peux pas ne pas y arriver. Après tout, il ne doit pas être si différent des autres gars : une fois qu'il sera dans mon lit, il me bouffera dans le creux de la main tel un bon petit chiot.

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