Chapitre quatre : Un petit triton prisonnier à jamais ?

8 minutes de lecture

Depuis combien de temps était-il immergé dans ce cube ? Amaël n'aurait su le dire, mais il se sentait bien mieux depuis qu'il était plongé dans l'eau. Il s'était trouvé trop longtemps sur la terre ferme sous sa forme humaine et cette condition avait commencé à le rendre malade. Maintenant qu'il se trouvait sous sa forme naturelle, celle qui appartenait à l'océan, il se sentait revigoré. Mais... même si son organisme avait repris en force et en énergie, il se sentait oppressé, enfermé dans ce cube dont la grandeur lui permettait tout juste de faire un tour sur lui-même. Oui, l'immensité de l'océan lui manquait... Qui aurait cru qu'un jour, Amaël se dirait cela ? Alors qu’il n'aspirait toujours qu'à s'évader du monde marin ? Certainement pas lui. Le jeune triton s'allongea sur le sol, ses longs cheveux roux flottant joliment. Il ne savait pas que l'homme qui le retenait se trouvait devant l'entrée et l'observait d'un œil attentif.

Soudainement, Amaël se redressa. Il venait de penser à quelque chose d'important. Il se trouvait dans de l'eau de mer, ce qui voulait dire qu'il se retrouvait de nouveau connecté à l'océan et aux siens ! Seulement, il n'était pas à proprement parlé dans son environnement naturel, mais il s'agissait tout de même de l'eau de mer, il pouvait le sentir. Il n'était pas sûr que cela marcherait mais c'était peut-être sa chance ! Sa SEULE chance !

Les êtres marins possédaient certaines capacités. L'eau les liait tous les uns aux autres d'une certaine manière. Elle les nourrissait, apportait ce dont leur corps avait besoin. Et surtout, ce qui se trouvait être le plus important en cet instant, le peuple marin se retrouvait également connecté, car il formait un tout, un ensemble unifié. L'eau au plus profond de l'océan avait ce pouvoir de transmettre une pensée, un message, en faisant ressentir les émotions d'une sirène ou d'un triton à un autre de ses congénères. Alors, le jeune triton ferma les yeux et se concentra sur l'élément l'entourant, sur son mouvement qu'il sentait. Il lui fallut un moment mais il réussit. Ses paupières s'ouvrirent et dévoilèrent ses yeux qui avaient changé d'apparence. Le beau vert de ses iris avait laissé la place à un blanc lumineux. À présent, l'esprit d'Amaël voguait à travers l'eau.

Il commença à envoyer une onde sonore imperceptible pour l'oreille humaine, à la recherche du premier être qui pourrait lui venir en aide. Mais soudainement, sa concentration fut coupée par un mouvement de l'eau si vif qu'il se retrouva projeté durement contre la paroi ! Il ouvrit alors les yeux et découvrit quelle était la raison de ce brusque courant qui l'avait atteint si brusquement. Cet homme aux longs cheveux sombres... Il se trouvait là, dans le cube avec lui.

Amaël se figea sous le regard doré et dur qui le fixait mais également, en découvrant sa nudité. Son regard ne put s'empêcher de parcourir le corps puissant qui lui faisait face. Il était si différent de lui, si différent des tritons ! Sa peau était hâlée par le soleil, sa musculature était particulièrement développée et il était si grand... Ses longs cheveux sombres comme la nuit enveloppaient son visage, lui donnant une aura plus mystérieuse et dangereuse encore. Son torse paraissait puissant, ferme et dur, et il avait cette petite forme ronde et minuscule en bas du ventre, jolie et étrange. Amaël avait déjà remarqué ce détail sur les êtres humains, mais il ne savait pas à quoi cela pouvait bien servir...

Ses yeux descendirent plus bas, là où se trouvaient des poils bruns formant une ligne qui s'épaississait jusqu'à son membre épais et long, bien plus imposant que celui du jeune triton. Amaël déglutit en le regardant, il ne pouvait en détacher les yeux, et un sourire satisfait se dessina sur le visage de cet homme. Il s'approcha alors, marchant comme s'il ne se trouvait pas dans l'eau mais sur la terre ferme, vers la jeune créature marine qui se trouvait toujours plaquée contre la paroi. Ses yeux verts étaient revenus, le lien avec l'océan avait été coupé. Avait-il réussi à alerter quelqu'un ? Il n'en avait aucune idée...

Une main se posa doucement sur sa joue, le tirant de ses questionnements. Une autre passa dans ses longs cheveux roux avant de descendre sur sa nuque, son dos, provoquant de légers frissons sur son passage. Elle finit par arriver sur ses écailles qu'elle toucha légèrement. Cet homme suivait ses propres gestes du regard, semblant concentré sur ce qu'il touchait, sur la texture qu'il sentait sous ses doigts plutôt que sur l'être en lui-même qui lui faisait face. Amaël sentit ensuite sa main remonter pour effleurer ses branchies. Ce fut très léger mais il n'aima pas du tout cela, ce n'était pas agréable, et il ne put réprimer un mouvement sur le côté pour échapper à ce geste. Cet homme releva la tête pour le dévisager, le regarda un petit moment, paraissant pris dans certaines réflexions, avant de se rapprocher à nouveau de lui. Cette fois, il plongea ses yeux dans ceux apeurés d'Amaël et sans que ce dernier ne puisse prévoir le geste qui allait suivre, il attrapa doucement le visage à la peau presque translucide entre ses grandes mains et posa ses lèvres sur les siennes.

Il bougea ses lèvres contre celles du jeune triton qui se demandait ce qu'il faisait. Amaël connaissait ce geste que seuls les couples de son peuple pratiquaient lorsque leur relation devenait officielle mais il n'en avait jamais fait l'expérience. Et puis, cet acte symbolisait un serment d'amour et de relation stable afin de fonder une famille chez les siens ! N'était-ce pas la même chose chez les humains ? Si cet homme l'embrassait, alors certainement que non...

Une langue douce se fit sentir contre ses lèvres et par curiosité, le triton accepta de les entrouvrir. Elle s'engouffra alors dans sa bouche, se mélangeant à l'eau salée, et Amaël oublia tout ce qui n'était pas cette langue qui le dévorait doucement sans se presser. Il n'aurait su dire combien de temps ce moment de délice dura, mais il eut l'impression d'avoir l'esprit complètement vide lorsque le bel homme brun se détacha de lui, posant son front sur le sien, semblant lui aussi reprendre ses esprits.

Tout d'un coup, Amaël ressentit quelques picotements sur sa peau et il se détacha de l'homme qui lui faisait face afin de regarder ses bras et son torse. Une lumière étincelante entourait son corps comme celui qui le tenait maintenant à la taille. Pourtant, ce dernier ne tressaillait même pas ! Le jeune triton plongea son regard apeuré dans le sien. Il remarqua que ses yeux dorés étaient devenus plus lumineux. Que se passait-il ? Il essaya de se dégager mais il était tenu fermement. La lumière devint alors si intense qu'il dut fermer les yeux pendant que les picotements s'intensifiaient. Un son strident se fit entendre à travers le cube rempli d'eau. Le cri d'un jeune triton effrayé...

**

Il fait chaud... Ce fut la première pensée d'Amaël avant qu'il n'ouvre les yeux. Il cligna plusieurs fois, car la lumière était trop éblouissante. Puis une fois accoutumé, il put enfin distinguer le lieu dans lequel il se trouvait. La plage... Il s'agissait de la plage ! Il reposait sur le sable chaud en plein soleil devant l'océan. Il regarda autour de lui. Pas de traces de cet homme aux cheveux sombres ! Où était-il ? Avait-il décidé de lui laisser sa liberté ? Son cœur ne fit qu'un bon et il se redressa.

Il observa la mer et la distance qui l'en séparait. Il n'était pas si loin que cela et il avait retrouvé assez d'énergie pour pouvoir ramper jusqu'aux vagues qui l'emporteraient enfin loin de cet endroit dangereux ! Alors qu'il amorçait le premier mouvement de ses coudes, un bruit se fit entendre et stoppa net le triton. Non, non, non ! Ce n'était vraiment pas le moment mais il ne pouvait empêcher le processus ! Sa queue de poisson commençait à se déchirer !

-Ha ! s'exclama Amaël alors que la déchirure se faisait de part en part, séparant sa jolie queue aux écailles qui tombaient sur le sable, en deux monceaux de chairs.

Une peau blanche fit son apparition, ses branchies commencèrent à disparaître, la moitié du corps prenait forme humaine et les sensations étaient si intenses que le triton en renversa la tête en arrière en gémissant de manière presque obscène. C'était si soudain ! Habituellement, il attendait sa transformation avec impatience et il savait à quel moment à peu près celle-ci allait débuter mais là, il n'était pas préparé ! C'était si rapide ! Trop rapide... La multitude de picotements, le son que produisait ses chairs qui se divisaient en le brûlant tout en lui procurant un plaisir tel qu'il avait l'impression que tout ce mélange allait le submerger... Sa bouche s'ouvrit, ses yeux se fermèrent et il jouit ainsi, nu sur la plage. Son ventre était désormais mouillé par son plaisir, son corps ayant repris forme humaine.

Affalé sur le sable chaud, Amaël entendit le bruit de pas qui s'approchaient. Totalement épuisé, sans pouvoir bouger, il s'obligea à ouvrir les yeux pour découvrir l'homme aux longs cheveux noirs qui ne s'arrêta qu'à quelques centimètres de lui. Cet homme mystérieux était toujours nu. Le regard du triton remonta le long de son corps qui l'impressionnait tant jusqu'à son visage et il put remarquer que ses yeux avaient revêtu leur teinte sombre mais humaine. Et également qu'il avait l'air satisfait et souriant... Mais... pourquoi ?

L'homme se baissa et passa un bras sous les cuisses d'Amaël et l'autre autour de sa taille avant de le soulever. Dans le silence, il se tourna et marcha en direction de sa maison. La jeune créature marine était trop épuisée pour tenter de s'y opposer. Bien rapidement, il finit par être délicatement déposé sur le grand lit dans lequel il avait déjà dormi auprès de cet homme. Ce dernier l'observa un moment avant de venir recouvrir le corps d'Amaël avec le sien. Le contact de toute cette peau chaude contre la sienne lui provoqua de longs et délicieux frissons qui accélérèrent son souffle.

Il se trouvait toujours dans l'incapacité de bouger, sans force après cette mutation rapide et l'orgasme qui l'avait traversé, alors lorsque cet homme posa de nouveau ses lèvre sur les siennes, il se laissa faire. De toute manière, l'aurait-il repoussé s'il avait pu ? Il n'en était pas sûr, car il avait aimé ce baiser partagé dans le cube d'eau salée. Cependant, à sa grande déception, celui-ci fut bref.

Ils se regardèrent un moment, les yeux sombres de cet homme plongés dans les yeux clairs du triton. Puis l'homme aux cheveux noirs prit la parole d'une voix profonde et calme :

-Amaël, j'ai beaucoup aimé ce que j'ai vu devant l'océan... La transformation si magnifique, si intéressante, si hypnotisante de tes chairs qui se déchiraient sous mes yeux... Ton visage extatique alors que ton corps mutait... Ho, petit être... Jamais je ne te laisserai partir... Jamais.

Ces mots glacèrent le jeune triton dont les beaux cheveux roux étaient éparpillés sur le coussin blanc. À jamais prisonnier de cet homme ? Non... Il se promettait de s'échapper...

Annotations

Vous aimez lire Asylene ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0