2/... une fille s'en va

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Gaëlle Le Sénéchal échanga un rapide regard avec son mari Martin avant de crier le nom de sa cadette.

- Quoi ? hurla la jeune fille en retour.

- Descend imédiatement !

Des pas se firent entendre dans l'escalier. Astrid déboula dans le salon comme une tornade, une traînée de cheveux dans son sillon.

- Qu'est-ce-qu'il y a ?

- Il y a que tu es inscrite dans une école un peu particulière et que tu pars samedi prochain.

- Dans trois jours ? s'étonna Astrid. En plein milieu des vacances ?

- Dans trois jours, confirma Monsieur Le Sénéchal, brandissant la lettre et l'enveloppe sous le nez de sa fille. Commence à faire ton sac. Rien ne doit manquer, tu ne rentreras pas avant trois mois.

- C'est quoi cette histoire d'école ? le coupa Astrid.

- L'Ecole Pour Jeunes Déviants. C'est une école... je ne sais pas trop comment expliquer, c'est pour les jeunes ayant des aptitudes sortant de l'ordinaire, comme toi.

- Comme moi ?

- Astrid, soupira sa mère, tu parles couramment dix-sept langues.

- Et alors ? J'ai juste... Un peu de mémoire !

- Tu as treize ans. A treize ans, on en parle pas dix-sept langues. Dans tous les cas, tu es retenue dans leurs dossiers.

- J'ai le droit de donner mon avis ou... ?

- File préparer tes affaires, on en reparlera ce soir, après le dîner, fit sèchement madame Le Sénéchal. N'oublie rien, c'est un internat, tu ne reviendras pas avant un moment.

Ses yeux brillaient.

Astrid ouvrit la bouche pour répliquer mais la referma avant qu'un juron ne sorte. Elle se retourna et partit. La jeune fille gravit les escaliers d'un pas vif et claqua la porte de sa chambre. Se laissant tomber au milieu sur le parquet, elle croisa les jambes. Un sourire se dessina sur son visage lorsqu'elle se rappela de ce qu'avait dit sa mère : un internat. Non qu'elle n'aimât pas sa famille, mais ses parents lui avaient depuis toujours fait les cours à la maison, elle n'avait jamais réellement eu d'attache dans le monde extérieur.

Elle soupira. Sa famille allait lui manquer, même si elle était nombreuse, bruyante et bordélique. Cinq enfants, trois filles et deux garçons. Thibaud, l'aîné de la famille, avait près de vingt-et-un ans et était à la fac à Paris. Il logeait depuis la fin du lycée chez leurs grand-parents, aussi Astrid se languissait souvent de son frère. Maëlys, la suivante, avait seize ans. Elle aussi avait quitté la maison, deux ans plus tôt, mais Astrid n'en savait pas plus. Pour aller où, elle ne savait pas trop. Toujours est-il qu'elle avait longuement pensé à une fugue de la part de Maëlys, mais elle revenait tous les trois mois environ pour une courte semaine. Jamais un mot indiquant ses conditions de vie n'avait été dévoilé, mais comme les parents ne semblaient pas soucieux, Astrid se réjouissait simplement du retour de sa soeur. Plus tard, elle comprit qu'elle avait été bien naïve, mais pas sur l'instant.

Les deux derniers, Mahault et Gwenaëlle, étaient des jumeaux de neuf ans, plus turbulents et plus farceurs que leurs trois aînés rassemblés. Ils étaient mignons évidemment, mais un peu moins lorsqu'ils se mettaient à deux pour la réveiller un dimanche matin à sept heure.

Lentement, après un nouveau soupire, Astrid commença à rassembler ses affaires. Ses mains travaillaient pendant que son esprit vagabondait. Elle rencontrerait sûrement pleins de nouveaux, elle qui avait à peine fait la connaissance de ses voisins. Et en plus, elle passerait ses journées entières avec eux, les nuits aussi. C'était à la fois flippant et excitant. Comment serait-elle accueillie ? Bien, mal ? Les autres jeunes étaient-ils aussi gentils que ses frères et soeurs ou seraient-ils odieux ? Trois jours, et elle le saurait.

L'après-midi passa vite pour la jeune fille, qui resta bien cachée dans sa chambre, sourde à l'appel de sa petite soeur qui voulait jouer aux pirates.

Au dîner, Astrid descendit enfin et alla s'installer à sa place habituelle. Les jumeaux entrèrent dans la salle avec force cri, passant devant les deux chaises vides (qui restaient symboliquement là pour Maëlys et Thibaud).

Ce fut au beau milieu du repas que le sujet de l'EPJD revint à la bouche des parents :

- Alors Astrid, tu as réfléchi à cette idée d'école ?

Leur fille s'immobilisa, déglutit rapidement sa bouchée.

- Oui, et j'aime beaucoup. Ca me permettra de voir des nouvelles têtes, pas que les vôtres m'embêtent mais... vous comprenez ?

- Quelle école ? demanda Gwenaëlle qui ne parlait pas beaucoup mais écoutait tout.

- Une nouvelle école pour Astrid, poussin.

- Pourquoi ? L'école à la maison est pas bien ? reprit Mahault, toujours solidaire avec sa jumelle.

- Non, ce n'est pas ça. C'est juste... celle-là est encore mieux.

- C'est à dire ? demanda Astrid.

C'était l'occasion ou jamais de demander plus de précisions.

- Euh... ma chérie, on est reparlera plus tard, dans ta chambre, tu veux bien ?

Astrid regarda ses parents se fixer un instant avant de soupirer dans un même mouvement. Quelque chose lui soufflait qu'ils en savaient plus qu'ils ne le laissaient entendre, mais l'idée même de s'imposer alors qu'elle partait 3 jours plus tard calma Astrid. En plus, elle n'aimait vraiment pas se disputer avec eux. La fin du repas passa vite, le thème de l'école ne revint pas.

Alors qu'elle refermait son livre, Astrid vit ses parents entrer dans sa chambre. Sa mère d'abord, puis son père. Avec un air grave. Sérieux. La jeune fille les regarda s'asseoir, lui sur le bord du lit, elle à la chaise de bureau.

- Mon ange... on comprendrait, si tu ne voulais pas aller à cette école, commença madame Le Sénéchal.

Astrid leva un sourcil, perplexe :

- Parce que j'ai le droit de dire non ?

Rapide échange entre les parents. Oui, il y a bien quelque chose de louche.

- En réalité... l'EPJD est une école très particulière... Légalement, tu ne peux pas dire non. On viendrait te chercher de force. Mais... si tu ne veux pas... On trouvera un moyen de te faire t'échapper. C'est déjà arrivé, qu'un élève s'évade et que l'école ne le trouve pas. On... on trouvera si tu ne veux pas.

- Obligatoire ? s'étonna Astrid. Mais... pourquoi je refuserai ?

- Je... pour rien chérie.

De toute façon, elle n'avait pas le droit de refuser, non ?

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