Jean

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Le soir, à proximité de Villefranche sur Saône au volant d’une petite citadine, un homme d’âge mûr au ventre rebondi perdait son sang froid. Geste rapide, coup de klaxon, il ouvrit sa vitre et hurla :

— Aller, vas-y, coupe-moi la route ! Le céder le passage c’est pour les chiens ?

En sortant du centre-ville, il fit ronfler sa voiture et il traversa le pont qui franchissait la Saône. Au rond-point, il tourna à droite puis s’éloigna de l’agglomération. L’homme se pencha en direction de la boîte à gant et trifouilla à l’intérieur tout en essayant de garder une trajectoire correcte. Il en extirpa un CD, souffla dessus et l’inséra dans le lecteur. La musique commença, d’une voix grave et puissante, il chantonna.

Il décida de mettre les pleins phares. Au loin, au bord de la route, il repéra une silhouette. Intrigué, il ralentit puis il distingua un jeune homme. Il activa ses feux de détresse puis freina en ouvrant sa vitre côté passager. Il s’arrêta au niveau du marcheur.

— Qu’est-ce que tu fais seul au bord de la route à cette heure ?

Il attendait une réponse qui ne venait pas et lança :

— Tu es tout pâlichon, ça va mon petit ?

— Oui Monsieur, je vais bien. Je rentre chez moi.

— C’est-à-dire ?

— À Trévoux !

— Ah ben ça tombe bien mon bonhomme, c’est sur mon chemin ! Tu montes ?

Le jeune homme hésita, il était fatigué et la proposition le tentait.

— Allez je t’assure, il n’y a pas d’entourloupe. Est-ce que j’ai l’air d’un de ces pédophiles qui défraye la chronique ? Ou bien c’est ma barbe qui t’impressionne ?

— Non Monsieur.

— Arrête de m’appeler Monsieur, mon prénom c’est Jean ! Allez monte.

Le jeune obtempéra. Il eut à peine le temps de fermer la portière et de boucler sa ceinture que la voiture partait en trombe.

— Au fait tu t’appelles comment ? J’aime bien connaître le prénom des personnes qui mettent un pied dans ma voiture.

Hésitante, une réponse se fit entendre :

— Edward.

— C’est un joli prénom pour un beau garçon.

Il se tourna pour lui faire un clin d’œil et posa la main sur sa cuisse. Ed eut un mouvement de recul. Face à sa réaction Jean éclata de rire.

— Je suis de nature taquine ce soir. Tu ne risques rien en ma compagnie.

L’homme riait aux éclats en se frottant les poils du ventre de la main droite. La cellulite ondulait sous la pression de ses doigts calleux. Sa barbe hirsute cachait une majeure partie de son visage.

Ce gros bonhomme était étrange et faisait des allusions gênantes, Edward ne savait pas en quoi penser. En observant Jean, il se demanda s’il était dangereux ?

A priori non, ses traits reflétaient le calme, la zénitude, il semblait être heureux. Les apparences sont parfois trompeuses, il faut toujours être méfiant face à un inconnu, se répétait Edward. Mais il sentait au plus profond de son âme que c’était un chic type. Jean semblait hors norme et posséder un charisme d’exception.

Fatigué, Ed somnolait, il avait du mal à combattre le sommeil et il vacilla.

Une voix puissante le tira de sa rêverie :

— On arrive à Trévoux mon grand !

Ils dévalèrent la rue principale. Puis Jean se gara en bord de Saône.

— Et voilà !

— Merci Monsieur. Heu merci Jean.

L’homme lui présenta sa main. En retour, Ed lui tendit la sienne, la poignée de main fut brève, chaleureuse mais douloureuse, ce barbu avait une poigne de fer.

Edward s’extirpa de la voiture puis il ferma la porte et leva la main en signe de remerciement.

Rugissement mécanique, manœuvre parfaitement exécutée, Jean venait de faire demi-tour et immobilisa son véhicule. La vitre du conducteur s’abaissa , une barbe imposante fit surface et un large sourire en émergea. À côté de son visage sa main fit son apparition. Agiles, les doigts de Jean s’agitèrent pour saluer Edward ! En réponse, le jeune homme hocha la tête. Ronflement, crissement de pneus, la voiture s’éloigna à toute vitesse.

Ed prit le chemin de son appartement et une fois arrivé, affamé, il se prépara à manger. Après avoir essuyé, rangé sa vaisselle, il s’allongea sur son lit et il prit conscience de l’importance de cette journée.

« Qu’est-ce je vais faire de mon pouvoir ? », cette question le turlupinait.

Enfin, « pouvoir », c’était un grand mot, la pierre avait marché qu’une seule fois !

D’ailleurs, est-ce que cet exploit pourra être réitéré ? Et puis, Ed avait eu de la chance en croisant la route de Jean et heureux, il sombra dans un sommeil profond.

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