Une journée de réjouissance

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En août, à l'aube, dans un pré à proximité de Toulouse, le clairon résonna, une centaine de jeunes scouts s'y étaient établis. Comme dans une fourmilière, chacun avait un rôle à tenir et en quelques minutes le camp s'anima. Certains se débarbouillaient pendant que d'autres dressaient des tables.

Pour Bastien, les réveils matinaux n'étaient pas une partie de plaisir, la nuit avait été trop courte et il avait du mal à émerger. Pour l'aider et par pur plaisir, son pote Étienne le gifla à plusieurs reprises avant d'entonner :

— Allez ! Faut se dépêcher !

En voyant Bastien s'étirer, il s'esclaffa :

— Pense à remettre de l'ordre dans ta tignasse.

Le jeune dormeur s'activa, en moins de cinq minutes, il était présentable et d'attaque pour cette dernière journée de réjouissance.

Cette année, les journées mondiales de la jeunesse se déroulaient à Toulouse. D'innombrables pèlerins venus du monde entier ont foulé les pavés de la ville rose et des principaux sanctuaires de la chrétienté situé à proximité : Lourdes et Rocamadour. Un enthousiasme contagieux a envahi les cœurs. Aujourd'hui, Bastien participera aux animations du centre-ville avant de se rendre à la messe de clôture célébrée par le pape. Il avait déjà hâte d'y être !

Ce nouveau souverain pontife simple et novateur avait fait l'unanimité. « Il scintille tel un phare à travers le marasme actuel » songea Bastien.

En courant, les deux amis rejoignirent leurs compagnons puis dans une bonne humeur enivrante, ils partagèrent, le petit déjeuner.

Une fois les corvées terminées, d'un bon pas, la joyeuse troupe quitta le camp pour s'amasser sur un parking. En cette semaine extraordinaire, des cars spéciaux étaient affrétés pour transporter les fidèles. Ils patientèrent tout de même quarante bonnes minutes avant leur arrivée, mais bon, c'était les aléas inévitables d'une logistique éphémère. Comme les esprits étaient échauffés, les scouts s'agglutinèrent contre les véhicules en approche et concentré, tout le monde guettait l'ouverture des portes. Le conducteur du premier bus appuya sur un bouton, un cliquetis raisonna et de l'air comprimé s'échappa, c'était le signal, une bousculade générale éclata, la porte ne s'ouvrit pas et le chauffeur moustachu lâcha un sourire narquois.

Étienne s'exclama :

— L'enfoiré, il a ouvert les soutes !

Face à l'amoncellement de jeunes contre son autocar, le chauffeur se leva pour faire barrage, puis le torse bombé et les épaules en arrière, il ouvrit la porte. D'un ton autoritaire, il déclara :

— Tout le monde en rang !

Quelques individus suivirent sagement cet ordre, mais la grande majorité des scouts resta massée de façon désorganisée et le moustachu cria :

— Ne poussez pas ! Il y aura de la place pour tout le monde !

Quand il s'écarta, un raz de marée de jeunes déferla pour prendre possession du car. Dans cette agitation, Bastien joua des coudes pour se frayer un chemin et satisfait, il se jeta sur une place. Par chance, Étienne arriva à s'asseoir à ses côtés. Quelques secondes plus tard le car était plein et les autres étaient déjà pris d'assaut.

***

Dans les rues de Toulouse, Bastien s'était bien amusé, il avait pu chanter, prier et partager de bons moments avec des gens qui provenaient des quatre coins du monde, il n'oubliera jamais ces instants magiques.

***

Depuis maintenant plus d'une heure, à l'aérodrome, d'innombrables fidèles attendaient le pape sous un soleil de plomb. Les jeunes scouts étaient disséminés dans l'immense foule bigarrée et face à une excitation grandissante, ils prenaient leur mal en patience. Bastien n'avait jamais vu autant de gens rassemblés dans un même lieu, et il se sentait comme un grain de sable au milieu d'une plage de sable fin. C'était impressionnant et émouvant, cette messe s'annonçait grandiose !

Au loin des cris de joie éclatèrent, le pape était sûrement en approche. Déferlant telle une vague, la clameur se rapprocha et les pèlerins autour de Bastien basculèrent dans une ferveur déconcertante. Les drapeaux s'agitèrent et entourée d'agents de sécurité la papamobile fit son apparition, le jeune homme frissonna d'émotion, puis heureux, il hurla jusqu'à en perdre la voix. Étant proche du peuple, ce souverain pontife appréciait les bains de foule et au grand damne de ses gardes, il refusait d'être cloîtré derrière une vitre blindée. Bastien pouvait enfin découvrir cet homme simple ! Son dos légèrement voûté lui donnait une impression de fragilité, mais son sourire radieux et ses yeux pétillants le sublimaient. Calmement, il saluait la foule en se tournant régulièrement pour veiller à n'oublier personne, puis il évitait joyeusement les foulards et les drapeaux qu'on lui jetait. De temps à autre, le saint homme se penchait pour embrasser sur le front les bambins qu'on lui présentait.

La voiture s'approcha, désormais, Bastien était aux premières loges et par chance, le regard bienveillant du pape le transperça. Quelle joie indescriptible ! Le souverain pontife se tourna pour saluer l'autre côté de la foule et le jeune scout fut bousculé violemment. Il fit volte face et tomba nez à nez avec un type masqué qui avait une hache à la main. Effrayé, Bastien s'écarta puis il regarda l'homme s'élancer. Brutalement, il fendait la foule pour prendre de la vitesse comme un fauve fonçant sur sa proie. À vive allure, il se hissa sur la barrière de sécurité, dégaina sa hache et poussa sur ses jambes pour bondir sur le pape. C'était une attaque par-derrière, lâche et cruelle. Médusée la foule retint son souffle et sauvagement, l'homme abattit son arme pour fendre le saint père comme une bûche. Aidé par la providence, le vieil homme se retourna et il esquiva le coup de justesse. Il faisait maintenant face à un monstre dépourvu de sensibilité ! Sans se démonter, il défia ce type en le regardant avec amour et miséricorde. Le tueur se figea puis il trembla avant de lâcher sa hache et comme un agneau terrifié devant un loup, en plongeant dans la foule, il prit la fuite. En alerte maximale, les hommes du service de sécurité essayèrent de le retrouver mais les recherches ne donnèrent rien, il y avait trop de monde et puis le pape voulait à tout prix que la messe continue.

Ce jour-là, son discours toucha en plein cœur des millions de personnes.

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