L'hurluberlu

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Au cœur d'un petit village de montagne, Hélène, une mère de famille se réveilla en sursauts. Dehors, elle entendait quelqu'un crier : «  Aidez-moi, j'ai froid ! ». À l'étage, elle ne risquait rien, donc elle se leva dans l'obscurité et entrouvrit les volets de sa chambre. Un homme déambulait dans la rue. Hagard et légèrement vêtu, il était transit de froid. Que fallait-il faire dans cette situation ? Elle ne pouvait pas l'ignorer, car il ne passera pas la nuit dans ces conditions. Elle jeta un œil dans la chambre des petits pour voir s'ils dormaient paisiblement. Bravant ses craintes, elle descendit au rez-de-chaussée, mais méfiante, elle s'empara de son rouleau à pâtisserie en olivier. Délicatement, elle déverrouilla la porte, puis elle l'ouvrit sans un bruit. Avec sa barbe naissante, le type était plutôt mignon et il ne semblait pas être un mauvais bougre.

Elle inspira l'air froid à pleins poumons et elle tonna :

— Monsieur, monsieur !

L'homme tourna la tête pour savoir d'où provenait cette aide providentielle et son regard croisa celui d'Hélène. Sans attendre, il bifurqua dans sa direction, puis il s'engouffra dans la maison. La porte se referma et il sentit une vague de chaleur l'envahir. Hélène empoigna ses mains glacées et le guida dans le salon. Avec politesse, elle l'invita à s'asseoir sur le fauteuil à côté du poêle, et lentement, l'homme reprit ses esprits.

Après un grand silence, il bafouilla :

— On est le combien aujourd'hui ?

Malgré sa surprise, Hélène rétorqua :

— Le sept février !

La réponse bouleversa l'individu et il marmonna :

— Un mois d'absence... Mon Dieu, qu'est-ce que j'ai bien pu faire ?

Puis d'une voix vive et claire, il continua :

— Vous allez me prendre pour un fou, mais où est ce que je suis ? Je ne sais plus comment je suis arrivé là...

Sans juger l'individu, la jeune femme expliqua :

— Vous êtes à Saint Martin de la Cluze, dans un petit village de montagne à proximité de Grenoble.

La mère de famille observa son invité, il était agité et semblait soucieux. Brusquement, il leva la tête pour demander :

— Vous avez la télévision ?

— Non !

— Et vous ne vous ennuyez pas du coup ?

— Non, au lieu de rester avachie devant un écran, je m'occupe autrement.

— Ah ! Vous avez le journal au moins ?

— Bien sûr, vous voulez que je l'apporte ?

— Volontiers !

Après avoir lâché un « merci », l'individu feuilleta frénétiquement l'hebdomadaire et il fut dégoûté par les gros titres : « Chaque jour, l'homme à la hache fait de nouvelles victimes », « Une femme et son fils massacré », « Tueur insaisissable et police inefficace ».

Hélène hésita un instant avant de demander :

— Que cherchez vous ?

— Je m'informe sur ce putain de tueur.

— Ils finiront par l'attraper !

— Permettez-moi d'en douter !

Qu'est-ce qu'elle pouvait bien lui répondre, il avait sans doute raison, et elle décida de changer de sujet. D'une voix mélodieuse, elle déclara :

— Vous semblez affamé, passez à table, je vais vous apporter du pain et du saucisson.

L'homme se déplaça et il remercia Hélène pour sa générosité puis sauvagement, il se jeta sur son repas. Il déchira le pain en deux et il se coupa une énorme tranche de saucisson. En quelques bouchées, il dévora tout, c'était un ventre sur pattes. Peu après, l'homme se mit à trembler et Hélène s'inquiéta :

— Vous allez bien monsieur ?

— Non, je souffre terriblement...

Sans hésiter, elle rétorqua :

— Voulez-vous que j'appelle les pompiers ?

— Cela serait inutile, mon mal est plus profond, il n'y a rien à faire.

Une crise plus violente, lui arracha quelques râles. Il se leva et regarda Hélène :

— Je dois partir d'ici !

— Mais vous allez mourir avec ce froid.

— C'est peut être mieux ainsi...

— Ne dites pas ça !

La mère de famille s'approcha de son invité pour le retenir, mais en grondant, il la repoussa violemment :

— Ne me touchez pas ! Je dois m'en aller ! Au revoir et merci.

Pleurant à chaudes larmes, il convulsa et malgré la douleur, il articula :

— Si vous êtes croyantes priez le seigneur pour que le diable vous épargne.

Dans un ultime effort, il se dirigea vers la sortie en courant. Il ouvrit la porte et s'en alla dans l'obscurité. Hébétée, Hélène resta immobile, puis elle se ferma à double tours. En fin de compte, ce type était flippant et la dernière phrase qu'il avait prononcé l'avait effrayée.

Petite, elle avait été baptisée, et pendant son enfance, elle était allée au catéchisme et puis peu à peu elle s'était éloigné de Dieu et ça faisait longtemps qu'elle n'était pas retournée dans une église.

Hélène se questionna sur sa foi, quand quelqu'un cogna à plusieurs reprises contre la porte. En entendant ce son inquiétant et régulier elle tressaillit, et sans hésiter elle écouta les conseils du jeune homme. Elle pria avec force comme jamais elle ne l'avait fait. Les bruits redoublèrent en intensité, mais elle ne se démonta pas, elle continua sa supplication et le vacarme s'estompa.

Aujourd'hui, le diable n'était pas rentré. Soulagée, elle se laissa choir au sol puis elle pleura de joie. Même si elle s'était éloignée de Dieu, il venait de la sauver.

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