Sur le fauteuil situé à côté du poêle, Gisèle bouquinait tranquillement. Absorbée par son roman, elle mit un moment avant de comprendre que quelqu'un frappait à la porte. À l'idée qu'il s'agissait d'une visite d'Ed, l'octogénaire était tout excitée. Elle sauta du fauteuil et brusqua ses vieilles gambettes pour ouvrir au jeune homme. Sa déception fut totale quand elle découvrit un homme aux traits tirés qui puait l'alcool. D'une petite voix, elle déclara :

— Bonjour !

— Bonjour, je suis Gurval Lameliche de la police Judiciaire, j'aimerais vous poser quelques questions.

— Bien sûr !

— Est-ce que vous avez vu Edward récemment ?

— Non, il y a belle lurette qu'il n'est pas venu ! Pourquoi ?

— Un drame terrible a bouleversé sa vie et je pense qu'il est en danger, j'ai peur qu'il mette fin à ses jours.

— N'y allez pas par quatre chemins, dites-moi tout ! Qu'est-ce qui s'est passé ?

Calmement, Gurval expliqua que Marianne a été assassinée pendant qu'Ed était allé chercher du pain à la boulangerie.

Attristée, par cette nouvelle, Gisèle comprenait mieux la situation, hésitante, elle articula :

— Laissez-moi, votre numéro et s'il passe, j'vous préviens. C'est la seule chose que j'puisse faire.

— Ça me va, voici ma carte ! Allez, au revoir !

Gisèle, referma la porte, puis elle bascula le verrou. Ce type qui cherchait Ed sentait l'embrouille à plein nez. Quoi qu'il soit arrivé, le p'tit gars s'en sortira, elle en avait la conviction. En signe de soutien, elle serra son poing et le plaqua contre sa poitrine. Balancer son ami, en voilà des manières ! Sans aucun remord, elle ouvrit le poêle et jeta la carte de Gurval Lameliche à l'intérieur.