Interrogations

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Dans le lit de sa copine, Ed était en pleine réflexion. Depuis une semaine, il avait remarqué un changement dans le comportement de Marianne, elle le regardait différemment et ça le gênait. Elle semblait éprouver une admiration sans faille à son égard et pourtant, il n'avait pas l'impression de s'être métamorphosé ! À moins que... Une pensée traversa son esprit et son cœur palpita. Était-elle au courant pour Sadjo Bel ? Durant la fête du nouvel an, à force de boire, il avait peut-être vendu la mèche ... Ou bien elle avait tout simplement deviné sa double vie. Il fallait s'en assurer, mais comment aborder le sujet ? Allongé sur le lit, il observa sa bien- aimée dormir, elle avait une respiration régulière et calme. Avec ses yeux clos et ses mèches de cheveux rebelles, elle était ravissante mais vulnérable, à son réveil, il devra lui tirer les vers du nez. Assis en tailleur sur le lit, Ed laissait ses pensées vagabonder, et une envie insidieuse germa dans son esprit. Il avait appris à contenir ce désir de téléportation en se focalisant sur de bons souvenirs, mais par expérience, il savait qu'il ne retarderait qu'un peu l'échéance. Étonné, il constata que la pierre était à portée de main sur la table de nuit. Pourtant, volontairement, il l'avait laissée dans la poche de son pantalon pour ne pas être tenté. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Bien qu'incroyable par moment cette pierre l'effrayait !

Marianne ouvrit doucement ses paupières puis elle aperçut Ed. Immobile, il semblait perdu dans ses pensées et en s'étirant elle entonna :

— Pourquoi tu fais ta tête d'œuf ?

Son homme se retourna et lâcha :

— J'fais pas ma tête d'œuf ! Je suis juste concentré...

— Ah pardon Monsieur  le Concentré ! Et pourquoi tant de concentration ?

— Ça serait trop dur à t'expliquer...

— Tu sais, tu peux me faire confiance, je sais garder les secrets !

— Mais je ne cache rien !

Avec un petit sourire en coin Marianne rétorqua :

— Tu en es sûr ?

— Oui !

— Écoute, je suis convaincu du contraire, car je sais tout !

Elle avait insisté sur ce dernier mot ! Ed essaya de masquer sa surprise en jouant maladroitement l'indifférence. Une multitude d'hypothèses se bousculait dans son esprit et une évidence émergea : « Que savait-elle exactement ? ».

Il essaya de s'en sortir avec une pirouette :

— Tu es au courant pour mes penchants homosexuels ?

Après s'être redressée, Marianne fronça les sourcils et elle se fâcha :

— Te fous pas de ma gueule, durant le nouvel an, quand tu étais bourré, tu m'as révélé que tu étais Sadjo Bel ! Que ça te plaise ou non, je sais tout ! Et comme je te croyais pas, tu m'as fait la promesse de disparaître sous mes yeux. J'attends toujours !

Pris d'une crise, Ed grogna en se tenant la tête, puis il se balança doucement pour se calmer.

Inquiète Marianne demanda :

— Tu vas bien ?

Sur un ton sec, il expliqua :

— Non... J'ai besoin de me téléporter ! Comment t'expliquer mes sensations : c'est comme si j'avais une forte envie de pisser et que j'avais du mal à maîtriser ma vessie.

Soumis à l'appel de la pierre qui se faisait de plus en plus tenace, Ed n'avait plus le choix ! Il enfila ses vêtements et chancelant il s'empara de la pierre. Il demanda à Marianne de sortir du lit pour qu'il puisse bénéficier de tout l'espace. Puis il se recouvrit avec le drap et d'une voix forte, il déclara :

— Dans trente secondes, je ne serais plus là ! Un, deux ...

Marianne s'absenta un instant puis elle revint toute excitée avec un caméscope, elle allait filmer cet exploit ! Elle lança l'enregistrement et se recula pour cadrer correctement l'action puis elle patienta. Quand Ed arriva à trente le drap retomba sur lui-même. Estomaquée Marianne écarquilla grand les yeux, son homme s'était volatilisé ! Le sol vacilla sous ses pieds, elle était la petite amie de l'illusionniste qui avait affolé les médias, le grand Sadjo Bel !

En ouvrant les paupières, Ed pouvait admirer Amanohashidate, une des vues les plus célèbres du Japon. Devant ce pont naturel reliant les deux bords opposés de la baie de Miyazu, il resta rêveur. Apaisé, il constata que sa soif de téléportation s'était dissipée et il prit le temps de savourer cet instant à l'autre bout du monde. Après une grande respiration, il ferma les yeux pour revenir à Lyon.

En entrant dans la boulangerie du quartier et demanda :

— Bonjour Madame, j'vais prendre deux croissants et deux pains au chocolat plus une baguette s'il vous plaît.

— Ça vous fera trois euros soixante-cinq  !

Ed plongea la main dans sa poche pour sortir quelques pièces et les tendre à la dame en révélant :

— Le compte est bon !

— Et ben, c'est parfait, merci Monsieur ! Au revoir et bonne journée !

En revenant avec les bras chargés de viennoiseries, Ed songea qu'il allait épater sa copine. Il se cacha dans un coin et visualisa la chambre de Marianne. Elle n'était pas dans la pièce, c'était parfait, il cligna des yeux et l'instant d'après, il y était !

Joyeusement, il annonça d'une voix forte puissante :

— Je suis de retour ma chérie !

En réponse, il n'y eut qu'un grand silence. Intrigué Ed sorti de la chambre puis, il traversa le salon pour arriver dans le couloir. Inquiet il tonna :

— Marianne ?

Un bruit d'eau qui coulait réconforta Edward ! Bien sûr elle se douchait, c'était évident ! Comment n'y avait-il pas pensé plus tôt ? La porte était entre ouverte, en gentleman, il toqua à plusieurs reprises pour s'annoncer. Sans réponse, il s'engouffra à l'intérieur et il fut saisi d'effroi. Choqué, il resta hagard, Marianne gisait démembrée sur le carrelage avec une hache fichée dans le crâne. Sa bien-aimée avait été massacrée par l'homme à la hache, désespéré et plein de rage, Edward avait envie de hurler ! Dans sa détresse, il remarqua un caméscope à côté du cadavre, le témoin d'enregistrement était allumé. Sans hésiter, il s'en empara pour arrêter la vidéo puis il la visionna du début et constata que Marianne l'avait filmé en train d'utiliser son pouvoir. En entendant des sirènes de police et des bruits de pas dans les escaliers, Ed stoppa la lecture et le cœur battant à tout rompre, il fila dans la chambre avec le caméscope ! Des voix puissantes résonnèrent :

— C'est ici !

— La porte est claquée, faut l'enfoncer !

Craquement, cris, hurlement, dans un vacarme assourdissant les agents de police se déployèrent. Sans attendre, dans un sac de courses, Ed fourra, la caméra, les viennoiseries et la baguette, puis lâchement, il ferma les yeux pour sortir de cet enfer.

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