La tentation

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Après cette soirée de labeur, Gurval rentra chez lui. Arrivé dans le salon, son regard se figea sur la photo de Yonie, sa femme. À cause de ce tueur, de nombreux souvenirs remontaient à la surface. Il s'était marié à vingt ans et dans l'année qui avait suivi, il avait assisté à la naissance de sa fille, Elena. À cette époque, il était heureux.

Pour sortir de sa torpeur Gurval fila sous la douche, puis se il se déshabilla. Délicatement, il ôta le collier autour de son coup. L'alliance de Yonie pendait au bout, il la portait pour ne pas oublier.

Poussé par le désir d'arrêter les criminels, il s'était laissé absorber par son métier et sa carrière d'enquêteur. Encensé par sa direction, il avait gagné le respect de tous, mais insidieusement, il s'était éloigné de sa famille. En père distant, il était passé à côté de l'enfance de sa fille, et les années s'étaient écoulées paisiblement. À la suite d'un travail acharné, il avait goûté à la célébrité en arrêtant un tueur en série. Ironie du sort, peu après, lors d'une journée ordinaire, Yonie avait été agressée et mortellement blessée par un déséquilibré dans une supérette. Gurval avait assisté à la scène, mais tout s'était déroulé trop vite pour qu'il puisse intervenir. Cet anneau était le symbole de sa descente aux enfers, dépressif, il avait basculé dans l'alcool pour éponger son chagrin. Grâce à sa fille qui avait la force de caractère de sa mère, il avait surmonté cette épreuve. Désormais, il était guéri de cette terrible maladie.

Sentant l'eau couler sur son corps, Gurval faisait le vide dans son esprit. Son nouveau credo : « ne pas vivre dans le passé mais profiter de l'instant présent ». Après s'être essuyé, Gurval se dirigea dans sa chambre puis il se glissa sous sa couette et ferma les yeux pour se concentrer sur sa respiration. C'était l'unique solution qu'il avait trouvé pour ne pas gamberger. Au bout de plusieurs minutes, bercé par son souffle, Gurval sombra dans l'inconscience et s'évada dans ses rêves.

Assis autour d'une table en compagnie d'autres convives, il s'amusait et riait aux éclats. Soudain un serveur se présenta à sa droite avec une bouteille de champagne.

— Monsieur, du champagne ?

— Non, merci.

— Juste un verre en l'honneur du maître de maison.

— Non merci, je ne bois plus...

Écoutant l'échange, un invité s'offusqua :

— Tu n'as pas le droit de refuser Gurval, la moindre politesse c'est de faire comme tout le monde.

Énervé l'enquêteur se leva pour crier :

— Je suis libre, bordel !

Le serveur rétorqua :

— La liberté, ça n'existe pas, il faut se plier aux règles de bienséance et elles vous dictent de boire le champagne proposé par le maître de maison.

En entendant ces propos Gurval vacilla. Méchanceté, bêlements à répétitions, il recula face à l'animosité des convives. Une horde de moutons se rua sur lui. Voulant fuir, Gurval se heurta au serveur. Plaqué au sol, il ne pouvait plus bouger.

Le domestique lui enfila une bouteille de champagne dans la bouche en sifflant des ignominies :

— Régale-toi pauvre brebis, tu seras mon esclave !

Ne voulant pas boire une seule goutte, Gurval s'agita et tout s'effondra. Trempé de sueur et le cœur battant la chamade, il se retrouva dans son lit. Le souffle court, il passa la main dans ses cheveux. Perdu, il jeta un coup d'œil sur son radio réveil, il était cinq heures du matin. Venant de comprendre que c'était un cauchemar, Gurval fut soulagé. Ne souhaitant pas se rendormir, il se leva puis s'habilla pour se dégourdir les jambes. Parfois, l'envie de boire se faisait insistante, mais il avait remarqué que ses promenades l'apaisaient et lui permettaient de résister à la tentation. Avant qu'il franchisse le seuil de la porte, son téléphone portable sonna. Prestement Gurval décrocha puis attentivement, il écouta son interlocuteur. Dans le secteur, une nouvelle victime a été découverte. Pas de temps à perdre, l'enquêteur dévala les escaliers pour se précipiter à sa voiture.

Dans l'obscurité ambiante, Gurval constata que plusieurs véhicules de police étaient déjà présents sur les lieux du meurtre. Sous la lumière des lampadaires, des agents s'affairaient pour sécuriser la zone. Après avoir garé sa voiture et s'être présenté au personnel opérant, Gurval s'approcha de la scène du crime. À première vue, malgré le corps déchiqueté, il s'agissait d'une jeune femme. La série continuait ! Un frisson lui parcourra l'échine, il avait déjà vu cette paire de botte et cette robe. Il s'empara de son téléphone puis il ouvrit sa main gauche. Même si le numéro de téléphone s'était estompé, il était toujours visible. Il tapa les dix chiffres et appela la jeune femme qu'il avait rencontré la veille. Une sonnerie criarde brisa le silence, elle provenait du corps. Comprenant qu'il s'agissait de Cassie, des larmes dévalèrent le long de son visage. Meurtri, il venait de comprendre que ce tueur abject était hors norme. Il essuya ses larmes en songeant à sa promesse, il l'avait rappelée...

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