Une partie de Scrabble

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L'après midi, sur la table du salon, Josette et Norbert jouaient au Scrabble. Elle venait de poser tout son portoir pour former le mot « abjectes » en recouvrant une case « mot compte triple ». Un bon coup dont elle avait le secret. Norbert ne pouvait qu'être admiratif. Il enchaîna avec le verbe « jouxter » en s'appuyant sur le « J » afin de grappiller quelques points.

Un « toc toc » raisonna, quelqu'un frappait à la porte et énervé le paysan baragouina :

- Encore les gamins d'la voisine qui s'amusent ?

- Va voir Norbert, si ça s'trouve c'est l'Michel qui vient apporter des patates.

- En général, il prévient, l'Michel.

D'un pas vif et agacé, il se dirigea à l'entrée et le « toc toc » recommença. Une personne s'impatientait ou s'amusait sur le palier et pour lever le voile sur cette farce, Norbert ouvrit rapidement la porte. Pas de livreur de pommes de terre. En observant lentement les alentours d'un œil acéré, le vieux paysan ne repéra aucun garnements mais un bruit sourd provenant du salon l'interpella. Dans le doute, en brusquant ses vieilles quilles, il sprinta pour retrouver Josette.

Norbert resta immobile face à l'horreur de la scène. Affalée sur la table, la nuque brisée, Josette était inanimée.

Après un choc terrible, Norbert bascula à terre. Une douleur intense et lancinante irradiait son corps. Perdu, il essayait de comprendre ce qui lui arrivait, et en tournant la tête, il constata qu'une hache était fichée dans son dos.

Cloué au sol, Norbert entendait des bruits de pas. Diminué, mais combattant sa fatigue, il se tourna pour tenter de distinguer l'individu. Son bourreau portait des chaussures de sécurité et un pantalon gris. Non, c'était une combinaison de travail. Ses mains étaient recouvertes par des gants en cuir, il ne laisserait aucune traces derrière lui pour un éventuel enquêteur. Une vague de désespoir et de peur submergea Norbert quand il posa les yeux sur le visage de l'assassin. Ce masque, il l'avait déjà vu ! C'était celui du baiseur de chèvre, cet être abject. L'homme se baissa puis d'un coup sec, il retira la hache de sa victime et à deux mains, il la leva doucement. Le vieux paysan comprenait qu'il vivait ses derniers instants. Il eut une ultime pensée : « j'arrive Josette ». Implacable, l'arme s'abattit à plusieurs reprises sur Norbert.

Le tueur laissa la hache plantée dans le cadavre, puis d'une démarche tranquille, il quitta la pièce. À l'extérieur, les chèvres étaient agitées, elles avaient compris que le malheur avait frappé leurs maîtres. Plusieurs biquettes agiles et rusées prirent la fuite en franchissant la barrière grâce à des cabrioles élaborées.

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