Chapitre 5 - Edward (4/4)

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***

Denita déambulait dans un champ, caressant les épis du bout des doigts. Une odeur d'humidité indiquait qu'un orage venait de se terminer dans la région. La tête de la Swatrozi dépassait à peine des tiges de blé. La jeune fille portait une robe tâchée par la terre et ses pieds étaient nus et rougis par les ronces qu'elle avait traversé pour venir jusqu'ici. Elle aimait cet endroit. Si calme et si paisible, loin du tumulte de la ville.

L'enfant était heureuse qu'il existe encore des endroits comme celui-ci sur Obissar. L'arrivée des esclavagistes avait complètement chamboulé son quotidien.

Obissar était auparavant une petite planète consacrée à l'agriculture. Les parents de Denita produisaient de la farine de blé, revendue ensuite dans des conteneurs et envoyés sur Saon. Les champs y fleurissaient et l'économie était à la hausse.

Des esclavagistes Taeil avaient pris d'assaut la planète en très peu de temps et si soudainement que personne n'eut le temps de préparer la défense. Réduisant le peuple d'Obissar en esclavage et rasant les plantations pour construire des usines, le paysage de la planète en avait été radicalement altéré. Autrefois verte, Obissar n'était plus que feu et sang. Lorsque Denita apprit par la suite que ces esclavagistes avaient agi pour le compte du système Kron, au Conseil, son destin s'était rangé du côté des rebelles.

Les parents de Denita n'avait pas pu y échapper. Elle les avait vu se débattre face à un puissant Taeil dont les longues moustaches voletaient derrière lui, montrant l'importance qu'il avait au sein des esclavagistes. Son visage était gravée dans la mémoire de la jeune femme qui s'était juré de se venger.

Ses parents avaient eu beau lutter et résister, les esclavagistes étaient beaucoup plus nombreux et beaucoup mieux équipés que les simples paysans d'Obissar. La dernière chose que Denita se rappelait de ses parents était le regard désespéré de sa mère, lui criant de s'enfuir et de courir le plus loin possible pour sa vie. Elle avait huit ans.

La petite s'était cachée. Elle avait erré des jours dans la forêt avant d'oser en ressortir. Elle était directement retourné ici. Ce champ était protégé par une végétation dense et avait échappé au radar des esclavagistes. C'était tout ce qui restait des plantations de son père. Le dernier souvenir qu'elle allait emporter d'eux.

***

— Denita ?

Le champ disparut autour d'elle. Sa petite robe fut remplacée par une couverture et le décor forestier s'envola pour laisser place à l'horizon hostile du désert.

L'enfant qu'elle était repris sa place de souvenir.

La Swatrozi entrouvrit les yeux. Le soleil était déjà levé. Le visage de Denita ruisselait de sueur sous la chaleur étouffante. Bergins était penché sur elle.

— Nous devons partir maintenant si nous voulons arriver à la capitale avant la nuit, lui dit l'Humain.

Denita se leva difficilement et s'épongea le front avec une serviette. Les Swatrozis étant habituellement vigoureux, la jeune femme se sentait épuisée depuis quelques temps. Il lui arrivait même de dormir plus longtemps que Dicey, qui n'était qu'un Humain paresseux. Cela la tracassait.

Elle rangea nonchalamment ses affaires dans un sac qu'elle mit sur son épaule avant de rejoindre le groupe. La Swatrozi avait encore l'esprit embrumé par son rêve. Cela faisait tellement d'années qu'elle n'avait plus repenser à cette période de sa vie qu'elle avait préféré oublier. Pour une raison qu'elle ignorait, elle avait recommencé à rêver de cela, et ces rêves la perturbaient.

— Quelque chose ne va pas ? Demanda Dicey à la Swatrozi.

Les deux mercenaires étaient en retrait. Edward menait le groupe d'une allure soutenue, suivi par Bergins et Shad, pris dans une conversation animée.

— Tout va bien, répondit sèchement Denita.

Elle avait envie d'être seule aujourd'hui. Elle regarda l'Humain s'éloigner et rejoindre Shad.

Dicey fut quelque peu interloqué par l'attitude froide de Denita. Il quitta la Swatrozi pour revenir au niveau du Zantry qui discutait avec Bergins.

— J'espère qu'après cette petite épopée, on pourra rentrer chez nous, dit Shad essoufflé, j'ai les pieds en feu.

— Je l'espère aussi, répondit solennellement Bergins.

Le pilote sourit. Depuis sa sortie de prison, sa vie avait été plutôt intense et riche en rebondissements. Il aurait tout donné pour se prélasser sur la terrasse d'un bar de Saon, à siroter un Blur, un cocktail très populaire de la capitale et bien corsé.

La journée se déroula sans encombre et au coucher du soleil, le groupe gravit une énorme dune qui couvrait le paysage. Après des jours à marcher sous un soleil de plomb et malgré le repos, les jambes fragiles de Dicey tremblaient sous l'effort. Il puisait dans ses dernières réserves d'énergie.

Ils finirent par arriver au sommet de la dune et un spectacle magnifique s'offrit à eux. La veille, ils n'avaient pu observer la capitale qu'au loin et n'avaient pas pu bien jauger la taille de la ville.

Celle-ci était imposante et parfaitement nichée entre deux monts immenses. Le soleil couchant derrière elle donnait à l'ensemble une teinte rosée, presque féerique. Ils restèrent bouche-bée un moment.

— Voici Ladine, la capitale de Mosmo Era, déclara Edward en pointant la ville du doigt.

Encore subjugués par la vue, le groupe entreprit la descente de la dune en direction de la capitale.

— Y-a-t-il des gardes à l'entrée ? Demanda Shad.

— Non jamais, répondit l'adolescent, on peut entrer et sortir n'importe comment.

A mesure qu'ils s'approchaient, les mercenaires constataient la grandeur des constructions. A l'entrée de la ville, un arc colossale affichait en lettres d'acier « LADINE ». Mais sous cette couche d'or se cachait un paysage désolé. L'intérieur de la capitale était désert et désertique. Les immeubles délabrés et les enseignes branlantes, invisible de loin, gâchaient toute la splendeur de la vue extérieure.

— Les gens ici vivent comme des mendiants, expliqua Edward, toute la richesse de la ville est concentrée dans les hauts quartiers, contrôlée par une petite portion de la population qui s'engraissent au profit des plus démunis. Ceux qui échappent à l'esclavage vivent misérablement dans des lambeaux de maisons à manger de la terre.

Dicey pouvait sentir le dégoût et l'acidité dans les paroles du garçon décrivant la vie des habitants de Ladine. Knock commençait à gémir et Edward le regarda en pinçant les lèvres.

— Cela me ferait de la peine de le voir enfermer ici. Il est fait pour gambader dans de grands espaces.

Il s'accroupit près de l'animal et lui gratta le cou. Le garçon lui chuchota ensuite quelque chose et l'oreille pointue se leva. Il tira la langue et ressortit de la ville. Dicey regarda étrangement Edward, qui avait laissé échappé une larme. Knock tourna une dernière fois la tête en direction de son maître et galopa vers l'horizon.

— Qu'est-ce que tu lui as dit ? S'enquerra Denita.

— Je lui ai dis d'être libre, répondit solennellement le jeune homme.

Ils restèrent un moment sans bouger, regardant le chien-loup s'effacer petit à petit et ne devenir plus qu'une tâche de même couleur que le sable qui envahissait la planète, puis ils continuèrent.

Le groupe grimpa une côte jonchée de cailloux et de pavés explosés.

— Nous pouvons commencer, chuchota Edward à Bergins qui lui répondit d'un sourire.

Le pilote ne comprit pas.

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