Chapitre 5 - Edward (2/4)

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Bergins détourna les yeux de la scène. Un coup de feu retentit, puis des moteurs vrombirent au rythme d'un concert de rires humains.

— Des pilleurs... Grogna Edward entre ses dents.

— Charmant personnage, s'exclama Shad.

— Entre eux et le Parfumeur, cette planète est devenue un véritable champ de bataille. Et c'est toute une population qui en fait les frais.

— Nous ferions mieux de ne pas rester ici, proposa Dicey.

Le groupe s'éloigna discrètement et continua son chemin. Ils arrivèrent sur une partie du désert sans dune, où le sable semblait avoir légèrement changé. Edward les mit en garde.

— Faîtes attention, cette zone est infestée de sables mouvements. Ne mettez pas vos pieds n'importe où, suivez-moi.

— Comment as-tu fait pour traverser tout ça seul ? Lui demanda Bergins, intrigué.

— Je connais le désert comme ma poche, donc je n'ai aucun problème pour me déplacer, répondit le jeune homme avec un semblant de fierté.

Edward en tête, menant la troupe, ils avancèrent avec précaution en suivant bien le guide. Ils posèrent leurs pieds là où il posait les siens et, petit à petit, l'autre côté de la zone se rapprochait. Ils gardèrent un rythme régulier et un calme olympique.

Au moment d'accoster sur la terre ferme, Shad, en fin de peloton, fit un faux mouvement et son talon resta enfoncé dans le sable. Cela eut pour effet de le déséquilibrer et il agita les bras en paniquant. Edward voulut l'aider en le retenant mais le poids du Zantry étant supérieur au sien, l'Humain fut tiré vers Shad et mit malencontreusement son pied droit dans un sable mouvant. Sa jambe s'enfonça jusqu'à la cuisse.

La scène se passant en un éclair, les autres n'eurent pas le temps de réagir. A peine retournés, ils virent Shad, un pied enfoncé dans le sable, retenu à moitié par Edward dont la jambe droite avait presque entièrement disparue sous le sable. Les deux commencèrent à s'enfoncer, et la panique de Shad n'avançait à rien. Ce dernier ne faisait qu'aggraver son cas, malgré les recommandations faites par Edward de se calmer. Le jeune homme lança un regard à Bergins et le colosse reçut presque automatiquement le message. Il n'hésita pas un instant et, aidé par carrure et sa taille, il saisit le garçon par le bras et le tira vers lui. Malgré le fait qu'il avait deux corps à soulever, Bergins ne semblait pas sourciller et sortit Edward et Shad des sables mouvants.

De retour sur le sable normal, le Zantry avala de grands bols d'air pour se calmer, en s'exclamant.

— On a failli mourir, hein ?

— A cause de ta bêtise, oui, rétorqua sèchement Denita en lui lançant un regard noir.

Shad fit la moue. Edward sourit tout de même comme si de rien n'était leur indiqua de continuer, expliquant que la grotte était toute proche.

Celle-ci se trouvait dans une immense montagne dont les pieds étaient recouverts de sable. L'intérieur était gigantesque et très sombre. Edward posa son fusil contre une paroi et saisit une torche qu'il enduit d'essence. A l'aide d'une des allumettes entreposées dans un sachet sur le sol, il alluma le morceau de bois. Il se tourna ensuite vers le groupe qui le regardait d'un air coupable.

— En fait, ce n'était pas nécessaire de gâcher une allumette, avoua timidement Shad, nous avons des lampes.

Edward éteignit sa torche à contrecoeur et la jeta sur le côté. Il prit sa couverture, enroulée dans un coin, et entreprit de la déplier. Le soleil avait entamé sa descente. Le reste du groupe l'imita. Bergins sortit sa Lighball et la posa au milieu du cercle de couvertures étendues.

— Demain, je vous conduirais à la capitale, dit l'adolescent.

— Nous sommes si proches que ça ? S'exclama Bergins, étonné par la distance qu'ils semblaient avoir parcouru depuis leur arrivée sur la planète.

— Environ trois de jours de marche, répondit Edward, deux si tout se passe bien et si nous conservons une bonne allure.

— C'est vraiment gentil de nous aider, dit Denita, assise contre la paroi rocheuse, la couverture sur ses jambes.

— C'est normal, j'ai failli vous abattre par mégarde, je peux au moins faire ça.

Denita et Bergins se regardèrent et tous deux savaient que le garçon aurait difficilement eu l'avantage face à eux mais aucun n'ouvrit la bouche.

— Y-a-t-il besoin de tour de garde ? Demanda Dicey.

— Ce n'est pas nécessaire, dit Edward avec un sourire, il est là.

— Il ?! S'exclama le groupe en choeur, interloqué.

Un grognement retentit et deux yeux jaunes apparurent dans l'obscurité. Tous les regards furent attirés par la silhouette gigantesque du monstre dessinée par la Lighball sur les parois de la grotte. Les yeux s'approchèrent un peu plus et pénétrèrent dans la lumière. Ils appartenaient à un très gros chien dont le pelage avait une couleur de sable. La bête avait de la fourrure au niveau du cou et des pattes et sa queue était touffue.

D'abord menaçante, l'expression de l'animal se détendit et il vînt se coucher près d'Edward.

— Voici Knock, dit le garçon, il sera notre garde.

Denita se leva pour observer la bête de plus près.

— Quelle race de chien est-ce ? Demanda-t-elle, je n'en ai jamais vu de telle.

— Knock est à moitié loup, répondit l'adolescent, il est plus gros qu'un chien normal, et beaucoup plus puissant. Vous pouvez lui faire confiance.

— Sa fourrure est un avantage dans le désert, commenta Bergins.

— Exact, dit Edward avec un sourire.

Le chien-loup se leva brusquement et se dirigea vers Dicey, peu rassuré. La bête renifla le pilote un moment tandis que ce dernier était figé sur place.

— N'aie pas peur, dit l'adolescent, il ne vous fera rien, vous êtes avec moi.

Knock finit par poser sa tête sur le genou de Dicey et se coucha. Ce dernier souffla de soulagement et gratta la tête de l'animal. Suite à cette petite frayeur, tous retournèrent sous leur couverture. Avant de se coucher, Bergins prit à part le jeune garçon.

— Je peux te parler un moment dehors ?

— Oui, bien sûr, répondit Edward, intrigué.

Tous deux sortirent donc de la grotte en silence et s'adossèrent sur des rochers non loin de là.

— Au fait, merci de m'avoir sauvé la vie tout à l'heure, dans les sables mouvants, dit

Edward, j'avais peur que vous nous laissiez en plan, ou que vous ne sauviez que Shad. Pardon de vous avoir jugé.

— Oh, ce n'est rien, répondit le colosse, un peu gêné. Je ne suis pas du genre à laisser mourir les gens sans rien faire. Et, comme je t'ai dis, je n'ai aucune raison de te faire du mal. Nous cherchons juste à rejoindre la capitale.

Le jeune garçon éclata de rire. Bergins ne le trouvait pas si méchant que ça derrière sa carapace.

— Tu as bien que tu connaissais le désert comme ta poche, n'est-ce-pas ? Continua le mercenaire.

— J'ai survécu ici pendant toute une année, en échappant aux soldats, aux pilleurs et aux prédateurs, s'exclama le garçon, vous ne trouverez pas meilleur guide que moi.

— Il ne s'agit pas de guide...

Bergins hésitait à révéler ce qui le tracassait, de peur d'affoler l'adolescent.

— Bergins ? Dit Edward, inquiet, quelque chose ne va pas ?

Ne souhaitant plus garder tout cela pour lui, le colosse inspira profondément et avoua.

— Il y a de cela quelques nuits, un phénomène plutôt étrange s'est produit.

— Quel genre de phénomène, demanda le garçon, intrigué.

— J'étais de garde avec Denita lorsqu'elle a soudainement quitté le camp. Je me suis dis qu'elle voulait se dégourdir les jambes donc je l'ai laissé faire, mais elle n'était toujours pas revenu après presque une heure. Je suis donc parti à sa recherche et l'ai retrouvée à plusieurs kilomètres du campement. Elle avait perdu sa couverture et était frigorifiée et épuisée, incapable de se souvenir ce qu'elle faisait là.

Edward avait gardé le silence jusqu'à la fin, réfléchissant, puis s'exclama enfin, calmement.

— Étrange, en effet, je n'ai jamais rien vu de tel.

— Peut-être que le désert exerce une attraction dont nous n'en sommes pas conscient. Il cherche à nous engloutir.

— J'en doute, j'ai arpenté ce désert jusqu'à ces recoins les plus profonds et cela ne m'est jamais arrivé. Si c'est le cas, alors il doit faire de l'effet sur les gens les plus sensibles.

— C'est une possibilité, les Swatrozis sont beaucoup plus sensibles que nous.

Edward trembla. La température avait radicalement baissé et la chaleur torride de la journée avait laissé place à la fraîcheur de la nuit. Le garçon leva le nez pour observer le croissant de lune gigantesque qui transformait le désert en une mer de sable azur. La douce brise emmenait avec elle quelques grains à chaque passage.

L'adolescent s'exclama, rêveur.

— Le destin est drôle, parfois.

— Drôle ? Dit Bergins, interloqué, une volute de fumée s'échappant de sa bouche.

— J'étais seul au monde. Je n'avais personne vers qui me tourner, autre que Knock. Je ne faisais que ruminer ma vengeance jour après jour. Et voici que vous croisez ma route.

— Notre vaisseau s'est écrasé ici. Nous avons besoin de trouver des pièces de rechange.

— Quel modèle de vaisseau avez-vous ?

— Un modèle Swatrozi, le SW501.

— Une belle bête, paraît-il.

— Oui, il tient bien la route.

Edward se leva soudainement pendant que Bergins terminait sa phrase. L'expression de son visage était plus dure qu'auparavant.

— Je vais être honnête avec vous Bergins, vous ne trouverez jamais de quoi réparer votre vaisseau. Ni ici, ni même à la capitale, ni nulle part sur cette planète.

Bergins, choqué par ce qu'il venait d'entendre, se leva à son tour. Il était gigantesque et l'adolescent ressemblait à un enfant en bas âge face à lui.

— Pourquoi cela ? S'exclama le colosse.

— Sylfan, l'homme pour qui je travaillais, est un collectionneur de vaisseau, dit le garçon, il possède tous les modèles et toutes les pièces qui existent. Il m'a obligé à récurer ses collections un nombre incalculable de fois.

Seulement voilà. A moins que vous n'ayez une petite fortune dans votre bourse, il vous sera impossible d'obtenir ce que vous voulez. Sylfan est très dur en affaires et il aime avoir l'ascendant.

— Je connais quelqu'un du même tempérament, sourit Bergins, que suggère-tu donc ?

Edward leva à nouveau la tête vers l'horizon sableuse.

— Comme je le disais, le destin est drôle, parfois. Il vous faudrait infiltrer l’entrepôt de Sylfan pour quitter cette planète rapidement, et j'aimerais le voir mort. Je ne peux pas y arriver tout seul, et vous non plus. Je pense que nous pourrons nous accorder là-dessus.

Bergins eut un mouvement de recul.

— Qu'est-ce qui te fait croire que nous sommes des guerriers ?

— Je suis peut-être jeune, mais pas dupe, dit Edward avec un sourire, vu votre carrure et votre âge, vous avez sûrement fait vos classes militaires. Vous avez aussi une Swatrozi et un Zantry avec vous. Celui dont je comprends moins la présence, c'est le dernier.

— Dicey, c'est notre pilote.

— Alors il a lui aussi fait ses classes. Sans parler du M 22-90 caché dans votre veste. Avec tout cela, j'ai de bonnes raisons de penser que vous savez vous défendre.

— A dire vrai... Commença Bergins.

— Je me fiche de savoir ce que vous êtes réellement ni pourquoi vous êtes ici ! Le coupa l'adolescent, dont le ton était tellement sec que tous les traits d'enfants qui marquaient son visage lors de leur rencontre avaient disparus.

Bergins avait en face de lui un jeune homme déterminé à mettre en place le plan qu'il avait en tête.

— Tout ce qui m'importe, c'est de rendre justice à ma famille, termina Edward.

Le colosse réfléchit un moment. Puis une once de curiosité le prit.

— Ta famille ? Que lui est-elle arrivée ? Puisque nous en sommes aux révélations, autant aller jusqu'au bout des choses.

Edward sourit et commença son histoire.

— Mon père fut l'un des ouvriers tué lors de la première rébellion contre le Parfumeur. Sans travail, ma mère, ma petite soeur et moi furent vendus comme esclave par le propriétaire de la maison que nous ne pouvions plus payer. Ma mère et ma soeur devinrent prostituées pour le compte d'un riche aristocrate tandis que je fus contrains de devenir l'esclave de Sylfan. Je ne les ai jamais revus depuis ce jour.

Le mercenaire pouvait sentir l'émotion dans ces paroles et se senti touché par le discours. Il avait espéré mener cette mission à bien sans accrochage mais depuis leur départ, la tâche n'avait pas été facile. L'Humain n'avait pas d'autre choix, il fallait qu'ils puissent rentrer chez eux. Prenant le garçon par les épaules, il lui dit en le fixant dans les yeux.

— Très bien. Je convaincrais les autres.

L'adolescent regarda le colosse et continua de sourire, presque bêtement maintenant. Une larme perlait sur sa joue, au niveau de la cicatrice qu'avait laissé le fouet tyrannique de l'esclavagiste sur le visage du garçon. Ses traits s'étaient détendus et son apparence infantile revînt.

Edward se dirigea vers la grotte.

— Nous devrions rentrer, nous avons beaucoup de route à faire.

— Tu as raison, acquiesça Bergins, allons-y.

Les deux retournèrent rejoindre le groupe à l'intérieur. Edward gratta derrière les oreilles de Knock avant de se poser près de la Lighball. Pour une fois, il ne dormirait pas seul. Il s'endormit rapidement.

Bergins le regarda se coucher et sourit. Il espérait pouvoir aider cette âme en peine.

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