Chapitre 2 - Les Ombres Pourpres (1/4)

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— On est partis ! cria le garçon, à Dicey, encore sous l'effet de la surprise.

Le prisonnier fit un rapide tour d'horizon. La pièce principale du vaisseau ressemblait au salon d'une maison. Assez bien espacé, un canapé et une petite table étaient positionnés en face du bar, où il se trouvait. Au fond, le poste de pilotage, et sur sa gauche, un long couloir, qui menait probablement aux chambres.

L'homme qui l'avait sorti de la prison se trouvait derrière lui, mais il ne connaissait pas les autres qui le fixaient.

Dicey remarqua que les deux autres n'étaient pas comme lui. A sa droite, une Swatrozi s'était levée. L'ancien détenu connaissait bien cette espèce. Plus jeune, il avait effectué des recherches sur eux durant ses études. Ils ressemblaient en tout point aux Humains, exceptés la couleur de leur peau et de leurs cheveux. Là où ces derniers avait une palette de peau peu variée, cette espèce possédait beaucoup de couleurs. Celle-ci était mauve, et ses cheveux ébènes.

En fait, les Swatrozis étaient Humains à l'origine. Ils provenaient du système Swatroz, d'où l'espèce avait tiré son nom. Mais un dysfonctionnement dans plusieurs centrales de rayons gamma dans le système avait provoqué un nombre important d'explosions phénoménales, touchant des millions de personnes. La propagation modifia génétiquement les Humains, qui acquirent certaines facultés et changèrent leur couleur de peau. Les radiations les avaient également rendus plus robustes et endurants.

En tournant la tête, Dicey observa le dernier de l'équipe, avachi sur le canapé : un Zantry de taille moyenne. Ces derniers étaient connus pour être de bons vivants et ne pas avoir la langue dans leur poche, ainsi qu'un talent particulier pour la discrétion, du moins selon eux. Leur peau était écailleuse et de couleur sable, et des pics cornus se trouvaient sur leurs épaules, leurs poignets et leurs chevilles. Leur crane en aussi hérissé.

Dicey sourit intérieurement, en gardant toutefois un visage neutre. Les deux non-Humains continuèrent de le fixer un moment, puis le Zantry ouvrit le dialogue.

— Tu devrais t'asseoir Dicey, les décollages peuvent être secouants ici.

L'ancien détenu obtempéra en se posant sur un fauteuil. Il vit l'Humain s'éloigner et prendre sa place près du pilote. Ce dernier enclencha le moteur et démarra l'appareil. L'intérieur vibra durant le décollage.

Le Zantry se leva et prit un paquet de chips. Grignotant quelques morceaux, il fit quelques pas et le tendit à Dicey.

— Tu as faim ? Sers-toi.

Le prisonnier avait tout sauf faim. Mille questions lui trottaient dans la tête, et il voulait des réponses.

— Pourquoi vous m'avez libéré ?

— C'était la mission, répondit d'un air innocent le Zantry.

— Quelle mission ?

— La nôtre, prononça d'un ton cassant la Swatrozi.

Des frissons hérissèrent les poils de Dicey. Mais il ne se laissa pas abattre.

— Je ne comprends pas, qu'est-ce que je peux vous apporter ?

L'homme près du pilote se leva, et expliqua.

— Notre patron a besoin que tu nous accompagnes pour une mission.

— Pourquoi moi ?

— Nous ne travaillons qu'avec les meilleurs, et tu es, il parait, le meilleur pilote.

— Et ce garçon ?

— Simon ? lI excelle dans la technologie et le brouillage, mais ses capacités de pilote ne sont que standards. Pour cette mission, nous avions besoin d'un professionnel.

L'adolescent prit la parole pour continuer.

— Et puis, je ne peux pas les accompagner, je suis chargé d'une autre affaire. Je suis seulement venu te libérer. J'avais beaucoup entendu parler de toi, je souhaitais te rencontrer.

Dicey essayait d'analyser et d'assimiler les nombreuses informations distillées à un rythme effréné, et sa nuit blanche ne l'aidait pas du tout. Il s'exclama.

— Votre patron ? Vous êtes des mercenaires ?

— C'est exact.

— Vous faîtes partie de la Compagnie de l'Azur ?

La Swatrozi et le Zantry éclatèrent de rire, tandis que les Humains se contentaient de sourire allègrement. La Swatrozi répondit.

— Les gens ne connaissent que la Compagnie de l'Azur. C'est la moins discrète, et la plus orgueilleuse des organisations mercenaires. La popularité ne nous intéresse pas.

— Alors d'où venez vous ?

— Nous sommes des Ombres Pourpres.

Dicey n'avait jamais entendu d'eux. Il avait pourtant travaillé avec un bon nombre de groupes, autre que la Compagnie de l'Azur. S'il n'était pas déjà assis, il serait tombé par terre. Il sentit le regard amusé du Zantry, et brisa le silence.

— Admettons. Quel genre de mission requiert mes services, au point de me sortir de prison ?

Le Zantry tapota gentiment l'épaule de Dicey.

— Tout doux ma jolie. Ce n'est pas à nous que tu dois poser cette question. Nous ne sommes là que pour ta libération. Tu auras toutes tes réponses une fois arrivés.

— Où m'emmenez-vous ?

— Sur Kentoria.

— Kentoria ?

Le grand Humain avait répondu sèchement, comme s'il était las de toutes ces questions. Mais Dicey n'en était qu'à ses débuts. Encore un nom qu'il n'avait jamais entendu.

Avec ces individus, Dicey se sentait comme Ethan lors de leurs discussions nocturnes durant son séjour en prison : comme un citadin n'ayant jamais connu de voyage interstellaire. Comme un enfant à qui on apprenait de nouveaux mots, mais dont il n'en saisissait pas encore le sens.

Le Zantry remarqua l'absence du prisonnier et afficha un air surpris.

— Tu es un mercenaire et tu n'as jamais entendu parler de Kentoria ?

À ces mots, Dicey reprit ses esprits et répondit calmement.

— Je ne suis pas un mercenaire, je suis un pilote. J'effectue aussi des voyages officiels. Ainsi, j'ai principalement été contacté sur Saon, dans des bars ou dans des endroits peu fréquentés. Mais jamais je n'ai entendu parler de cette planète.

Il avait dit cela en faisant les cents pas, allant et venant, du bar jusqu'au canapé, afin d'indiquer qu'il s'adressait à tous, qui le fixèrent, étonnés par cette nouvelle. Seul le jeune pilote ne quittait pas le tableau de bord des yeux. Dicey le vit toutefois légèrement réagir à cette révélation. Après quelques secondes de silence, le grand Humain prit la parole.

— Kentoria est en quelque sorte la base des mercenaires. Ce n'est pas une planète, plutôt une plate-forme créée de toute pièce par les groupes les plus influents. Afin d'effectuer un travail propre, les compagnies ont construit Kentoria avec de la technologie Swatrozi. Elle est impossible à détecter pour ceux qui n'en connaissent pas les coordonnées.

La Swatrozi poursuivit l'explication en souriant.

— Ces pantins du Conseil pensent qu'un jour ils dénicheront notre cachette, mais ils en sont encore loin.

— Un tel trésor a bien dû tenter quelques mercenaires, non ? Personne n'a jamais trahi son gang pour alerter le Conseil ? La loyauté d'un mercenaire lambda est souvent aussi basse que sa capacité à réussir un tir précis.

— Les Ombres Pourpres ont bien évidemment pensé à cette éventualité. Pas pour nos agents, bien sûr, mais pour les autres. Aussi la base est équipée de réacteurs lui permettant de changer de région très rapidement. À la moindre suspicion de trahison, nous partons.

Dicey était fasciné par tant d'organisation, et étonné de voir que les mercenaires pouvaient ne pas être aussi écervelés qu'il croyait. Les agents des Ombres Pourpres le rendaient curieux, mais pour l'heure, il était beaucoup trop fatigué pour poursuivre la discussion, surtout s'il devait encore avoir affaire à des mercenaires une fois sur place. Il décida de garder le reste de ses questions pour plus tard, et se dirigea vers le couloir. Il se retourna soudain.

— Au fait, je pars avec un désavantage.

— Lequel ? Fit l'Humain gigantesque.

— Vous connaissez mon nom, mais j'ignore les vôtres. Si nous devons travailler en équipe, j'aimerais les connaître.

Le Zantry se présenta en premier, puis pointa du doigt les autres membres d'un air amusé. D'abord la Swatrozi, puis les deux Humains.

— Moi, c'est Shad, enchanté. Ici, Denita, aucun sens de l'humour. Là, Bergins, à ne contrarier sous aucun prétexte. Et le jeune pilote, c'est Simon. Demande lui d'infiltrer une machine et il te la fera apporter le café.

— Entendu, termina Dicey en tournant les talons.

Il grava leur nom et leur visage en continuant sa route. Au loin, il entendit la voix de Shad lui crier.

— Dernière porte à gauche, c'est pour toi.

Dicey sourit, puis se dirigea vers sa nouvelle chambre.

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