Chapitre 5 : Ma nouvelle famille

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Ça fait plusieurs semaines que j'ai été livré à "ma nouvelle famille". Nous sommes deux ici, mais nous ne parlons pas la même langue et c'est difficile d'échanger avec lui. Il est Corse sans doute. Contrairement à ce que je pouvais attendre, nous ne sommes pas battus tous les jours. Bien-sûr, les deux premiers jours ont été difficiles, je ne comprenais pas ce qu'ils attendaient de moi et ils n'étaient pas très patients. Maintenant que je sais quelles sont mes tâches c'est un peu plus facile, il faut juste que je les fasse avant qu'ils me les demandent et tout se passe bien.

Nous avons une chambre que nous partageons à deux. Le lit est confortable mais il n'y en a qu'un, ça n'est pas facile mais nous avons adopté un rythme: une nuit sur deux je dors dans le lit et la suivante je dors sur une couverture parterre, ça semble nous convenir à tous les deux. Nous avons le droit à deux repas par jour et nous ne mangeons pas exclusivement que leurs restes. Parfois, nous avons le droit de nous préparer un plat. J'ai peut-être eu de la chance, je ne sais pas, dans tous les cas je n'ai pas à aller risquer ma vie près des puits de pétrole, comme mon camarade de vie, où les taux de survies sont inférieurs à 20% d'après ce qu'on m'a dit. Pire, j'ai entendu dire que plus au sud, les "aides venus du nord" ont encore moins de chance et doivent vivre dans des mines afin d'en extraire je ne sais quel matériau jusqu'à ce qu'ils meurent et soient remplacés par d'autres. Ici, j'ai un toit, à manger, un travail pas très compliqué et je ne suis pas trop mal traité. Effectivement, je n'ai pas le droit de sortir seul, quand j'accompagne mon maitre je dois baisser la tête, ne regarder personne et juste faire ce qu'il me demande, mais ça n'a rien de trop dégradant. Après tout, tous les blancs sont traités comme ça ici.

Bref, ma vie est rythmée par les taches de la vie quotidienne. Je dois maintenir la maison propre, je dois accueillir les inviter, je dois faire à manger pour la famille, je dois m'occuper du jardin verdoyant et luxuriant, je dois aides mes maitres à faire leurs courses en transportant leurs achats, je dois porter les enfants quand ils sont fatigués, je dois être disponible à toute heure de la journée ou de la nuit, je dois protéger la maison, je dois couper du bois, je dois réparer les objets cassés, je dois servir le thé... je dois... Je dois... Je dois...

Effectivement, ça fait beaucoup de "je dois" quand je les liste comme ça. Et plus je regarde la liste, plus je me dis que ça n'est pas la vie dont je rêvais. Je n'ai pas non plus précisé que lorsque l'on sort avec mes maitres, les gens dans la rue me bousculent et me crachent dessus sans que personne n'intervienne. J'avais vu ces scènes plusieurs fois depuis la charrette, mais la vivre est vraiment quelque chose de dégradant. Pour le moment, je le supporte mais je ne sais pas si je tiendrais longtemps. Ce qui me fait tenir, c'est ce que je vous disais au début de ce texte, j'ai de la chance dans mon malheur, à la maison je suis en sécurité et je ne suis pas si mal traité que ça. Je n'ai pas vraiment de risque de mourir dans les prochains mois si je fais ce qu'on me demande.

Je vais aller me coucher, la fatigue me fait écrire un peu tout ce qui me passe par la tête sans vraiment être cohérent. J'essaierais d'écrire d'avantage sur ce que je vis dans les prochaines semaines.

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