Chapitre 13 - Un dîner presque parfait

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Quand je rentre, je me dirige vers la cuisine à la rencontre de ma mère. Tout un tas d’ustensiles et d’aliments sont installés sur l’îlot central. Pour la première fois depuis longtemps, elle est vêtue d’un tablier de cuisine. Elle ne prépare pas souvent à manger car Maria est là en semaine pour ça. Le week-end nous avons l’habitude de commander dans un bon restaurant.

Elle lève les yeux vers moi avant de quitter son poste. Je la regarde d’un air ahuri.

- Ah te voilà enfin ! s’exclame-t-elle d’un air joyeux.

Je ne suis pas habituée à autant de marques de bonheur de sa part. J’ai l’impression d’avoir une autre personne en face de moi.

- Que se passe-t-il maman ? Nous avons quelque chose à fêter ? je demande en prenant un tablier.

- Pas vraiment… répond-elle gênée. J’ai pensé à ce que Matéo a fait pour toi toute la nuit.

Je retiens mon souffle en entendant cela. Le sujet Di Angelo est très sensible dans cette maison.

- Je sais qu’il a empêché Alexandre de te faire du mal et pour cela je lui en suis reconnaissante. Je ne veux pas que quelqu’un te fasse du mal.

Elle marque une pause en se frottant le front du dos de la main.

- Comme beaucoup de personnes de mon entourage, j’ai trop vite jugé cette famille, reprend-t-elle en soupirant. J’ai envie de me rattraper et de les inviter à manger ce soir. Maria ne travaille pas aujourd’hui et j’aimerais que tu m’aides en cuisine. Matéo a démontré qu’il n’est pas une mauvaise personne et je veux me réconcilier avec les Di Angelo. Autrefois, nous étions très proches.

Eh ben dit donc, si je m’attendais à ça. J’en tomberais presque à la renverse. Je reste immobile quelques secondes.

Ma famille n’a pas pour habitude d’avouer ses torts. Décidément, depuis que Matéo est revenu, beaucoup de gens m’étonnent. Les évènements de la soirée ont dû les faire réfléchir à beaucoup de chose, notamment à ce qu’il se passe sous leur toit.

- Je suis contente que tu acceptes le retour de Matéo, je réponds simplement en attachant mon tablier dans le dos.

Durant plusieurs heures, nous préparons un gâteau ainsi que des vérines et un apéritif. Matéo et sa mère vont arriver vers dix-neuf heures trente. Nous mettons le poulet rôti au four puis nous préparons les pommes de terre.

Ma mère a les joues rougies par l’effort et des gouttes d’eau perlent sur son front à cause de la chaleur de la pièce.

- J’avais oublié à quel point c’était difficile de cuisiner, commente-t-elle. Maria est bien courageuse de travailler pour nous à son âge.

Notre cuisinière en chef fait le ménage et la cuisine. Elle a l’âge de ma mère mais n’a pas d’enfants ni de mari alors la plupart de son temps, elle le passe avec nous. Mes parents l’apprécient énormément et nous sommes comme une seconde famille pour elle. Maria s’est occupée de moi quand mes parents travaillaient car mes grands-parents étaient trop vieux pour ça.

- Nous aurons fini avant l’arrivée des invités, je mentionne en ouvrant les fenêtres pour dissiper la chaleur dégagée par le four. Où est papa ?

- Il est parti à la salle de sport, il ne devrait pas tarder à revenir.

En effet, quelques minutes plus tard la porte d’entrée s’ouvre sur mon père essoufflé.

- Je monte prendre une douche et je vous rejoins pour vous aider à mettre la table.

Ma mère et moi, nous commençons à discuter de la décoration à choisir.

- Tu as l’air tendue maman, je fais remarquer en sortant des assiettes en porcelaine du buffet.

- Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas eu un tête à tête avec Alma Di Angelo, explique-t-elle. Je m’en veux de l’avoir rejetée quand son fils est parti. Je n’aurais pas dû faire comme les autres idiotes du quartier.

Malheureusement, le départ de Matéo a perturbé beaucoup de monde. Ici, son départ signifie un manque énorme d’éducation de la part de ses parents et cela est mal vu par les familles. La réussite d’un enfant met en avant le succès familial. En cela, les enfants sont très importants chez les gens de notre rang.

- Ça va aller maman. J’ai bien cru ne pas réussir à l’appeler cette après-midi.

- Je pense qu’elle t’a pardonné, je la rassure. Essayons de reprendre à zéro.

- Nous avons tous besoin de reprendre depuis le début, ajoute mon père. Avec les gens du quartier et avec notre famille. Il faut construire de nouvelles bases solides.

Mon père arrive en tenue d’été et nous aide à décorer la table. Ma mère et moi finissons de préparer la composition des plats lorsque la sonnette retentie. Elle me lance un regard angoissé et je prends l’initiative d’aller ouvrir la porte. Ma robe rouge vole au rythme des courants d’air. J’ai à peine eu le temps de me changer.

- Bienvenue, je lance à Matéo ainsi qu’à sa mère.

Je suis contente de croiser à nouveau les yeux emplit de douceur de madame Di Angelo. Elle me fait la bise sur les deux joues tandis que Matéo m’étreint brièvement.

- Cette robe te va super bien, commente Matéo en me détaillant avec attention.

Je les laisse entrer dans le salon salle à manger pour saluer mes parents. Heureusement, aucun malaise ne survient entre eux. J’ai l’impression que c’est la première fois qu’ils se rencontrent.

J’aide ma mère à déposer les amuses bouches sur la table. Matéo a apporté une bouteille de vin qui est excellent. Les discussions sont animées et il n’y a aucun blanc dans la conversation.

Je suis en face de mon protecteur durant tout le repas. Il ne cesse de me regarder avec attention et le trouble commence à me submerger. Je n’aime pas être dévisagée de la sorte même par une personne familière. Matéo parle avec tout le monde et me pose beaucoup de questions sur ma vie à la fac.

Je m’éclipse quelques minutes en cuisine pour faire face au trouble qui m’envahit. Mon cœur bat à un rythme anormal depuis le début du repas et je n’ai ouvert la bouche que pour répondre à des questions.

Il y a quelque chose qui me dérange, qui est différent. Avec lui, je me sens bien et même après autant d’années passées, j’ai l’impression qu’il est le seul à me connaitre vraiment. Quand son regard me traverse, je me sens mise à nue. Matéo peut lire en moi comme dans un livre ouvert.

- Tu as un problème avec les desserts Valentina ? demande ma mère en entrant dans la cuisine.

- Non je vais couper le gâteau et faire une jolie présentation, je bredouille.

- Tu ne l’as pas encore démoulé ? s’étonne-t-elle. Tu étais encore en train de rêver.

Elle me prend le moule des mains et s’active à ma place.

- Il faut que tu sois plus dynamique, les invités attendent, me reproche-t-elle sans méchanceté.

Je pique un fard et je retourne m’asseoir à table. Je détourne avec précaution le regard vers les plantes pour ne pas avoir Matéo dans mon champ de vision.

Ma mère apporte le dessert et je mange en silence. Le malaise que j’éprouve depuis le début du repas se dissipe. Je pense que Matéo a compris qu’il m’intimidait car il ne me regarde plus.

J’aide à débarrasser la table lorsque ma mère entraine mon père et madame Di Angelo dans le jardin. Je me retrouve seule en cuisine en train de tout ranger dans le lave-vaisselle.

- Tu n’avais pas l’air dans ton assiette pendant le repas, mentionne Matéo en entrant dans la cuisine.

Je me raidis en cessant toute action. Je me retourne pour le regarder en face. Il a l’air inquiet et je préfère lui dire la vérité pour le rassurer.

- Tu me regardais avec des yeux étranges, j’explique. Personne ne m’a jamais regardé avec autant de profondeur.

- C’est juste que je te trouve très jolie dans cette robe. Je n’ai pas le droit de le penser ?

Son regard me transperce à nouveau et je me concentre sur le lave-vaisselle.

- J’ai peur que le traumatisme que tu as vécu t’empêche de vivre en paix, s’inquiète-t-il.

- Je suis très déçue du comportement d’Alex mais il ne m’a jamais violé. Néanmoins, je ne sais pas si j’arriverais à faire de nouveau confiance à un homme.

- Et en moi tu as confiance ? demande-t-il.

Je n’ai pas vu qu’il s’était autant rapproché. Mon cœur bat un nouvelle fois très vite.

- Ça fait des années que je te connais, bien sur que j’ai confiance en toi.

Il semble soulagé et me prend dans ses bras. Son contact électrise tout mon corps. Je n’ai jamais ressenti ça avec personne. Je profite de cette étreinte pour respirer son odeur si masculine.

L’histoire qui nous unit aujourd’hui avec Matéo me parait très différente. Nous avons plus qu’une relation amicale très fusionnelle et je doute de la fraternité de nos échanges, pour ma part en tout cas. J’ai presque l’impression qu’il n’est jamais parti mais dans mon cœur, il ne sera nullement mon grand frère.


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