Chapitre 6 - Les yeux dans les yeux

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Il s’approche de moi et je sens des larmes couler sur mes joues. Je suis véritablement très en colère mais la seule que je parviens à bafouiller c’est :

- Pourquoi ?

Matéo savait depuis le jour où il est revenu qu’il allait devoir s’expliquer. Je sais qu’il a préparé sa réponse avec attention parce qu’il parle sans ciller.

- J’ai été lâche de partir, commence-t-il sans buter sur les mots. Mais c’était nécessaire, je devais m’éloigner de mon père, c’était une mauvaise personne. Nous ne partagions pas les mêmes idées économiques et politiques. Je ne voulais pas le suivre dans ses plans pour l’entreprise alors il a menacé de me déshériter. J’ai complètement pété les plombs et je suis parti sans donner de nouvelles. J’ai tout fait pour que personne ne me retrouve.

Il me prend les mains et m’observe d’un air désolé.

- J’ai fait du mal à mère mais je sais que toi aussi tu as souffert, continue de se confier Matéo. Je regrette vraiment de ne pas avoir été présent ces dernières années. Je ne me suis pas comporté comme le frère que tu voulais que je sois.

Si seulement il savait ce que j’ai ressenti pour lui quand j’étais petite. Je ne savais même pas qu’à cet âge on était capable de tomber amoureux de quelqu’un de plus âgé. Matéo me domine de toute sa hauteur et je me sens faible. Mon cœur ne cesse de s’emballer en sa présence.

- Je ne sais pas comment me faire pardonner, dit-il en m’interrogent du regard.

- Tu n’aurais pas dû couper les ponts comme ça, je lui reproche d’une voix peu assurée parce que je suis intimitée par sa présence.

Je n’arrive plus à parler. Des sanglots me secouent et ma gorge se noue. Je sens que je vais éclater en sanglot. Je ne comprends pas pourquoi je n’arrive pas à accepter son retour ni à admettre ses explications.

Je préfère partir. Je fonce vers la porte en bousculant Matéo tête baissé avant de dévaler les escaliers. En moins d’une minute, je suis dans ma chambre. Heureusement, personne ne s’est aperçu de mon absence.

Je suis en pyjama dans mon lit et j’essaye de trouver le sommeil mais en vain. Je n’arrête pas de penser à lui. Il m’a tellement hanté dans mes rêves et coincé dans mon esprit, que son retour ne me parait pas réel. J’ai souhaité du plus profond de mon âme qu’il revienne et maintenant que j’arrive à l’oublier avec un autre, il revient.

Je trouve que le destin est un peu en train de se foutre de moi sur ce coup-là. De plus, j’ai l’impression de ne pas reconnaitre l’homme que j’ai connu. Il a énormément changé physiquement et mentalement. Matéo n’est plus aussi souriant ni doux comme dans le passé. Il semble plus endurci mais sa sincérité naturelle est toujours là ainsi que son côté protecteur. J’ai bien vu qu’il voulait se faire pardonner mais je ne sais pas si c’est ce que je veux. Depuis que je l’ai vu au bar, quelque chose a changé à l’intérieur de moi mais je ne saurais pas dire quoi.

Le téléphone que j’ai abandonné sur ma table de chevet sonne. Quand je le regarde je vois que j’ai un message d’Irina et cinquante mille textos d’Alex. Il commence vraiment à me courir sur le haricot celui-là. Je ne suis pas sa chose, je ne réponds pas sur commande.

***

Quand je me lève le lendemain, il est tard, la matinée va laisser place au soleil torride de l’après-midi. Je ne suis vraiment pas motivée pour cette journée. Après ma douche je décide de mettre une robe d’été à fleur avec des sandales en cuir. J’ai vraiment beaucoup trop de vêtements dans ce dressing, il va falloir que cet été je fasse le tri.

La sonnerie de l’entrée retentit dans la maison mais je n’y prête pas attention car c’est sûrement le facteur. Je descends les marches pour aller chercher un truc à manger dans la cuisine. Je vois que le repas est en train de cuire alors heureusement que Maria n’est pas là pour me taper sur les doigts. Je prends discrètement les biscuits dont je raffole avant de m’éclipser en douce sur la terrasse.

- Valentina ! appelle Maria à l’autre bout de la maison. Je t’ai entendu descendre, il a quelqu’un pour toi !

Je soupire avant de la rejoindre sur le pas de la porte. Je devais bien me douter que Matéo Di Angelo allait se pointer. Maria retourne s’occuper du déjeuner.

- Salut, commence-t-il gêné. Est-ce que je peux…

Je pousse un nouveau soupir avant de lui faire signe d’entrer. C’est la première fois que je le vois aussi hésitant. À moins qu’il ait changé, je l’ai toujours connu avec une assurance sans borne.

- Je suis venu parce que je n’ai pas fini de te parler hier soir, continue-t-il en s’asseyant sur le fauteuil en face de moi. Je ne pourrais pas rattraper le temps et faire comme si je n’étais jamais parti mais je veux essayer de construire une nouvelle relation avec toi. Être le grand frère que tu as toujours voulu, celui que j’étais avant de m’enfuir. Je sais que rien ne sera plus comme avant mais nous pouvons toujours essayer.

- Qu’est-ce qui me dit que tu ne vas pas filer à nouveau au moindre problème ? je demande d’un ton brusque.

Les sentiments étranges qui m’assaillent d’habitude en sa présence sont remplacés par de la colère pure et dure.

- Parce que j’ai compris que la fuite n’était pas la solution, avoue-t-il avec sagesse.

- Tu as quand même mis dix ans pour t’en rendre compte, je rajoute.

- J’ai appris beaucoup de choses en dix ans, approuve-t-il. Je ne peux pas effacer mon passé mais je peux construire un avenir meilleur.

Je le regarde en haussant les sourcils.

- Je veux me rattraper, dit-il avec sincérité. Je veux que nous redevenions comme avant. Tu étais jeune à l’époque mais tu étais mon rayon de soleil. J’aimais m’occuper de toi parce que nos parents ne profitaient pas de nous comme on le méritait.

Et comme une idiote, je n’ai pas pu refuser. Je m’étais habituée à son absence et maintenant, je suis prête à lui pardonner et recommencer comme avant. Le problème, c’est que rien ne sera plus comme avant. La belle époque comme on dit. Je devrais le rejeter et continuer ma vie sans lui puisqu’il n’en fait plus parti. Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? Ok, je crois que la curiosité me pousse à le faire. C’est le problème des gens intelligent, ils veulent toujours en savoir plus et tenter le diable. J’espère que je ne vais pas le regretter.

- J’accepte à une seule condition, je lui propose sans papilloter.

- Laquelle ?

- Je veux que tu me racontes tout ce que je veux savoir sur toi, je le défi. Je mérite de connaitre la vérité après un coup pareil.

- Tu as raison, dit-il en secouant la tête. C’est la moindre des choses.

- Promets-moi qu’il n’y aura plus de secrets entre nous, je lui intime en lui tendant la main.

- Je te le jure, répond-il avec conviction en me serrant la main.

Elle est beaucoup plus large que la mienne et mes doigts semblent si petits dans la sienne. Je retire vivement ma main d’un air gêné. Nous nous levons tous les deux pour nous mettre debout.

- Qu’est-ce que tu veux savoir ? demande-t-il en me regardant dans les yeux.

Je n’ai pas le temps de répondre car la sonnette tinte une nouvelle fois.

- Je vais ouvrir Maria, je lui indique en me précipitant vers la porte.

- Il est midi passé, le repas est presque prêt, me renseigne-t-elle depuis la cuisine.

Finalement, je n’aurais pas dû ouvrir la porte. J’aurais pu dire à Maria d’aller ouvrir et de dire que je n’étais pas là. J’apprécie Alex mais c’était la dernière personne que j’avais envie de croiser. Oui, je préfère croiser Matéo plutôt que mon petit ami depuis la soirée de Charlie.

- Pourquoi tu me snobes comme ça ? s’écrit-il avec colère. Je me suis excusé des centaines de fois et tu as dit que c’était clean entre nous.

- J’ai été occupé ces derniers jours, je réplique du tac au tac.

- Ah oui ? Et à quoi, je peux le savoir ? demande-t-il suspicieux.

- Eh bien…

- Et puis c’est qui ce mec-là ? hurle-t-il en fusillant du regard quelqu’un derrière mon dos.

- Désolé de vous déranger mais j’entends crier depuis le salon, s’excuse Matéo avec une fausse innocence qui ne lui ressemble pas.

- C’est Matéo Di Angelo, le voisin, je lui indique en me tournant quelques secondes vers l’intéressé.

Le regard d’Alex change du tout au tout et il observe mon invité d’un air supérieur avec un sourire carnassier en coin.

- Oui, je vois bien qui c’est, dit-il d’un ton cruel. On parle beaucoup de toi en ce moment. L’enfant déchu d’un père qui le haïssait.

- Alex ! je m’écris en le menaçant du regard.

Alex est jaloux mais je n’accepte pas qu’il parle comme ça à Matéo. Ce dernier est en train de serrer les poings de colère. Vu sa carrure, il pourrait assommer mon copain en moins de deux. Alex est vraiment inconscient et je déteste quand il utilise la provocation pour arriver à ses fins.

- Pourquoi tu le défends ? me reproche-t-il.

- Parce que je le connais depuis très longtemps, je lui réponds sans céder.

- Ne traine pas avec un homme couvert de déshonneur et de lâcheté Valentina. Si tu comptais vraiment pour lui, il ne serait jamais parti.

- Tu ne sais pas de quoi tu parles.

- Tu as raison, mais je sais que vous étiez comme frère et sœur. Ta mère a préféré bon de me prévenir.

- Et comme d’habitude elle se mêle de chose qui ne la regarde pas.

Alex recule vers sa voiture avant de me jeter un dernier coup d’œil.

- On s’appelle plus tard, dit-il avant de démarrer. Nous sommes toujours ensemble jusqu’à preuve du contraire.

Je ne dis rien et laisse la voiture s’éloigner en vitesse. Je n’ai vraiment pas de chance, le karma n’est vraiment pas avec moi.

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