Chapitre 8 : Le Bal de Noël (4)

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 Les élèves qui, impressionnés par la magie de Dumbledore, étaient restés dans leur position de petits cercles, se déplacèrent alors vers les bords, laissant béante une immense piste de danse.

 La main de Luna trouva celle de Cassius, qui frissonna sous la sensation de ce contact humain qu'elle avait oubliée, et ils marchèrent ensemble avec les autres champions vers le centre de la pièce. Les premières notes d'une musique douce et romantique s'élevèrent et Cassius se retrouva à danser avec Luna comme ils l'avaient fait tant de fois dans les couloirs.

 Et, cette fois encore, l'imprévisibilité de Luna frappa. Les gestes étaient familiers, le positionnement des mains, les déplacements de leurs pas, la tenue du corps, mais Luna dansait avec un rythme assuré et nouveau. Au début, Cassius eut du mal à la suivre. Ses premiers pas lui semblaient catastrophiques et il leva la tête. Il s'apprêtait à voir le reste de la salle en train d'essayer de cacher leur hilarité face à sa maladresse mais personne ne semblait avoir remarqué quoi que ce soit. Déjà, de nombreux couples s'étaient lancés avec eux sur la piste. Les autres aussi étaient bien trop occupés à s'inquiéter que les gens autour d'eux puissent remarquer tous leurs petits problèmes pour remarquer tous les petits problèmes des gens autour d'eux.

 — Tu ne devrais pas me marcher sur les pieds, Cassius, chuchota Luna. Tu sais, même avec trois paires de chaussettes spéciales Noël de chez Gaichiffon, je peux le sentir.

 En baissant la tête, Cassius se rendit compte qu'effectivement les pieds de Luna étaient emmitouflés sous d'épaisses couches de chaussettes, en lieu et place de chaussures.

 Son visage s'illumina d'un sourire. C'est ce détail qui le fit lâcher prise. Il réalisa qu'il s'était fait une priorité de gagner dans tous ses rôles et qu'il avait oublié de vivre pour lui-même. Sa mission pour Vous-Savez-Qui était finie pour le moment, il ne pouvait rien faire de plus. Alors il se laissa emporter par Luna, dansa comme s'il n'en avait rien à faire et ils s'envolèrent ensemble.

 À la fin de cette première musique, les Bizarr' Sisters entamèrent un air bien plus rythmé et Cassius eut l'impression de revenir sur Terre.

 Luna déclara qu'elle n'avait pas très envie de danser sur la nouvelle musique. Cassius vit Bletchley, Daphné et Millicent Bulstrode assis sur un des bancs disposés contre les murs, entourés par la bande des joueurs de Quidditch de Serpentard. Ils étaient tous en train de rire aux éclats. Cassius les rejoignit avec Luna et vit le sujet de leur amusement.

 — Éloigne-toi, étranger ! criait Vert Gallois.

 — Ce bois sera nôtre jusqu'à notre mort ! s'exclama d'une fierté feinte son compagnon.

 Les Botrucs de leur salle commune agitaient leurs doigts fins et longs comme des brindilles devant les yeux des étudiants qui avaient le malheur de ne pas être à Serpentard et de passer par là.

 — Dois-je lui crever les yeux ? demanda le deuxième Botruc à Cassius à propos de Luna, qu'il ne connaissait pas.

 — Nous sommes des experts en la matière, ajouta Vert Gallois en agitant ses doigts.

 — Je ne savais pas que les Botrucs parlaient, s'émerveilla Luna, sans se sentir menacée du tout.

 — Eh ! bien, il semblerait que nous, nous pouvons ! se vanta Vert Gallois en bombant le torse.

 — Eh ! bien, moi il y a des jours où je souhaiterais qu'il ne puisse pas, confia l'autre avec son air ronchon habituel, provoquant l'hilarité générale.

 Cassius était heureux de retrouver sa maison, sa maison telle qu'il l'avait toujours connue, vivace, vivante, unie. Il vit Pansy au loin, adossée à un mur, jouant avec l'ourlet de sa robe. Elle parlait avec Tracey Davis et était si directe et sûre d'elle, dans ses gestes, ses regards, ses paroles. Quelques secondes après, Davis repartit. Pansy perdit alors toute l'énergie de ses gestes, l'assurance de sa posture. Elle avait l'air seule. Pourtant, la détermination dans ses yeux persistait, elle regardait le sol avec une colère palpable jusqu'à l'autre bout de la salle, où se trouvait Cassius.

 Drago la rejoignit et elle se mit alors à lui crier dessus. Bientôt, la situation attira de nombreux curieux et Cassius et les autres Serpentard traversèrent rapidement la Grande Salle pour aller régler la situation. Au moment où ils atteignirent la limite de la foule qui regardait la dispute, celle-ci semblait s'être terminée d'elle-même. Tandis que Drago restait pantois et renfrogné dans son coin, Pansy partait dans la direction opposé d'un pas décidé et furieux vers les autres élèves, qui se dispersaient déjà.

 Et puis Pansy toucha Cassius. Il faillit ne pas le sentir mais, lorsqu'elle passa à côté du groupe des Serpentard, sans même les voir, son poignet, là où elle avait légèrement remonté sa manche en jouant avec, effleura involontairement le bout d'un des doigts du garçon.

 Ce contact eut l'effet d'une atroce décharge électrique dans tout le corps de Cassius. Pansy eut l'air de l'avoir ressenti aussi. Elle se tourna vers Cassius comme si elle venait de s'apercevoir qu'il était là. Tout le monde les regardait. Ils avaient dû crier. Pansy, elle, semblait avoir peur. Elle essaya de partir mais Cassius la rattrapa, pour lui demander ce qu'il s'était passé, et, lorsque sa main se posa sur son avant-bras, le reste du monde se désintégra.

 Des éclairs puissants jaillirent de partout et les élèves se couchèrent sur le sol en criant de peur. De gigantesques morceaux de givre leur pleuvaient dessus, qu'ils évitaient de justesse dans la panique générale. Cassius et Pansy hurlaient aussi, de douleur. Cassius ne la touchait plus mais la souffrance ne quittait plus son corps. Des centaines de lames semblaient le déchirer depuis le creux de son estomac. Pansy, elle, avait chuté sur le sol. Et tout le monde réalisa alors que les éclairs provenaient de son corps, qui tremblait sous les valves d'énergie qui en sortait. Cassius aurait pu jurer voir des larmes qui coulaient sur son visage qui hurlait.

 Les éclairs frappaient partout, brisant les vitres, brisant les verres, brisant les bancs, la glace, les pierres. Tout le monde courait vers la sortie mais les portes de la Grande Salle n'étaient pas assez grandes pour laisser passer tout le monde. On s'entassait, on se bousculait. On se piétinait.

 Parfois, dans un cri atroce, un élève était foudroyé et tombait sur le sol, inerte.

 Les professeurs les plus braves tentaient d'approcher Pansy, se protégeant comme ils le pouvaient face aux éclairs imprévisibles.

 La douleur de Cassius semblait se concentrer, il ne la ressentait plus dans le reste de son corps mais le creux de son ventre le faisait souffrir comme si un feu y brûlait de l'intérieur. Il respirait de plus en plus difficilement.

 Finalement, Dumbledore atteignit Pansy. Il posa sa baguette sur son épaule et, au bout d'un certain temps, il mit fin aux éclairs. La douleur dans le ventre de Cassius s'arrêta. Les autres professeurs rejoignirent Pansy, Mme Chourave la couvrit d'une veste épaisse et Maugrey tentait de maintenir ses bras qui tressautaient encore.

 Dumbledore se remit debout. Tous les regards étaient braqués sur lui. Alors, avec sa baguette dans une main, il leva les deux bras en même temps et toute la Grande Salle se mit à se réparer toute seule. Il se retourna vers ses professeurs et donna quelques ordres rapides.

 — Tout le monde retourne dans son dortoir, cria-t-il aux élèves. Si vous voyez quelqu'un de blessé, appelez un professeur.

 Ils obéirent instantanément. La foule continua de sortir à travers les grandes portes mais de façon bien plus ordonnée, tandis que les chuchotements remplaçaient les cris. Un peu partout à travers la Grande Salle, des élèves appelaient des professeurs pour qu'on aide leurs amis évanouis.

 — Warrington, comment allez-vous ? lui demanda Rogue en se dirigeant vers lui.

 — Ne vous inquiétez pas, répondit-il. Occupez-vous des autres d'abord.

 Au moins, il n'était pas évanoui. Pourtant, la douleur l'avait complètement détruit, il lui faudrait quelques minutes avant de se relever. Pansy pleurait, traumatisée. Même si Dumbledore essayait de mettre un terme au plus vite à ce qui venait de se dérouler, Cassius, lui, n'était pas prêt de l'oublier. Rien n'avait eu de sens durant ces dernières minutes mais il allait devoir leur en donner. Il voulut partir, malgré l'épuisement, mais à peine s'était-il remis sur ses jambes qu'elles le laissèrent tomber sur le sol à nouveau.

 — Cass-i-us ! cria Luna derrière lui.

 Il se retourna immédiatement. Les gens ne prononçaient que très rarement les trois syllabes de son nom distinctement. Généralement, c'était quand ils étaient très énervés. Elle le rejoignit sur le sol. Elle semblait plus inquiète qu'en colère.

 — N'oublie pas de respirer, lui chuchota-t-elle.

 — Je ne peux pas oublier de respirer, Luna, haleta-t-il, sinon je mourrais.

 — Non, je veux dire, les gens oublient tellement de choses, de regarder, d'écouter, de vivre. Maintenant, respire.

 Cassius écouta son conseil. Il laissa tout s'éloigner de son esprit et le calme y revenir. Lorsqu'il put marcher de nouveau, Luna l'accompagna le long des souterrains.

 — Je n'oublie pas de voir, dit Luna au bout d'un moment. J'ai vu comment tu regardais Pansy. Tu étais jaloux quand elle était avec Drago.

 Cassius fut soulagé d'être dans le noir. Luna ne pouvait pas voir son regard.

 — On devrait se séparer ici, dit-il. On ne peut pas vous montrer où est notre salle commune.

 — Je comprends.

 Et elle repartit dans la pénombre du couloir.

 — Luna ! appela Cassius juste avant qu'elle ne soit hors de portée de sa voix.

 — Oui ?

 — Comment tu fais, toi, pour ne pas oublier de voir, de vivre et tout ça ? demanda-t-il.

 — J'ai la chance d'avoir quelque chose qui me le rappelle constamment.

 Même dans le noir Cassius pouvait voir le sourire triste sur son visage. Elle se retourna. Et puis, juste avant qu'elle ne reparte en sautillant, Cassius put jurer qu'il l'avait entendue dire quelque chose.

 « La douleur. »

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