Chapitre 8 : Le Bal de Noël (1)

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 Les vacances arrivèrent avant même que Cassius ne s'en rende compte. Il avait accumulé un tel retard dans ses devoirs qu'il avait dû se laisser plonger dans une ambiance studieuse durant les dernières semaines. Les heures et les jours avaient défilé sous ses yeux dans une danse tout aussi monotone que celle des flocons qu'il regardait tomber à travers la fenêtre. La neige était en train de recouvrir de son manteau tous les endroits du château qu'elle pouvait atteindre.

 C'est alors que des grognements de mécontentement accueillirent les devoirs du professeur McGonagall et tirèrent Cassius de ses pensées.

 — Et je ne tolère aucune plainte, s'exclama la professeure. Vous avez choisi ces matières pour vos ASPIC, il s'agit désormais de votre avenir dans le monde extérieur.

 Il y avait trois parchemins à rédiger sur les limites et dangers de la métamorphose humaine. Cassius se plaignit d'une même voix avec toute la classe puis se dirigea vers la salle commune et, comme à son habitude, commença ses devoirs. Il passa la soirée et même une partie de la nuit à griffonner ses parchemins et à feuilleter ses livres à la recherche d'informations, tandis que la pièce se vidait petit à petit de ses occupants. Ce fut au moment d'aller se coucher que Cassius réalisa, seul au milieu de la salle vide, que venait de s'écouler la dernière journée de la dernière semaine avant les vacances.

 La routine que Cassius s'était imposée avait effacé de son esprit ses problèmes récents mais, lorsqu'il eut monté les marches de marbre jusqu'au dortoir et se fut allongé sous ses couvertures, l'un d'eux revint à lui. Il ne restait qu'une semaine avant le bal de noël. Et il n'avait pas de cavalière pour ouvrir le bal avec lui. Il s'endormit en s'imaginant danser seul au milieu des couples des autres champions. Il se demanda si Harry Potter avait trouvé une cavalière avant lui.

 Cassius était en train de tomber au-dessus d'un océan infini mais il ne pensait qu'au fait qu'il se sentait si seul. Quelque chose se brisa alors bruyamment sur sa gauche. Il tourna la tête et vit, sur l'eau qui était devenue solide, une statue de lui-même en morceaux dont la tête, qui seule avait été épargnée, lui faisait face, et il réalisa alors qu'il avait lui aussi heurté l'eau si violemment, et il avait si mal, et son corps décapité était éparpillé sous lui. Puis l'eau retrouva sa nature liquide et l'enveloppa d'une étreinte si forte que Cassius se réveilla, essoufflé, et sa première pensée fut qu'il ne voulait pas avoir à retourner dans un lac. À quelques centimètres de lui, les morceaux d'une lampe cassée se recollaient par magie.

 — Alfy est terriblement navrée, maître ! surgit alors une voix au centre de la pièce. Alfy est tellement maladroite, elle ne voulait pas vous réveiller !

 La tête d'une elfe de maison dépassait derrière le bout du lit de Cassius. Sans prendre la peine de réagir, il se résigna à se lever et à aller prendre son petit déjeuner.

 Juste avant de pénétrer dans la Grande Salle, Cassius s'arrêta au beau milieu du hall d'entrée. Cette pièce qu'il avait traversée quasiment tous les jours depuis des années et qu'il connaissait par cœur lui sembla, à cet instant-là, différente. Complètement désertée, si haute, si large, elle lui donna comme une sensation de vertige écrasante. Il frissonna. Il ne voulait pas avoir de doutes.

 Pourtant, il n'entra dans la Grande Salle que pour trouver Potter assis à la table des Gryffondor. Et c'est alors que, après des semaines évaporées où il n'avait ni fait savoir au jeune champion pour l'œuf d'or, ni réfléchi au problème de l'épreuve du lac, les pensées l'assaillirent contre son gré et tous ses problèmes revinrent à lui.

 Cassius s'installa à la table des Serpentard et tartina machinalement ses toasts tandis qu'il songeait à toutes ces choses qu'il avait tenté d'effacer de son esprit mais qui n'avaient été au final que repoussées. Le poids de ses responsabilités lui retombait dessus. Adrian s'installa à côté de lui à ce moment-là.

 — Salut, Cass !

 — Je n'ai toujours pas de tenue pour le bal, pensa Cassius à voix haute, n'évoquant par là que le plus simple de ses soucis.

 Adrian avait évidemment déjà reçu un costume de son père et Cassius ne s'était même pas embêté à prévenir ses parents de l'organisation d'un bal mais aucun des deux ne tenait à mentionner tout cela.

 — L'école prête des costumes pour ceux qui n'en ont pas.

 — Comment fais-tu pour être au courant de tout dans cet école ? s'interrogea Cassius.

 — C'est ma vocation ratée de préfet qui se révèle encore ! dit Adrian avec un sourire trop grand.

 L'année passée, Adrian avait été nommé préfet. Puis, en novembre, il avait rendu une visite à Dumbledore et s'était fait retirer cette responsabilité. C'était juste après ça que ses absences avaient commencé. Cassius en avait conclu que Dumbledore était au courant de ses sorties et qu'il était la raison pour laquelle aucun professeur ne lui en tenait jamais compte.

 Après avoir mangé, Cassius suivit Adrian hors de la Grande Salle et vers les souterrains. Ce dernier, comme à son habitude, promenait ses doigts sur la pierre. Et puis, contrairement à son habitude, il les posa sur un tableau, chatouillant une poire au milieu d'une coupe de fruits. Celle-ci se transforma en une poignée qu'Adrian activa et le tableau s'ouvrit sur toute une myriade d'odeurs alléchantes et gourmandes qui s'en échappèrent. Leur origine apparut bientôt sous les yeux de Cassius : il y avait derrière la peinture une cuisine aux proportions immenses, dont chaque mur scintillait, sur des dizaines de mètres, du cuivre des centaines et centaines de casseroles, poêles, marmites et autres ustensiles qui l'affublaient et, malgré la taille de la pièce, il y avait en tout endroit des elfes qui s'agitaient, s'affairaient bruyamment, faisant s'élever d'épaisses volutes de fumée vers le haut plafond.

 Face à la grandeur de cette cuisine, Cassius se sentit bête de ne s'être jamais demandé d'où venaient leurs plats. Il se mit à douter que sept années dans ce château étaient suffisantes pour en découvrir tous les secrets.

 Des elfes à l'air préoccupé n'avaient cessé de leur passer devant d'un pas pressé sans leur prêter la moindre attention. Et puis un visage fripé et grincheux se tourna vers eux.

 — Que voulez-vous, maître ? s'enquérit-il d'une voix grinçante.

 — La couturière, prononça simplement Adrian.

 L'elfe détourna alors sa tête, sans faire preuve de la moindre réaction à l'égard de ce que venait de dire Adrian.

 — La couturière, grommela-t-il à une autre elfe, sur un ton tel qu'on ne pouvait savoir si c'était une affirmation ou une requête.

 Cependant, la deuxième elfe eut l'air de comprendre et sautilla vers un autre de ses voisins pour lui demander la couturière, tandis que le premier attrapait le torchon sur son épaule et se mit à frotter des casseroles avec une énergie qu'on ne lui soupçonnerait pas. Enfin, de bouche en bouche, la couturière fut trouvée.

 — C'est moi, c'est moi ! couina une petite elfe qui se précipita à travers la foule de ses collègues, laissant tomber derrière elle son tablier et sa louche.

 Elle se dandina ainsi jusqu'à eux mais, à l'instant où ses yeux croisèrent ceux de Cassius, une grimace horrifiée traversa son visage et elle se laissa tomber sur le sol poussiéreux.

 — Mon maître est toujours fâché contre moi ! sanglota-t-elle désespérément. Oh maître, Alfy est terriblement désolée...

 Tous les elfes semblaient s'être figés dans leur tâche pour la regarder. Elle était allongée sur le ventre, levant seulement sa tête inondée de larmes et ses mains enlacées.

 — Fâché ? s'interrogea Adrian.

 — Je ne suis pas fâché ! tonna en même temps Cassius à l'elfe.

 Au son de leur voix, tous les elfes semblèrent réaliser ce qu'ils étaient en train de faire et ils se remirent au travail.

 — Fâché pour quoi ? insista Adrian.

 — Alfy est tellement navrée ! bégaya-t-elle entre ses pleurs.

 — Je ne suis pas fâché, ce n'est rien, répondit Cassius à Adrian.

 — Ce n'est rien ?

 — Alfy ne voulait pas, maître, Alfy ne l'a pas fait exprès ! continua-t-elle à se lamenter.

 — Non, ce n'est rien, répéta Cassius.

 — Ce n'est rien, Alfy, Cassius n'est pas fâché, susurra Adrian. Nous sommes là pour autre chose.

 — Oh, vraiment ? renifla Alfy.

 — Oui, nous sommes là pour les costumes, expliqua Adrian.

 Avant qu'il ne finisse sa phrase, Alfy avait sorti un mouchoir en tissu d'une de ses nombreuses poches et soufflé bruyamment à l'intérieur dans un bruit ridicule qui couvrit totalement la voix d'Adrian.

 — Excusez-moi, maître, je ne vous ai pas entendu, dit-elle après avoir fini, comme si cela n'était pas évident.

 — Nous sommes là pour les costumes, répéta-t-il.

 Alfy émit un cri de joie strident et son visage s'illumina d'un grand sourire, ce qui avait l'air très étrange sur ce corps encore allongé à plat ventre sur le sol. D'un bond, elle se remit sur pied et courut hors de la cuisine. Les deux garçons durent trottiner pour la suivre dans les escaliers et les couloirs qu'elle traversait. Elle s'arrêta finalement à côté d'une petite porte du quatrième étage, baissant la tête humblement pour les laisser passer en premier.

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