Chapitre 1 : Le Champion (3)

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 Quelque chose interrompit ses pas et ses pensées. Ou plutôt quelqu'un. Là, à côté de la salle de métamorphose, appuyé sur une colonne, dos à la cour, se tenait Adrian Pucey, son meilleur ami. Il avait ce visage innocent qui inspirait toujours la sympathie (du moins à ceux qui n'avaient pas remarqué son insigne de maison), entouré de mâchoires légèrement marquées et creusé au coin des lèvres par de perpétuelles fossettes que l'on ne pouvait pourtant pas s'empêcher de remarquer à chaque fois qu'on le regardait.

 Cassius fut plus que surpris de le trouver là. Depuis le week-end de la sélection des champions, il avait tout simplement disparu. Il lui arrivait souvent de partir et de revenir un jour, deux jours plus tard, voire plus, mais jamais il ne s'était absenté aussi longtemps. Il n'avait toujours pas entendu Cassius arriver. Ses yeux verts fixaient avec avidité le mur en face de lui comme s'il s'agissait du mur le plus intéressant du monde et ses fines lèvres formaient une ligne mystérieuse qui lui donnait à la fois l'air heureux et accablé. Ce visage troublant, il l'affichait à chaque fois qu'il était plongé dans ses pensées, ce qui, tout comme ses absences, lui arrivait de plus en plus souvent depuis l'année dernière.

 Cassius continua d'avancer en faisant un maximum de bruit avec ses pieds et Adrian se tourna finalement vers lui. Son expression absente s'effaça instantanément de son visage et il n'en resta aucune trace, à part dans la mémoire de Cassius. Sans ça, il n'aurait jamais pu croire qu'elle s'y trouvait quelques instants auparavant. Adrian était redevenu le garçon énergique et rassurant qu'il était d'habitude. Ils repartirent ensemble, sans savoir où ils allaient, chacun suivant l'autre. Adrian faisait courir ses doigts sur les murs, comme il le faisait toujours, et leurs pas hasardeux les menèrent dans le parc. Ils marchaient sans dire un mot. Parfois, Adrian pouvait se révéler silencieux et, dans ces moments-là, Cassius ne ressentait aucun besoin de combler les blancs. Pour autant, cela ne les empêchait pas de pouvoir se comprendre.

 Les jours frais de l'automne étaient arrivés et le soleil avait perdu de sa chaleur. Au-dessus du parc désert, le ciel avait l'air d'une peinture qu'on pouvait toucher du bout du doigt. Ici, on se sentait autre part, comme si on pouvait laisser le monde derrière soi. Cassius et Adrian s'assirent sur des rochers, face à face, jambes croisées sur la pierre, tels des naufragés au milieu de rien. Malgré le vent et le froid qui s'insinuaient dans leurs vêtements, ils s'y sentaient comme s'ils avaient toujours été destinés à être ici et qu'ils étaient destinés à être ici pour toujours. C'était en quelque sorte la magie de Poudlard. N'importe quel endroit, à n'importe quel moment, pouvait vous faire sentir à la maison.

 — Je suis désolé de ne pas avoir été là à ta sélection, s'excusa Adrian.

 — Ce n'est rien.

 Il n'y avait aucune amertume dans la voix de Cassius. Il était sûrement la seule personne à avoir compris pourquoi Adrian était si souvent absent, même s'ils n'en avaient jamais parlé. Et, pour lui, ce n'était réellement rien.

 — Ça devait être quelque chose de voir ton bout de parchemin craché par une coupe enflammée !

 — Oh, j'ai l'habitude ! s'exclama Cassius en laissant échapper un rire.

 Il s'interrompit rapidement, comme si l'ambiance austère de ce début de novembre ne pouvait laisser place à la joie. Derrière Adrian, Cassius voyait se dessiner dans la brume la silhouette du terrain de Quidditch. Même s'il était loin d'être aussi bon qu'Adrian, il avait joué dans l'équipe de Serpentard l'année précédente et ce sport lui manquait.

 — Cassius ?

 — Oui ?

 — Quand tu auras besoin d'aide, je serai là.

 — Je sais.

 Bien sûr qu'il serait là, ils étaient Serpentard et les Serpentard se serraient toujours les coudes. Cassius sortit sa baguette.

 — Avis ! prononça-t-il en répétant le geste avec précision.

 Quelques plumes jaillirent de sa baguette dans un petit bruit d'explosion. On aurait dit que sa baguette avait éternué des plumes. Ressaisis-toi, Cassius. Il continua à s'entraîner tandis que le jour commençait à s'évanouir.

 — Et Potter ? demanda Adrian. Tu sais comment il a fait ?

 — Y a-t-il au moins quelqu'un qui le sait ?

 — Ouais, j'en doute aussi.

 Un oiseau commençait à apparaître au bout de la baguette de Cassius. On aurait dit une créature en papier plutôt qu'une vraie bête sauvage. Cassius visualisa dans sa tête le bec et les ailes qui lui manquaient.

 — Qu'est-ce que tu sais à propos de la première tâche ?

 — Pas grand chose.

 — Et tu sais comment tu vas... affronter tout ça ?

 À vrai dire, il ne savait pas.

 — Avis ! chuchota-t-il dans une dernière tentative.

 Un oiseau apparut finalement entre eux et les surprit tous les deux. Il était plus grand que ce à quoi ils s'attendaient et avait le plumage aussi noir qu'un corbeau. Quand il tourna la tête vers eux, ce qu'ils virent leur donna la chair de poule. Cet oiseau n'avait pas d'yeux. Pourtant, Cassius était sûr qu'il le fixait. Il échangea un long regard avec cette créature aveugle, jusqu'à ce qu'elle ne déploie ses ailes et prenne son envol. Bientôt, elle ne fut plus qu'un point à l'horizon et Cassius se sentit aussi petit que cet animal.

 Parce qu'il ne savait pas. Non, il ne savait pas comment il allait affronter tout ça.



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