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Bout d'un bout de chapitre. Toujours aussi dur de se lancer dans les choses sérieuses :/ J'essaie de me motiver :) Toute aide est la bienvenue.


Ana.



À moins d’une demi-heure du lancement de la parade, le Médaillon et ses alentours étaient en effervescence. Les cotillons éclataient à tous les coins de rues, crachant pêle-mêle serpentins et confettis. Mille étendards flottaient au vent. Il en était pour chaque province, pour chaque Maison.

Une file d’attente de longueur vertigineuse situait l’entrée principale Ouest qui avalait lentement mais surement les spectateurs. Une autre, presque aussi importante, pointait vers la billetterie où se vendaient les dernières places.

Jouissant du luxe confortable de deux sièges réservés en loge, Madame Vassaret et sa fille avançaient sereinement vers la porte sud pour y être accueillies en invités d’honneurs. Elles devaient ce privilège à un élan de générosité de Léopold que Denève trouvait suspect, son amant n’ayant pas coutume de l’avoir pendue à son bras en public. Priver Aline d’une telle opportunité sous un léger prétexte ne lui paraissait pourtant pas concevable.

— Voici le foyer, présenta le garde qui les escortait. Il lie toutes les loges. La vôtre porte le numéro quatre. Vous y trouverez tout pour votre agrément.

Il disposa, supplanté par un serveur en livrée venu offrir à boire. Madame Vassaret déclina ; elle tenait à voir celui à qui elle devait sa présence avant de se mettre à l’aise.

— Là-bas, repéra Aline, je vois Monsieur Makara.

Elle désigna à sa mère la réunion de cinq hommes parmi lesquels Léopold se tenait.

— Tu as l’œil, observa Denève. Et le mot juste.

— Que voulez-vous dire ?

— Je veux dire que tu ferais tourner plus d’une tête en appelant le nom de Makara en cette direction. Si je ne m’abuse, l’homme en chaise roulante est le duc de Calême, Archibald Makara. Celui à sa droite est Claud Makara, le vicomte d’Orge-roux. Les deux garçons avec eux doivent être de petits cousins ou des neveux.

— Vous ne les avez jamais rencontrés lorsque vous sortiez avec le baron ?

— Léopold est professionnellement ennemi des réunions de famille. Il voit ses parents aussi peu que possible, sans mêler ses amis à leur société.

— Faut-il quand même aller les saluer ?

— Puisque nous les avons vu, nous n’avons pas de raison de les ignorer.

Armée de son port le plus altier et de sa voix la plus claire, Denève avança, précédant sa fille, pour engager la conversation. Très vite, Léopold la relaya pour conduire les présentations. Les deux jeunes hommes que Denève n’avait pas pu nommer s’avérèrent être Armand et Edmond Makara, les fils du vicomte. Âgés respectivement de dix-neuf et quatorze ans, le premier profitait de ses dernières lunes de liberté avant de s’enrôler tandis que le second, futur consacré, s’initiait au monde des collectionneurs.

— Mes félicitations, Messieurs, les applaudit Denève. Vous honorez votre Maison.

— Ils essaient, asséna Claud en jetant sur ses fils un regard acerbe. De la tentative au succès, le pas n’est pas encore franchi.

Les deux garçons ne sourcillèrent pas, sourd au reproche qui leur était adressé comme au compliment qui l’avait précédé. Le sérieux voilait leurs yeux pareillement bleus d’un voile infiniment lourd qui abimait leur jeunesse. Inconsciemment, Denève resserra son bras protecteur autour des épaules de sa fille.

Un rire guttural prolongé dirigea l’attention générale vers le doyen dans son fauteuil. Archibald avait le cheveu plus gris que noir et la barbe presque entièrement blanche. Ses traits n’étaient pourtant pas tout à fait ceux d’un vieillard. De fait, il entrait dans sa soixantième année sans souffrir de véritable injure du temps. Son infirmité était celle d’un vétéran blessé, non celle d’un oisif hors d’âge. Ce qui n’expliquait pas son amusement.

— Madame Vassaret, articula patiemment le doyen. Nourrissez-vous quelque intérêt sérieux pour notre caste ?

— Je vous prie de le croire. Ma fille aspire à devenir Collectionneuse, aussi ai-je à connaitre le sujet.

— Folle jeunesse, fit Archibald sur le même ton languissant. De mon temps, la Collectionneuse n’était que l’épouse du Collectionneur. Toujours est-il que si les bases de notre culture vous sont acquises, vous ne devriez pas vous vexer en entendant mon frère vous contredire. Pour honorer une Maison, il faut y faire entrer du bien ou de l’éclat de façon significative. Malheureusement, de nos jours, les enfants qui naissent sous nos girons sont autant de trous dans nos bourses. Ils peinent à s’illustrer et il s’agit de dépenser des mille et des cent pour seulement leur épargner la disgrâce.

— Pardon de ne pas tomber d’accord avec vous, mais je ne place ordinairement pas la disgrâce à portée d’un enfant de quatorze ans.

— Comme vous êtes femme, s’esclaffa Claud.

— Le compliment me va droit au cœur, assura Denève. À l’occasion, je puis peut-être vous donner des cours ?

Le sourire du vicomte se teinta de mépris. Il appliqua une tape hypocritement amicale sur l’épaule de Léopold.

— Monsieur le baron, vous vous êtes trouvé une fameuse drôlesse, le félicita-t-il. Une veuve de belle manière et de petite vertu dotée d’autant d’esprit que votre sœur et d’autant cœur que votre mère. Voilà tous vos fantasmes inavouables assouvis.

Léopold lui opposa froideur et flegme. Son absence de réaction créa un vide dans la conversation que l’aîné des neveux se décida à remplir de banalités honnêtes pour alléger l’atmosphère. Il évoqua le souvenir vieux de trois ans de sa propre consécration, excitant la nostalgie de son plus vieil oncle ajouta son point de vue au récit. Léopold prit la tangente inverse en ne s’exprimant que pour excuser son départ.

Ses invitées et lui gagnèrent leur loge, pièce intime sans être étroite meublée de quatre fauteuils matelassés et d’une table, prise à la mesure de quatre plateaux et deux cruches.

— Yue se joindra à nous après son passage sur scène, informa Léopold. Il se peut que son fabuleux l’accompagne.

— Oh, ainsi le sujet est clos ?

— Quel sujet ?

— Vous auriez pu me préparer à l’accueil que devait me réserver vos aînés.

— J’aurais voulu pouvoir m’y préparer moi-même. Aux dernières nouvelles, Claud n’était pas rentré de campagne et Archibald répétait à qui voulait l’entendre que les expositions pour mineurs n’étaient que d’immenses farces auxquelles il n’assisterait pour rien au monde.

— Il a si mauvaise oignon d’un évènement qui fait déplacer Sa Majesté l’Empereur en personne ?

— Sa Majesté s’astreint à un certain nombre d’apparitions publiques. Sa présence n’est gage de rien.

— Soit, mais vous même dites rien de ce que je veux savoir. Pourquoi sont-ils ici si ce que vous avancez est vrai ?

— Enfoncer des clous rouillés dans la blessure infligée l’an passé à mon égo, je suppose. Il est questions des créatures qui ont détruit mon cirque.

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