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Bonsoir Amis Lecteurs ! En ce moment, je bosse beaucoup. Genre beauuuuucoup. Je commence mon mémoire d'archicture cette année et je me sens assez déconectée de ce que j'écris en loisir, notament le CIrque des Chimère, alors n'hésitez pas à me dire si vous trouvez la texte plat ou que sais-je du genre et si vous voyez un moyen d'arranger les choses ^^

Les structures acier sont nos amies.

Cordialement, Ana F.

Cha obéit la première. Bard, perdu dans ses pensées, ne fit de même que par mimétisme, une seconde trop tard pour que son inattention ne passât inaperçu. Le baron le tança du regard.

— Je vous demande pardon, Mestre, s’excusa la fabuleux.

— Je te le refuse, sentencia Léopold. Tu te dois de faire attention au moindre de mes mots et au moindre de mes gestes.

— Entendu.

L’attention du baron s’était reportée sur la sang-mêlé. Cha avait meilleure mine qu’à l’accoutumée. Le tailleur, le coiffeur et l’esthéticienne y étaient pour beaucoup. Leurs prodiges n’avaient pourtant pas suffi à la dégrossir au point de la faire passer pour une véritable dame de compagnie. Physiquement, Léopold avait toujours trouvé la jeune fille très banale, sinon laide. Sa peau blafarde, sa taille courtaude, son front trop large, ses dents écartées, son léger strabisme… la somme de ses défauts l’excluait des canons de beauté classiques. Sa gaucherie ne l’arrangeait pas.

Le mestre ne la destinait à rien de particulier. Tôt ou tard, il prévoyait de se débarrasser d’elle.

— Natacha.

Il prononçait si rarement ses trois syllabes que l’interpelée en eut des sueurs froides.

— Je ne m’encombre de toi ici que pour faire plaisir à Yue. Il est dans ton intérêt qu’elle soit toujours d’aussi bonne humeur que possible. Si tu avais le malheur de la contrarier, de l’attrister, de la mettre en colère, ou de nuire à son moral de quelque façon que ce soit, j’en m’en prendrais à ton intégrité physique très au-delà des sillons que peuvent creuser le fouet. Ai-je été clair ?

— Très clair, Mestre.

— Comptes-tu me poser le moindre problème ?

— Non, Mestre.

— Tu m’as déçu plus d’une fois avant aujourd’hui. J’espère que tu te rends compte que chaque nouvelle chance que je te donne est potentiellement la dernière.

Elle opina, la gorge trop nouée pour parler davantage. Makara lui scruta le visage avec minutie. Il y cherchait une trace de colère, de révolte, de dégoût ; un vecteur quelconque d’insubordination. Rien. Cha était trop lâche pour être ouvertement dissidente.

Léopold n’était pas seul à étudier les traits de l’adolescente. Bard l’observait aussi, discrètement, pensait-il.

— Le sol, indiqua le mestre pour lui remettre le regard à la bonne place.

Le fabuleux fixa intensément la jointure de parquet entre ses chaussures : les fameuses bottes en cuir de basilic que Cha lui enviait et lui reprochait tant.

— Toi, comptes-tu me poser problème, Benabard Makara ?

Il ne s’était plus entendu appeler de la sorte depuis des lunes ; des lunes qui lui paraissait des années. Le saisissement le suffoquait.

— Non, Mestre, finit par réciter d’une voix saccadée.

Le coup s’abattit sans sommation. La douleur foudroya Bard lorsque le revers s’abattit sur son visage. Déporté de trois pas, le fabuleux contint les larmes de douleur et d’humiliation qui lui inondait les yeux. Son mestre… Non. Son oncle venait de la frapper.

— Je ne crois pas t’avoir adressé la parole, Bard, reprit Léopold. Dans un moment d’égarement je croyais parler à mon neveu. Malheureusement, mon neveu est mort.

Le baron délassa ses doigts engourdit par l’impact sous le regard interdit du fabuleux qui peinait à reprendre ses esprits.

— Tu es un fabuleux du nom de Bard, et rien d’autre. Oublie-le encore une fois et je défigurerai ta forme humaine au point que ma propre sœur ne puisse plus jamais la reconnaître ! Tu es là pour servir de monture, sinon de serviteur à Yue. Ton existence n’a aucune autre valeur que celle que te donne cette position. Si quelqu’un de ma famille ou de mes amis te confonds avec mon défunt neveu, tu seras prié de le détromper au plus vite. J’ai souffert trop d’affronts depuis la perte de l’Héliaque pour tolérer qu’un misérable de ton espèce entache davantage mon blason !

Le baron ponctua son invective d’un geste grave qui fit craindre un nouveau coup à Bard. Le garçon apeuré se protégea instinctivement le visage. Les insultes les plus dégradantes passèrent par le regard du mestre.

— Encore une chose. Ta petite querelle enfantine avec Yue va devoir cesser. Retourne dans ses bonnes grâce comme tu pourras, mais je te logerai à la même enseigne que Cha si, par ta faute, l’humeur de ta partenaire vous empêche d’être performants sur scène.

Les deux adolescents ne revinrent pas sur les paroles du mestre. Ils n’en eurent ni le temps, ni l’énergie. Alignés en retrait, ils tâchèrent professionnellement de faire oublier leur existence, allant jusqu’à s’occulter l’un l’autre.

Les mestres déjeunèrent au Flamant Bleu et leurs serviteurs au sous-sol du même établissement, en compagnie d’autres esclaves. La cohue trisannuelle engendrée par l’Exhibition n’en était qu’à ses balbutiements, laissant les rangs de tables clairsemés.

Un silence mortifiant régnait en la salle basse. Revoir la lumière du jour après deux heures passées dans cette crypte ébranla toutes les perceptions de Bard. Le ciel lui parut subitement trop bleu, l’air trop léger, le monde trop grand…

Cette distorsion étrange lui habita le regard jusqu'aux porte de l'arène où le baron les abandonna pour leur première journée de répétition. Les dimensions titanesques de l'édifice lui donnèrent le vertige. Y pénétrer lui fit simultanément craindre le vide et l’enfermement. L’entrée sud les jeta au bord d’une interminable mare de sable cristallin, piégé dans l’alcôve d’une ceinture de gradins, encastrés dans l’azur des cieux. Au même moment, la porte ouest déversait sur le cercle un flot ininterrompu de créatures humaines et animales, encombrées de tissus colorés et de pièces mécaniques, poussant des caisses, tirant des cages… L’espace sembla rapetisser à mesure que la foule grossissait.

— Il faut que je me change et que Bard se transforme, décréta Yue avec assurance. Ensuite, il faut trouver les autres voltigeurs. Je crois qu’il y en a un, là-bas.

La fillette désigna à sa suite une wyverne sanglée et muselée.

— Natacha va m’aider à m’habiller. Ephrèn s’occupe de l’équipement de Bard. Félicie va écrire nous inscrire au registre.

Yue ne s’attarda pas, entrainant une Natacha crispée dans son sillage. Bard eut un pincement au cœur. En incitant Yue à prendre la sang-mêlé dans sa suite, il espérait qu’elle lui FÜT assignée. Il fallait pourtant que l’aide de la fillette soit une femme. Félicie étant la seule habilitée à manipuler de l’argent et remplir des documents officiels, les rôles s’étaient naturellement répartis en la défaveur de Bard.

— Presse-toi, lui intima Frèn. Je suppose que tu ne tiens pas à ce que trop de personnes voient ton visage humain.

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