24.1

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— Isaac ? l’interpella Gerane, un sourire forcé dans la voix. Je peux te parler une minute, s’il te plait ?

Adossé à sa maisonnette, le petit garçon lui jeta un regard oblique en ramenant ses jambes contre son buste.

— Je regarde les étoiles, fit-il remarquer en retournant à son activité.

Légèrement haletante après son ascension du talus, l’huldra peina à contenir un soupir agacé.

— Soit. Je suis désolée de t’interrompre, mais c’est important. Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, mon codétenu s’est volatilisé et je suis certaine que ce n’est pas normal, alors même que je pratique les arcanes depuis des décennies.

— Dragon m’a dit de l’ignorer.

— Pardon ?

— Dragon m’a dit de l’ignorer, répéta-t-il, alors ce n’est pas grave s’il est parti.

— Qui appelles-tu Dragon, exactement ?

— Ma grande sœur.

— Tu veux dire Yue ?

— Comment vous… ? Oui. Yue, abdiqua Isaac. Elle a dit que Bard était stupide et qu’il fallait l’ignorer. Alors je l’ignore, même si c’est aussi un dragon, maintenant.

— Que… ? Intéressant. Est-ce que tu prends toujours au mot tout ce qu’elle te dit ?

Isaac replia un peu plus ses genoux contre son buste et enfonça son visage entre ses bras croisés.

— Vous vous moquez encore de moi, gémit-il.

— Je ne me moque pas, le détrompa Gerane. J’essaie de te faire réfléchir. Est-ce que tu penses vraiment que lorsque ta sœur t’a demandé d’ignorer ce garçon, elle t’ordonnait de faire comme s’il n’existait pas pour toujours ?

— Je ne sais pas. Peut-être.

Tout en veillant à maintenir la distance de sécurité nécessaire pour ne pas affoler le golem, Gerane s’assit près d’Isaac pour mieux en être entendue.

— Écoute, souffla-t-elle en cherchant ses mots, si les choses s’étaient passées un peu différemment avant ta naissance, avant celle de tes parents et même avant la mienne, je n’aurais rien eu d’autre à faire que de te consacrer tout mon temps et toute mon énergie, de sorte que tu ne te retrouves jamais livré à toi-même. Mais les choses sont ce qu’elles sont et j’ai déjà un jeune homme à accompagner sur une voie périlleuse, un ogre à diriger, une adolescente trop énergique à canaliser et la menace d’une guerre à contenir. Je ne peux pas passer ma vie à te tenir compagnie.

Isaac releva la tête, interloqué par cette dernière phrase.

— Inconsciemment, reprit l’huldra, tu as très envie que je reste parce que, même si on t’a fait croire que je te voulais du mal, tu trouves ma présente rassurante. Ce sont ma nature et la tienne qui l’exigent.

— Ce n’est pas vrai ! protesta Isaac.

— C’est vrai, et ce sera vrai jusqu’à ce que tu deviennes aussi grand que Violette, ou un peu plus. Mais tu es si petit, pour l’heure, que tu portes encore l’odeur du lait de ta mère. Ton empreinte et la sienne se ressemblent à s’y méprendre.

— Je veux que vous me laissiez tranquille !

Gerane sourit.

— Bien sûr que non, tu ne veux pas.

À pas furtif de renarde, elle réduisit à néant la distance qui les séparait, et sans que le golem n’esquissât le moindre geste pour l’en empêcher, elle l’étreignit maternellement.

Quelques secondes s’écoulèrent en hébétude pour le petit garçon. Enfin, il sentit le besoin de rendre son geste à l’huldra, avec toute la sincérité de son jeune cœur.

— Soit raisonnable, Isaac. Il faut sortir d’ici, maintenant. Tous les deux.

— Mais… je dois attendre un signe, s’obstina-t-il.

— Considère que je viens de te le donner.

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