13.2

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Golem se reforma pour se mettre au garde-à-vous devant Isaac. Le petit garçon déglutit.

— Je vais aller voir, décida-t-il.

— Tu veux que je vienne aussi ?

— Non, je… Non. Repose-toi.

Isaac et Golem n’eurent pas à chercher longtemps l’intrus pressenti. Sa silhouette couchée sur la plaine en contrebas se détachait distinctement de l’herbe verte. Leur approche ne la fit pas réagir.

Un frisson parcourut Isaac lorsqu’il la reconnut. Instinctivement, il rabattit sa capuche pour dissimuler son visage.

— Vous… vous dormez ? hasarda-t-il.

Gerane battit fébrilement des paupières, fixa le ciel, puis tourna la tête de droite à gauche, confuse.

— Vous êtes réveillée ? reprit Isaac.

— Je ne devrais pas être ici, haleta-t-elle. Ce n’est pas mon…

Elle tenta de se lever. En un instant, un vertige la rejeta sur l’herbe. Son état de faiblesse rassura le petit garçon. Néanmoins, il ne baissa pas sa garde. Sa mère et son grand-père l’avaient trop bien prévenu contre Gerane et ses pouvoirs pour qu’il cédât aussi facilement à la tranquillité en sa présence.

— Qui es-tu ? l’interrogea-t-elle. Où sommes-nous ? Où est le dragon ?

— Je peux pas vous le dire. Vous, vous devez partir. Maintenant !

Gerane se mit en position assise, se donnant toute la contenance possible.

— Inutile de crier, je ne suis pas sourde.

Sa voix avait gagné en assurance. Gerane venait de comprendre qu’elle avait affaire à un enfant.

— Dis-moi plutôt qui tu es et où nous sommes, insista-t-elle. Le tracé de cet arcane ressemble à s’y méprendre au mien. Qui en est l’auteur ? Cette personne et moi sommes forcément liées par l’apprentissage.

Penaud, Isaac se tritura les doigts.

— Tu es seul ici ? l’interrogea-t-elle encore.

— Non, vous êtes là.

Gerane poussa un soupir amusé.

— Petit raisonneur… Soit. Je vais chercher mes réponses seule.

Joignant le geste à la parole, elle enfonça les doigts dans la terre humectée pour y déployer ses sens. Le pouls d’Isaac s’accéléra. Répondant à ce mouvement d’humeur, Golem se désagrégea. Ses pierres roulèrent avec vélocité pour encercler Gerane, puis l’enserrèrent avec force.

Elle jeta un faible râle.

La peur de la blesser fit tressaillir Isaac, sans que cela ne fit vaciller l’esprit des pierres. L’étreinte du golem se resserrait tout autour d’elle.

— Arrêtez de vous débattre ! la supplia-t-il.

Dans son agitation, il leva précipitamment la tête. Rabattu par un coup de vent engouffré dans son habit, sa capuche lui tomba sur les épaules, révélant son visage. Son regard croisa celui de Gerane. L’huldra se figea, puis le monticule de roche s’effondra avec elle.

— Tu es le garçon de la forêt ! le reconnut Gerane entre deux respirations bruyantes. Est-ce que… Tu dois savoir où est la fille ! Où est-elle ?

Son agitation ranima le gardien de pierre qui, prenant une position défensive, se plaça en barrière entre les deux antagonistes. Refroidie, Gerane changea d’air et de ton.

— J’ai compris : plus de questions, se résigna-t-elle.

Elle se rassis, avant de poursuivre :

— Permets-moi de me reposer quelques heures. Je saurai me faire discrète.

Déconcerté par cette requête, Isaac ne sut pas répondre. Son silence fut pris pour une concession ; inévitablement, il le devint. Gerane se mura dans la méditation. Le golem imita sa posture, déterminé à suivre de près les moindres mouvements physiques et énergétiques de l’intruse. Un peu rassuré par cette mesure, Isaac recula de plusieurs pas. Lorsqu’il se trouva suffisamment loin, il se retourna et courut tant qu’il eut de jambes, porté par le vent.

Il arriva en trombe dans la maisonnette de pierre. Yue, paresseusement étendue sur le dallage, se rougissait les mains à la chaleur de l’écaille du bébé dragon qu’elle caressait.

— Alors ? s’enquit Yue sans vraie curiosité. Est-ce qu’il y avait quelqu’un ?

— Euh… je…

— Il est entré pendant que tu étais sorti. Le cirque est loin de l’endroit secret ?

— Oui et non, balbutia Isaac. Tu veux toujours rentrer ?

Yue se contenta de pencher la tête. Isaac comprit qu’elle lui reprochait de poser une question dont il connaissait la réponse. Sa sœur était douée pour communiquer son ras-le-bol sans s’en donner l’air. Tout chez elle devenait plus oppressant dans ces moments-là, des détails de sa posture au ton de sa voix. Quoique ce fut pour leur sécurité à tous les deux, Isaac sentait qu’il n’avait que trop usé sa patience, surtout que cette vertu ne primait pas chez elle.

Résigné, il se concentra pour la projeter à l’extérieur de son arcane. Une fois assuré de son succès, il répéta l’opération pour regagner la Réalité à son tour.

Il se trouva bientôt sous la tente de Célestine, qu’un reste de chandelle éclairait faiblement. Pour autant, une forte odeur de roussi embaumait l’atmosphère.

Malgré l’obscurité, Isaac se fraya un chemin jusqu’à sa couche, souleva les couvertures et la maigre paillasse puis chercha à tâtons. Il ne tarda pas à mettre la main sur sa relique. Sous l’effet d’une émotion trop forte, il se sentit le besoin de la serrer contre son cœur avant de le mettre en sureté dans une poche dédiée de son manteau avant de sortir de la tente.

Une bouffée de chaleur le suffoqua dès qu’il fut à l’extérieur. Des gerbes de feu dévoraient le camp. La propagation de l’incendie n’était ralentie que par la moiteur de l’air et les efforts conjugués des citadins de Soun-Ko. Isaac comprit confusément qu’à peu de chose près, il aurait pu se rematérialiser dans les flammes.

Il pensa à Yue. Son cœur s’étrangla.

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