n°18

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À Francine.

Dans la nuit, le ciel piqueté d'épingles blanches se ride comme un tissu de moire froissé. Ou plutôt, son image se plisse dans les eaux limpides d'un lac miroitant d'obsidienne. Un cygne blanc, seul, évolue sur le lac, son cou gracieux courbé vers son reflet. Une larme coule le long de son bec tel un diamant brillant au clair de lune et vient troubler son double noir.

Autrefois fée, aujourd'hui créature mortelle, l'ensorcelée pleure sur son passé, l'ensorcelée pleure sur sa liberté envolée. Un collier maudit à l'or rougeoyant l'emprisonne sous cette forme, présent empoisonné d'un magicien jaloux voulant se venger du rejet de son noir cœur offert autrefois.

Dans la nuit, le ciel piqueté d'épingles adamantines se ride comme un tissu de moire froissé. Par un étrange mystère, le reflet d'obsidienne du cygne d'albâtre relève la tête et le fixe de son perçant regard. L'oiseau blanc n'est plus seul. L'espoir se lit dans ses yeux brillants tandis qu'il interroge son reflet vivant.

Autrefois fée, princesse bien entourée, aujourd'hui créature mortelle et solitaire, l'ensorcelée s'interroge : quel bon génie donne soudain vie à son reflet pour qu'il lui tienne compagnie ? Le collier maudit a disparu du cou du cygne noir qui lui sourit du regard, ce bijou maudit qui lui rappelle sa vanité d'autrefois.

Dans la nuit, le ciel piqueté d'épingles adamantines se ride comme un tissu de moire froissé. Le sombre reflet se détache de l'oiseau lumineux, émerge de l'eau, ruisselant, face à son double au cœur palpitant d'espoir. Cygne blanc face à cygne noir, jour et nuit, espoir déçu face à la cruauté d'un ardent regard.

Autrefois fée, attirant l'amour, aujourd'hui créature malheureuse ayant donné son cœur à un prince chasseur, l'ensorcelée commence à comprendre en voyant le magicien des eaux émerger des roseaux. Le cygne noir qui lui avait donné tant d'espoir se tourne vers le cruel sorcier. D'un battement de ses ailes d'ébène, l'oiselle quitte le miroir du lac...

Dans la nuit, le ciel piqueté d'épingles adamantines se ride comme un tissu de moire froissé. Le cygne noir, dans une brume ensorcelée, grandit, ses pattes s'allongent en jambes fuselées, ses ailes perdent leurs plumes, deviennent bras admirablement formés, son corps rond se change en buste délié, et son visage... son visage est celui du cygne blanc avant qu'il ne fût métamorphosé.

Autrefois fée, par l'âme comme par la beauté, aujourd'hui oiseau pataud dès lors qu'il ne danse plus sur l'eau, l'ensorcelée sent l'amour et la vie lui échapper. Celui qu'elle aime sera séduit par son double sulfureux au regard provocateur, celui qu'elle aime oubliera sa pureté, sa candeur d'astre timide pour la chaleur, la malice de la doppelgänger.

Cygne blanc, cygne noir, au premier la mort, au deuxième la victoire.

Le 26/05/2019

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