.***.

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 D’un rang de pommiers, s’écarta un jeune homme ailé aux cheveux d’or.

 — Regarde petit bébé, mon formidable instinct m'a conduit jusqu'à toi !

 — L’instinct, je sais pas ce que c’est, s’indigna le bambin dont le visage s’était pourtant éclairé, mais je suis sûr que tu n’en as pas du tout, j’ai fait tout le boulot ! Avec le vieux monsieur aussi. Et je suis pas un bébé !

 Gianni contempla cette scène avec amusement. Il songea un instant à ce qu’aurait pu ressembler ses retrouvailles avec sa fille. Son cœur s’imprégna de la même lourdeur qui l’assaillait quotidiennement, une sensation de vide immense, comme un trou béant dans sa poitrine, une douleur terrible que le temps n’avait jamais apaisée.

 Le jeune homme aux cheveux d'or lui adressa un sourire amical.

 — Pardonnez mon impolitesse monsieur, permettez-moi de vous exprimer toute ma gratitude pour avoir raccompagné Matti jusqu’ici.

 Gianni se tourna vers le garçon.

 — C’est vrai qu’on ne s’est même pas présenté en fait mon bonhomme.

 Pris d’une soudaine timidité, l’enfant se cacha derrière son frère.

 — Je ne donne pas mon nom aux inconnus, bougonna-t-il.

 — Mais vous n’êtes plus des inconnus, le corrigea son frère avec une pointe d’agacement, soit un peu plus reconnaissant. Moi, je suis Léo, et je vous remercie encore d’avoir pris soin de ce petit monstre.

 — Et moi Gianni, mais ne me remerciez pas, n’importe qui aurait fait de même, c’est normal. Je suis soulagé que tout soit rentré dans l’ordre, il est temps pour moi de rentrer à présent.

 — Nous allons vous montrer le chemin, celui pour regagner votre monde, n’est pas le même que vous avez emprunté et il est aisé de se perdre ici.

 Gianni sentait que sa peine serait difficile à dissimuler.

 — Ne suffirait-il pas que je me réveille pour quitter ce monde ? demanda-t-il.

 — Alors pour toi nous ne faisons partie que d'un rêve, mon ami ?

 Léo posa une main sur l’épaule de Gianni. Ce geste, si simple et bienveillant surprit le vieil homme qui sentit alors sa mélancolie s’anesthésier légèrement. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas goûté au pouvoir réconfortant de l’humanité, quelque chose en lui, sa peine sûrement, en réclama davantage, si bien qu’il accepta la proposition.

 Les deux hommes arpentèrent le sentier qui zigzaguait entre les arbres fruitiers. Devant eux, Matti trottinait joyeusement, bondissant comme un lapin sur des ressorts, à la poursuite de gros papillons.

 — Franchement, finit par répondre Gianni, ce monde est si beau, si harmonieux, il ne peut pas être réel. Si je comprends bien, il est caché, juste sous nos pieds. Avec toutes les expéditions, les forées de pétroles, tout ça, un endroit pareil aurait été découvert depuis longtemps. Et puis comment la lumière du jour pourrait-elle bien passer sous le sol d’ailleurs ?

 — Ce sont de bonnes questions, reconnut le jeune homme.

 — Et enfin, poursuivit Gianni, vous deux, avec vos ailes, vos parures, tout ça …. vous ressemblez en tout point, si je ne me trompe pas, à des anges.

 — Les représentations de ton monde y collent pas mal, mais vous êtes assez loin du compte.

 — Comment ça ? Demanda Gianni, sentant la curiosité poindre.

 Léo chercha ses mots.

 — Pour faire simple, car c'est loin de l'être, nous appartenons à un peuple proche du tien.

 — Fascinant, quel peuple ? Je n’étais pas mauvais en histoire étant minot, mais je ne me rappelle pas avoir étudié pareille civilisation. Cela me convient très bien, tu sais, d’être au milieu d’un aussi beau rêve. Même les choses irréelles sont appréciables.

 Matti arriva vers eux, les bras chargés de pommes brillantes. Il tendit les fruits à son frère qui lui présenta un sac en toile pour les stocker.

 — Tu sais que lorsqu'on te cherchait Léo, j’ai eu peur de te perdre pour toujours, même si tu m’agaces. Le vieux monsieur m'a dit qu'on se retrouverait forcément, et surtout, que jamais tu ne m’oublierais. C’est vrai ?

 — Évidemment, sourit Léo, mais ce sourire s'estompa quand il vit les yeux du vieil homme perdre de leur lueur, laissant place à un silence pesant. Les maux de Gianni surgissaient de nouveau, plus intenses et il s’emmura dans ses pensées.

 Sentant l’atmosphère pesante, Matti s’éloigna en direction du verger, tout en zieutant régulièrement son frère et le vieillard qui poursuivaient leur marche dans le calme.

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