.*.

2 minutes de lecture

 Depuis le début de la saison chaude, Gianni ne mettait pas le nez dehors avant vingt et une heure au moins.

 Lorsqu’enfin, l’astre brûlant redescendait de son piédestal, il gagnait tranquillement son potager, arrosoir et sécateur en main, prêt à soigner les précieuses pousses qui finiraient bientôt dans son assiette.

 La quasi-totalité de ses plants souffraient déjà de la chaleur. La terre était si aride qu’elle décrivait de longues fissures, révélant par endroits des racines à l’aspect desséché. En surface, la moitié des pieds d’aubergine et de tomate tiraient mollement vers le bas, avec des fruits qui commençaient pour la plupart à se friper. Le dernier arrosage remontait pourtant à la veille.

 Gianni les abreuva sans grande conviction. Il était sans doute trop tard pour pallier ces dégâts. De toute sa longue carrière, il n’avait pas connu un début d’été aussi suffocant. Le climat général s’était certes, réchauffé depuis plusieurs décennies, mais cela n’avait jamais entaché ses récoltes, du moins, pas aussi durement que ce que celle-ci promettait. Pour s’alimenter, Gianni devrait s’approvisionner auprès d’un tiers et l’idée de devoir consommer des aliments qu’il n’aurait pas lui-même faire sortir du sol le contrariait au plus haut point.

 Penché sur les pieds d’artichauts, il sentit la sueur goutter en masse de son front. Ses légumes ne seraient pas seuls en peine, car ce soleil de plomb n’épargnait ni les végétaux, ni les corps fatigués comme le sien.

 Les gros chardons semblaient toutefois mieux s’en sortir que ses autres cultures. Il en palpa plusieurs, cherchant deux belles têtes pour lui servir de repas. Quand les écailles craquèrent sous ses doigts ; signe que les artichauts étaient mûrs ; il les tailla.

 Un point chaud dans la poitrine de Gianni se mit alors à irradier, puis à le pincer. Il porta une main à son torse : son vieux cœur faisait encore des siennes en tambourinant à tout-va. La sensation de pincement s’intensifia. La douleur était si rude cette fois que Gianni dut mettre un genou à terre. Les yeux clos, concentré, il respira le plus calmement possible afin d’apaiser l’allure frénétique de sa vieille pompe. L'oppression s'atténua difficilement. Gianni se releva, laissa son matériel choir sur place, n’emportant avec lui que sa modeste récolte. Il reprendrait l’entretien du jardin plus tard dans la soirée, quand l’air ambiant serait plus clément. Pour le moment, il avait besoin de se ménager.

 Il regagna sa modeste bicoque en songeant à son dîner. Il ferait braiser les artichauts, exactement comme Alba les aimait.

Annotations

Vous aimez lire Mad - Âme ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0