Chapitre 17 : En musique - Part 1.

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Le local, plus long que large, parut interminable à Leroy qui était assis au dernier rang. Depuis sa chaise, sur laquelle il se basculait, le dossier frappant le mur en pierre derrière lui, les inscriptions sur le tableau noir étaient trop lointaines pour qu’il leur accorde de l’importance.

Il n’avait qu’un seul point d’attache, derrière sa tignasse cendrée, une phrase tournant à répétition :

“Faites-moi de la place, juste un peu de place pour ne pas qu’on m’efface... ”

Seul à son banc, côté fenêtre, un écouteur pendait à son cou tandis que le deuxième était dans son oreille. La musique l’aidait à encaisser.

J’nai pas trop d’amis, regardez en classe, c’est pas l’extase, j’ai beaucoup d’espace. Je suis seul et personne à qui le dire.”

L’année débutait mal. Il broyait du noir depuis qu’il avait appris qu’il n’était pas dans la même classe que Lysen. Dés cet instant, Leroy avait décrété qu’il n’en avait plus rien à foutre de tout. Depuis le fond, il dévisageait son titulaire avec lassitude. La chanson en question n’arrangeait rien à sa colère.

“C’est pas l’pire, quand la pause arrive, je ne suis pas tranquille, il faut que je m’éclipse ou alors accuser de coups, ou dehors… ”

Il découvrait même au fur et à mesure sa tristesse, bien qu’il refusait de l’accepter. Le rappel était trop difficile, immergé dans son monde.

“Il faudra que je cours tous les jours, faudra-t-il que je cours jusqu’au bout ? Pour connaître le monde et l’amour… ”

Quand depuis son pupitre, son professeur le regarda d’un mauvais œil à son tour, il s’appuya à son bureau en tirant sa chaise à l’aide de ses pieds. La grosse capuche de son pull noir lui permettait de cacher un minimum ses écouteurs. À défaut de pouvoir la mettre sur sa tête, il cacha l’une des oreillettes dans les plis de son sweat et recouvra l’autre de sa paume. Sa joue écrasée montrait tout son ennui.

Sous ses yeux ambrés, les cernes s’amusaient à tirer ses paupières. Une sieste aurait été la bienvenue. Il avait peu dormi, excité par la rentrée et impatient de découvrir ses anciens amis dans l’établissement. Plus encore, il avait rêvé de ces retrouvailles avec Lysen. Il sentait le contact de sa main dans la sienne, grognant intérieurement de ne pas pouvoir l’avoir à ses côtés en classe.

Pourquoi lui retirait-on ce qu’il avait souhaité le plus ? Ce dont il s’était délecté durant toutes les vacances, friand de toucher ses doigts en cachette durant leurs leçons, d’entendre son rire pinçant s’étouffer sous les brimades des professeurs… Elle lui avait tellement manqué. Leroy se languissait d’un baiser, de plonger dans ses yeux espiègles… Sous sa paume, il sentit son visage se réchauffer.

Pourquoi ne pouvait-il pas être heureux ? Chaque seconde de sa vie, de cette chanson, lui rappelait qu’il n’en avait pas le droit. La route n’était pas longue, mais barrée par un mur infranchissable.

Les yeux fermés, il accompagnait le chanteur en marmonnant à voix inaudible :

“Faudra-t-il que je cous jusqu’au bout ?”

***

  • Un, deux, trois et quatre…

En rythme, Ulys tapait dans ses mains, accompagné dans ses pas par Kimi. Elle avait douze ans, lui en avait deux de plus. Le duo de blond écrasa à l’unisson le même pied plusieurs fois contre le sol.

  • Un, deux, trois et quatre ! s’écria Ulys en sautillant.

Après de nombreux essais à s’entraîner derrière le Lycée Gordon, ils avaient enfin réussi l’enchaînement qui leur donnait tant de fil à retordre.

  • Waw !! hurla-t-il en levant les deux poings en l’air avant de les écraser sur ses genoux, essoufflé.
  • Enfin, souffla Kimi dont les cheveux étaient attachés en une queue, pour venir attraper la main d’Ulys.

Elles se joignirent instinctivement avant d’entamer une série de gestes. Kimi et Ulys se regardèrent ensuite longuement dans le blanc des yeux. Ce dernier attrapa une serviette et la déposa autour de son cou. Il en tira les deux bouts en observant sa compère vider entièrement sa bouteille d’eau. Elle n’épargna aucune goutte et vint narguer Ulys :

  • Désolée, il y en a plus, dit-elle en tirant la langue.
  • T’inquiètes, répondit-il en la regardant avec des étoiles dans les yeux.
  • Ahem…

Tout en se raclant la gorge discrètement, Kimi arrondit ses yeux et lança un regard vers la droite sans changer sa tête de direction. Ulys se gratta l’arrière du crâne et ne bougea pas non plus d’un pouce. De loin, quelqu’un les fixait. Il ne savait pas comment gérer ce souci.

  • C’est… Leroy ? demanda-t-il sur un ton bas plus calme. Il n’arrête pas, hein…
  • Je ne sais pas trop… pourquoi il fait ça, baissa-t-elle la tête en roulant ses lèvres entre elles, mal à l’aise et en jetant un regard furtif vers le parc.

Derrière un arbre, le tout petit garçon qui n’aurait pas dû être présent, affilié aux heures de l’orphelinat, sursauta et se cacha ensuite derrière l’épais tronc. On l’avait vu. Quand il le put, il détala à toute vitesse.

Devant le vieil établissement qui lui servait de maison, son cœur tambourinait dans sa poitrine.

Alors que le duo pensait que l’attachement de Leroy pour Kimi le poussait à agir étrangement, il ne se doutait pas du réel pourquoi il les observait en secret. Il avait pourtant été invité au même titre que le restant des membres du gang à rejoindre ce groupe de danse, mais il avait refusé. Une fois même, il avait répondu avec violence à la main de Tiger qui l’obligeait à rejoindre les rangs.

Depuis ce jour, le petit frère du groupe n’avait plus été pris à trainer aux alentours. L’attachement qu’il éprouvait envers Kimi étant réciproque, comme une sœur depuis leur rencontre, elle ne cessait de s’inquiéter pour lui.

Lors d’une des séances d’entraînement générale, ce fut Mike, mordu d’amour pour la blondinette, qui releva son mal être. Suivant son intuition, il décida de la questionner.

  • Ça va, avait répondu Kimi évasivement qui exposait difficilement ses sentiments. Je… me demande juste… où est-ce qu’il peut être…
  • Tu parles de Leroy ? l’interrogea-t-il, désolé de la tristesse sur son jeune visage.
  • Je sais où il est.

Ils se retournèrent vivement pour regarder Silka avec des yeux ronds. La petite fille était apparue de manière fantomatique derrière eux, pâle comme une morte. Sa peau contrastait avec ses cheveux noirs. Elle aussi était un mystère pour le groupe, parlant peu, juste efficacement. Du haut de ses dix ans, elle les guida non loin de l’école jusqu’à une ruelle où avaient été abandonnées de nombreuses affaires ainsi que de vieux et larges miroirs fissurés. Devant ceux-ci, Leroy bougeait. Il bougeait magnifiquement bien, répétant tous les mouvements qu’il avait pu retenir de ses longues observations du groupe.

  • Il danse, souffla Kimi en s’attardant sur la silhouette.

Sa main autour de son cou, il tournait la tête en arrière, ses yeux d’enfants rivés sur le ciel gris, en même temps que son autre bras l’emmenait ailleurs. Avec émotion et émerveillement, Kimi était devenue à son tour sa spectatrice. Il semblait aussi léger que les mots qui se perdaient dans le vent et qu’il chuchotait de ses lèvres abîmées :

  • Un, deux, trois et quatre…

***

À la pause de midi, Kimi sortit de sa classe le menton bas et l'esprit morose, Sky sur ses arrières. Des cahiers sous le bras, son sac sur l’épaule, lui avait l’air plutôt détendu. Il avait réussi à faire le vide. Alors que chacun faisait son chemin vers le réfectoire ou les toilettes, ils se retrouvèrent seuls tous les deux.

Kimi ruminait les paroles de Nice. Cette dernière l’avait blessée et son comportement distant aussi. Dès que la cloche avait sonné, elle s’était ruée en dehors de la classe pour ne pas avoir à croiser le nouveau duo à la tête des cinquièmes. Selim, Faye et Alex l’avaient suivie alors que Loyd et Laure semblaient avoir besoin de discuter juste tous les deux.

Sa confiance en prit un coup. N’était-elle pas capable ? Et puis, elle pensait aux sentiments de son amie. Nice était drôlement énervée. Devenir présidente devait lui tenir beaucoup à cœur, mais c’était aussi son cas… Du moins, elle souhaitait effectuer un bon travail pour l’entente de tout le monde, ne serait-ce que dans leur année.

La question de comment elle allait gérer ce rôle lui vint seulement après coup. En se mangeant le pouce, elle eut peur d’être partie trop vite en besogne. Oui, maintenant que sa copine avait clairement exposé son avis, Kimi doutait. Arriverait-elle à être aussi organisée et avoir d’aussi bonnes idées que Nice et Loyd ? Peut-être qu’un compromis s’imposait…

D’un coup, elle releva la tête :

  • Sky… voulut-elle l’interpeller.
  • Président, le reprit celui-ci d’abord sans la regarder, puis en décalant son regard depuis le dessus de son épaule. Pour toi, ce sera président, répéta-t-il en la pointant de ses cahiers.

Un rire aiguë secoua Kimi qui s’arrêta en plein milieu du couloir. Les élèves qui se rendaient en masse au réfectoire l’esquivèrent.

  • Alors là… Tu rêves ! s’exclama-t-elle en haussant les sourcils. Et quoi, tu vas m’appeler sous-présidente ?
  • Pas mal l’idée… dit-il avec un sourire en coin. Il faut bien te rappeler où tu te situes dans la hiérarchie, enchaîna-t-il en venant passer sa main au-dessus de sa tête pour la rapetisser.
  • C’est ça, ouais…

Tout en levant les yeux au ciel, Kimi le contourna et poursuivit son chemin en grognant. Ça ne servait à rien de se confier à ce bête type. Derrière, Sky déposa son regard sur sa longue chevelure blonde et analysa sa démarche énervée. Il fut amusé.

  • Tu voulais me dire… ? demanda-t-il en se ramenant à ses côtés et en esquissant un léger sourire.
  • Ah… sortit-elle, surprise, puis gonflant les joues, parce qu’elle préférait le bouder.
  • Dis-moi, l’encouragea-t-il en venant taper son épaule contre la sienne.

C’était leur truc de se bousculer. Ce simple petit contact avait le don de lui faire oublier à quel point il pouvait être pénible. Le dernier qu’elle avait eu avec lui datait d’avant les vacances.

“C’est fini ?”, son cœur sauta en se remémorant ce moment passé devant les flammes. Kimi passa ensuite ses cheveux derrière une oreille tandis qu’elle s’apprêtait à parler. Son geste incertain ne laissa pas Sky indifférent qui se positionna de manière à l’écouter.

  • Je… suis un peu… étonnée de la réaction de Nice… pas toi ?
  • Pas du tout, répondit-il du tac au tac.
  • Ah bon ? fut-elle surprise, levant son nez vers Sky en écarquillant les yeux.
  • Nice est… - Il réfléchit un instant -… bien plus franche que nous tous réunis. Elle ne s’énerve pas souvent, mais quand elle a quelque chose à dire, elle le dit. C’est pour ça que je ne suis pas vraiment surpris qu’elle ait remis en question le vote…
  • Mais elle t’a quand même dit qu’ils avaient voté pour toi, parce que tu es beau…

D’un mouvement de main, Sky recoiffa ses cheveux en bataille en arrière, les mêmes qui le rendait si volage et craquant.

  • C’est que… c’est la vérité, dit-il d’un ton ravageur.

La face de Kimi devint aussi rigide que la porte d’un frigo. La seconde d’après, ils riaient tous les deux. Celle encore d’après, elle fut interpellée par quelqu’un dans le couloir qui lui lança un signe timide :

  • Salut, Kimi… lui fit un garçon un peu plus jeune du Lycée Gordon.
  • Oh, Vamp ! Comment ça va ? se dirigea-t-elle instinctivement vers lui, chaleureuse de retrouver un ami.

Elle connaissait tous les élèves d’I don’t Care et chacun de leur surnom. En la voyant s’éloigner de lui, quelque chose s’anima en Sky. Il réagit sans réfléchir et fit un grand pas en avant pour passer sa main sous son bras et la retint. Kimi, cassée dans son élan, tourna la tête. À cause de sa poigne, elle ne put reculer quand son visage lui parut trop proche du sien. Il portait à la fois des traits fermés et une expression désopilante :

  • Reviens ici, on a pas fini notre discussion, déclara-t-il en lançant un regard avertissant au garçon et en la traînant ensuite vers lui d’un air déterminé.
  • Quoi, mais… Sky, attend…

Alors que sa main tendait à se rattacher à son ami, elle perdait son équilibre en même temps que ses baskets glissaient contre le sol. D’un œil extérieur, la scène paraissait tout à fait comique. Le garçon de Gordon le releva :

  • Je rêve où il l'embarque comme si de rien était… plaisanta-t-il ouvertement. Et elle se laisse faire en plus, ils doivent bien s’entendre.
  • Sinon, il s’en serait déjà pris une, ajouta un copain.
  • Note qu’il parait qu’il lui en a foutu une quand l’école a pris feu… Le mec tient pas à sa peau, quoi.
  • Ah bon ? Dans ma classe, on a entendu dire que c’est elle qui l’aurait giflé…

Les deux étudiants se regardèrent, puis levèrent un sourcil en même temps. La Kimi qui était dans une relation aussi étrange avec Sky Makes, le premier Richess, ils ne la connaissaient définitivement pas. Il y avait de quoi être surpris pour les anciens élèves du Lycée Gordon qui ne pouvaient s’empêcher d’encore l’associer à son ancien statut. Leur cheffe par extension, le diable blanc, se faisant emporter par un beau gosse aussi facilement ? Trop louche.

  • Mais Sky ! s’écria Kimi dans tout le couloir, comme si elle était au bord de la mort. Roh, mais lâche-moi, sérieux ! se débattit-elle ensuite alors que les gens riaient à leur passage.
  • Tes godasses glissent sacrément bien… dit-il en la lâchant d’un ton intéressé et en les pointant de son index.
  • Hein ? fit-elle en les regardant à son tour.
  • Pichenette, lâcha-t-il calmement en venant taper son doigt sous son nez.

Kimi se raidit, droite comme un piquet et l’entoura de ses deux mains, la bouche grande ouverte. Son pied réagit au quart de tour pour lui rendre la pareille, mais elle se loupa.

  • Je vais te tuer !
  • Ça t’apprendra à partir en pleine discussion, déclara-t-il en réajustant son sac sur son dos.
  • Mais… Je disais juste bonjour…
  • Et quoi ? Tu vas faire ça avec tout le monde ? demanda-t-il plus sérieusement.

Elle relâcha ses épaules lorsque son air changea. Comme ça, Sky n’était plus le même.

  • Par rapport à Nice, peu importe ce qu’elle peut penser… Ça ne change rien au fait que c’est toi et moi qui avons été élus. Donc, quand on discute de trucs comme ça… Tu m’écoutes jusqu’au bout, dit-il en déviant le regard, n’osant lui dire qu’il voulait simplement aller au bout des choses. Et je veux bien que tu connaisses du monde ici, maintenant, mais si tu commences à t’arrêter toutes les cinq minutes…
  • Bah quoi ? fit Kimi un peu sauvagement alors que son regard montrait qu’elle culpabilisait.

Sky claqua sa langue contre son palais, agacé. Son petit air de cocker lui ôtait les mots de la bouche. Il ne savait pas comment lui dire ce qu’il pensait au fond de lui sans que ça n’apparaisse… Sans que… Même lui ne mettait pas le doigt dessus. La main attachée à ses cheveux, il cogita, puis planta ses yeux verts dans les siens :

  • T’es pas une Richess, mais… C’est tout comme. Tu fais partie de la bande, donc… on attend de toi que tu sois là… Ok ?

Les joues de Kimi devinrent un peu plus rose et son visage s’égaya, contentée. Les bras le long de son corps, devant sa poitrine, elle joua avec ses doigts en lui répondant :

  • Ok…
  • Ok, président ! la rappela-t-il à l’ordre d’un ton fâché pour changer de sujet.

Cette fois, il n’échappa pas au coup de pied dans les fesses.

***

Malgré ce qu’ils s’étaient dit, durant la récréation du temps de midi, Kimi ne put s’empêcher de jeter des coups d’œils vers son ancien groupe d’amis. Nombreuses autres personnes faisaient de même. Parmi les Richess, les tensions avaient été passées sous silence pour le bien être général. La nervosité de Nice restait palpable, surtout parce que Selim accordait beaucoup trop d’attention à ce qu’il se passait de l’autre côté du pré.

  • Ils dégagent vraiment quelque chose, balança ce dernier en remontant son pantalon large. J’adore… Kimi, tu crois que… on pourra faire des entrainements avec eux ou… ?

La blonde remettait ses cheveux en arrière de ses deux mains lorsqu’elle pouffa de rire. Elle trouvait adorable de sa part d’autant s’intéresser à eux. C’était plus fort que lui. En les voyant en petits groupes, en train d’hocher la tête et d’écouter de la musique pour certains, il s’impressionnait de les trouver trop cool.

  • Et faire des battles et tout… lâcha-t-il ensuite, ailleurs, les yeux rivés sur le petit Benjamin qui faisait quelques pas de shuffle, tenant en équilibre sur ses talons.
  • Selim, rit-elle encore en déposant une main sur son épaule. Tu n’es pas prêt pour ça, le taquina-t-elle ensuite sur son niveau de danse.
  • Quoi ? Mais je suis douée !
  • Tu en es vraiment sûr ? vint lui chuchoter Alex qui prit plaisir à se joindre à la taquinerie.

Plus loin, les personnes concernées ne se posaient pas le même genre de question. Comme sur ressorts, Benjamin, tel un petit lapin, sautillait dans tous les sens et se tortillait les doigts. Il tourna sur lui-même en s’attrapant le visage de ses deux mains et fit semblant de se laisser totalement tomber dans le vide avant de reprendre le contrôle :

  • Je peux pas ! s’exclama-t-il en ramenant ses deux poings devant lui.
  • Moi aussi, siffla Chen, dont les longs cheveux rouges s’étalaient sur ses fines épaules, un lacet sur toutes ses manches laissant entrevoir sa peau. C’est horrible… Ils ont dit qu’on devait être nous-même, mais… Je sais pas, ça fait chier, ne mâcha-t-elle pas ses mots.

Nadeije les écoutait à côté, absolument d’accord avec le mignon couple. Elle n’arrivait pas non plus à se détendre. Depuis un téléphone, un son courrait en arrière-plan. Benjamin devenait de plus en plus fou, comme les boucles blondes sur sa tête.

  • Je-veux-trop-danser, articula-t-il en gesticulant d’un pied à l’autre.
  • Mais-on-peut-pas, lui répondit Chen en rapprochant d’un mouvement de tête saccadé.
  • Et pourquoi pas ?! vint Kennedy, adorable avec ses longues couettes malgré sa grande taille. J’ai un baffle, annonça-t-elle en sortant l’appareil de son sac.
  • Ken’...

Le son monta malgré la tentative de Nadeije de l’arrêter. Dans le grand groupe que formaient les élèves de Gordon, les têtes se retournèrent et des sourires se formèrent. Benjamin n’arrivait plus tellement à s’empêcher de faire quelques mouvements. Il s’approchait doucement de Chen, les lèvres en cul de poule, mais surtout des flammes dans les yeux. Cette dernière tapotait ses doigts sur le muret où elle était appuyée. Elle soupira, laissant tomber sa tête en arrière, puis la releva d’un coup et tapa dans ses mains qui s’agrandirent en un arc de cercle autour de sa silhouette.

Un mec au pantalon tout déchiré débarqua de nulle part et sauta pied joint entre les deux. Il utilisa son poing comme micro :

  • Laaaaaaaaapinou versus…. Snake ! Mesdames et messieurs, approchez…
  • Ils vont pas vraiment faire ça, soupira Nadeije en envoyant valser le bout de ses cheveux roses alors qu’elle avait déjà le sourire aux lèvres.
  • Ils vont faire ça, déclara Mike en venant déposer son menton sur son épaule depuis son dos et en la chopant par la taille.
  • Dj Kennedy aux platines en cette belle après-midi…

La dite connecta un autre baffle au sien afin de décupler le volume et attira non plus seulement l’attention de leurs compagnons, mais aussi des élèves de Saint-Clair aux alentours.

Depuis ses hauts talons, Faye fut une des premières à s’approcher avec intérêt en caressant sa crinière rousse, alors que les autres du groupe se regardaient, agités. Avec Selim, ils partagèrent un regard extrêmement complice. Kimi en profita pour surfer sur la vibe :

  • Venez, fit-elle en s’accrochant au bras de Laure qui sursauta à son contact. Venez voir, je vous dis, les convainquit-elle avec son grand sourire et ses yeux pétillants.

Tandis que les moins timides s’approchaient, à l’autre bout de la cour, ayant pourtant espéré enfin un peu de tranquillité, la petite Makes questionna son amoureux du regard :

  • La musique ne va pas un peu fort… Ils font quoi ? demanda-t-elle en croisant les bras, insurgée.

Leroy, comme sa sœur, était tout aussi appelé à rejoindre ses copains. La musique l’appelait. L’attroupement encore plus. Il retrouva un peu de joie. En découvrant chez lui une étincelle qui ne s’allumait habituellement que pour elle, Lysen glissa sa main dans celle de Leroy.

  • Tu veux aller voir ? C’est quelque chose de spécial ? devina-t-elle.
  • Euh oui, mais… Nous deux…

Elle étendit ses belles lèvres roses. Lysen savait qu’elle avait du pouvoir dans leur relation. Malgré ses tentatives de le faire s’exprimer, il avait tendance à la faire passer avant tout le reste. Alors, elle l’emmena d’elle-même vers ses amis, croisant ses doigts aux siens. Rien que pour voir l’expression de joie sur son visage si souvent assombri et qu’elle se croyait être la seule à pouvoir déceler, Lysen n’hésita pas une seconde à se rapprocher de la musique bruyante.

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