Non, m'sieur l'agent, je fais pas relâche !

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Les jours s'enfilent comme des tapettes un soir de gala. Le temps s'améliore pendant que notre avenir s'assombrit. Le temps est bien une invention humaine, adaptable à toutes les circonstances, même simultanées.

Les jours passent et une certaine routine s'intalle. On a toujours droit aux mensonges éhontés d'un gouvernement qui reste intimement persuadé que nous sommes tous des débiles profonds, assistés en cela par des médecins aux pieds stupidement ancrés dans leurs convictions maladives et qui estiment qu'il faut aussi mentir pour donner le temps aux décideurs de s'en mettre plein les poches selon un planning parfaitement cogité et qui ne s'activera qu'une fois tous les prépartatifs terminés. Le confinement est prolongé. Du coup, j'ai encore plus de temps à perdre à ne rien foutre.

J'ai tellement le temps de faire tout ce que bon me semble que je me suis même tapé une séance de la chaîne parlementaire à la télé. Et ceci confirme ce que nous ressentons tous à propos des malfrats qui pataugent lourdement dans une pantomime grotesque où la mauvaise foi le dispute aux arguments grossiers pour nous faire croire que la fin du monde n'est pas encore finie.

Je ne me lasse pas du temps dont je dispose et dont je sais un peu plus quoi faire tous les jours. Vraiment, je reste admiratif face aux capacités que nous avons de nous adapter à toutes les situations, même les plus improbables. Petit à petit, le monde reprend sa ronde consumériste. Les magasins se transforment, les consommateurs aussi. De "drive" en "commandes minutes" ; de "déplacements impératifs" en promenades dissimulées ; de jogging matinaux en sorties imprévues, les règles elles-mêmes ondulent au gré de nos interprétations les plus fallacieuses.

J'ai entendu que les mecs qui bossent chez Amazon renâclent à bosser. D'un côté, je les comprends. Comment enfiler une tenue de plus en plus clownesque pour bosser quand la moitié du pays se roule les pouces ? D'un autre côté, la mauvaise foi évidente des représentants qui parlent pour ceux qui rêvent de fainéanter aussi m'écoeurent passablement. Comment justifier qu'une boîte se trouve obligée de tourner pour livrer des masques, les fameux masques, mais qu'il conviendrait que la morale s'impose à tous en ce qui concerne la mise à disposition de tout autre produit ? J'avoue que la chose me dépasse un peu. Il est vrai que je suis le cul entre deux chaises, sur ma terrasse en plein soleil. Cependant, j'exècre le ton utilisé par ces pégréleux qui méprisent finalement leurs clients quand ils ironisent sur l'utilité de livrer des godemichets... Quelle détestable civilisation que la nôtre, finalement, quand on considère que le seul moyen de se faire entendre est de verser dans l'insulte et les arguments moisis.

Ces mecs-là ne méritent que mon mépris. S'ils ne veulent pas bosser, qu'ils aillent voir leur toubib. Ce dernier leur prescrira un arrêt maladie qui prendra fin au 11 Mai prochain, nouvelle date butoir indiquée par le désastreux Macron.

Et je peux leur dire, à ces gars-là, qu'ils doivent continuer de livrer des sex-toys à ces dames, parce qu'il est hautement probables que leurs épouses figurent dans les acheteuses et qu'elles préfèrent peut-être se donner un peu de plaisir mécanique plutôt que d'honorer leur contrat conjugal avec des blaireaux pareils. Et si les infirmières avaient décrété que leurs conditions de travail les mettaient en danger, décidant en conséquence de ne pas assurer leur service ? Voilà bien des hommes et des femmes qui prennent le risque insensé de soigner des lascars aussi imprudents que moi, ou aussi malchanceux que les autres. Et ils bossent tous sans rechigner, tremblant parfois parce que les morts qui sortent des chambres sont autant de traumatismes qu'ils ingèrent au quotidien et parce qu'on sort rarement indemne de ces circonstances qui se répètent trop souvent en période de pandémie.

Ils ne veulent pas bosser pour se rouler les orteils de concert avec le reste du pays ? Eh bien, qu'ils le disent clairement. Tout bien considéré, les syndicalistes sont aussi dégueulasses que les politiciens en parlant pour ne jamais dire la vérité. Si un jour on brade la race humaine, faudra faire en sorte que ceux-là pourrissent dans le même sac. Et on n'oubliera pas d'y réserver une place non moindre à tous les enseignants qui se voyaient déjà en vacances jusqu'en septembre et qui, pour faire bonne mesure avec les syndicalistes, se lancent dans de savantes arguties, postulant que le confort des enfants, la psychologie des enfants, l'équilibre des enfants, le machin-truc-bidule-chose des enfants. Bref, qu'il ne serait pas raisonnable de les laisser reprendre le chemin des cours d'école avant... une date qu'il conviendrait de ne formuler que le plus tard possible, surtout après la date du Président.

Alors, si mes commentaires sont un peu aggressifs, c'est quand même pour sourire de la belle intelligence des humains qui s'acharnent sans jamais faiblir à démontrer que la Terre est plate, que l'univers tourne autour d'elle, que des démons se cachent à l'horizon et que si le bon sens populaire refusait d'y croire, alors on serait obligé de sortir les armes, comme en Corée du Nord, et flinguer tout contestataire.

Le confinement permet au moins de respirer un peu, de prendre ce pas de recul que les médias tentent sans arrêt de nous interdire pour mieux nous conditionner et nous mener comme un troupeau à l'abattoir géré par des politiciens seulement inquiets de leurs privilèges, de leurs ambitions et de leur autoritarisme maladif.

Oui, j'aime de plus en plus ce confinement qui me tient toujours un peu plus éloigné de notre monde de menteurs, de manipulateurs de tout poil qui pourrissent mes jours avec application. Moi, un ermite ? Pas le moins du monde. Simplement, j'aime un peu plus tous les jours le silence dans le ciel, seulement perturbé par les chants des volatiles, j'apprécie de pouvoir me lever un peu plus tard ou un peu plus tôt, sans allumer télé ni radio, sans subir la contrainte d'une horloge qui me rapelle en permance que je suis déjà presque en retard, que si je tarde encore je me prendrais quelques heures de bouchons supplémentaires, que je devrais me coltiner les écolos suicidaires qui déboulent de partout au guidon de leur trottinette de merde, etc.

Oui, j'aime bien ce temps qui n'appartient qu'à moi.

Mais, même là, il aura fallu que je croise de ces pédés de flics de merde qui se régalent de leurs minable autorité pour venir me renifler le cul parce que je suis dehors en même temps qu'eux. Et voilà une bonne connasse à l'air pervers qui s'approche de la vitre de ma guimbarde pour me demander d'un ton sévère ce que je fais dans les rues à cette heure.

Cette conne dans son uniforme stupide m'a l'air tellement revêche, une tête à claque qu'on aimerait boxer pour soulager un brusque excès de colère par exemple, et son ton de gardienne de camp de concentration m'irrite si profondément qu'en un éclair je décide que je vais offrir 135 euros à Castaner et sa clique d'assassins ratés.

  • Je vais pisser sur les murs du commissariat, madame le gendarme ! J'ai des problèmes de prostate et mon toubib, un virologue de renommée mondiale en exercice à Marseille m'a vivement conseillé de soulager mes pauvres indigences par le biais de petits plaisirs innocents !

L'autre monte tout de suite sur ses poneys, alertant de fait un gradé qui s'emmerdait un peu plus loin, le cul appuyé sur la bagnole d'un conducteur lambda, contrôlé comme moi. Le mec, un grand costaud au teint rougeaud et à l'air profondément con, sûrement à cause de ses petits yeux ronds et très rapprochés sous des sourcils épais et noirs comme la conscience d'un dictateur, s'approche d'une démarche de gorille en pré-état de combat de jungle

  • Eh bien, gendarme Dugenoux, on se fait embêter par un individu récalcitrant ? Ne vous inquiétez pas, si ce monsieur vous fait des problèmes, fait-il en me désignant d'un doigt accusateur, je vais vous montrer comment le ramener à la raison en quelques mots. Poussez-vous, gendarme Dugenoux et admirez le travail.

La gonzesse fait un pas en arrière, sans oublier de me jeter un regard meurtrier et le gradé se plante devant ma portière. J'ai une vue directe sur sa braguette et, un court instant, je me propose de lui annoncer que je vois sa bite. Allez savoir pourquoi, je me dis aussi, la seconde d'après, que ces cons-là ont un humour qui ne dépasse pas celui d'un gardien de camp de vacances en Pologne, alors je m'abstiens.

- Bonjour Môssieur, commence-t-il, les bras croisés au-dessus de son gros ventre rempli de Ricard et de cacahuètes parfumées à toutes les urines des chiottes des rades qu'il écume probablement en fin de service. Alors comme ça, vous devez vous rendre au commissariat ?

A noter qu'il s'exprime, comme presque tous les poulets de France, qu'ils soient fermiers ou non, avec un curieux accent méridional qui donne un peu plus de corps à leur discours toujours très nuls. Souvent, pour le peu que les condés m'accordent de temps et d'attention, je suis tombé sur des agents qui, en plus de puer le Pastis, chantaient un peu sur les accents chaleureux de la langue de Fernandel.

  • Oui,m'sieur le gendarme. Je m'y rends ce matin, en effet.
  • Et vous pouvez me dire ce que vous allez y faire ? Ma collègue, ici présente sous les formes voluptueuses du gendarme Dugenoux m'a dit qu'il était question d'aller vous...
  • Soulager les valseuses, en effet ! coupé-je sans ambage et tout sourire.
  • Vous n'avez pas de toilettes chez vous ? s'intéresse le gendarme. Vous êtes obligé de vous rendre chez nous, à presque cinq kilomètres d'ici pour uriner dans nos toilettes ? C'est un peu cocace, vous ne trouvez pas ?

N'oubliez pas de lire ces joyeuses tirades avec l'accent marseillais, s'il-vous-plaît, faute de quoi vous rateriez tout l'effet comique que ce gradé tentait d'imposer à la situation. Aussi, pour aller dans son sens et lui laisser une occasion de briller enfin aux yeux de sa cadette gendarmière, voire lui créer l'occasion de se l'embourber entre deux repas hamburgers-kébabs, je saute sur l'occasion pour lui donner du grain à moudre.

  • Non pas dans vos latrines, mon adjudant ! Tout le monde sait qu'elles sont inapprochables. Non, je me rends au commissariat pour pisser sous les fenêtres de vos collègues. D'ailleurs, si vous pouviez m'indiquer celle du Divisionnaire, je me ferais une joie de lui arroser les pâquerettes !

Le mec manque en avaler son sifflet ! Il pose ses mains sur ses hanches graisseuses, se rassure en une fraction de seconde quand il sent la crosse de son pétard qui pend plus bas que ses couilles puis, les jambes bien écartées sur le bitume pour ne pas tomber, il prend sa collègue à témoin et commence à me réciter une interminable litanie de conneries que j'écoute distraitement. Il est vrai que les discours guerriers de ceux qui n'envisagent le monde qu'au travers d'un Ordre qui à pour première vocation de tuer tous ceux qui ne sont pas d'accord avec eux ne m'ont jamais passionné.

  • Vous me présentez votre autorisation dérogatoire, siouplaît m'sieur, fait-il d'un air martial.
  • Tenez, mon capitaine ! m'empressé-je en lui tendant un torchon déjà cent fois gribouillé d'une date nouvelle et d'un horaire toujours fantaisiste.

Le flic s'empare du document, officiel en plein, et ouvre de grands yeux réprobateurs. A ce ciel bas de plafond que je vois se couvrir de sombres nuages, j'en déduis immédiatement que les choses vont se compliquer sous peu pour ma pomme. Il hésite une seconde puis, matant le cul de sa gendarmette, se rappelle que c'est lui qui peut franchir la ligne d'arrivée le premier à un cent mètres avec elle grâce au dix centimètres de bidoche qui balance sous son nombril poilu. Il prend ses choses en main, donc !

  • Veuillez sortir de votre véhicule, monsieur, fait-il d'un ton qui n'admettrait pas la réplique.

Je m'exécute donc, en attendant qu'il s'en charge à son tour.

  • Mettez-vous face au capot et poser les mains dessus, continue-t-il.

Immédiatement, je m'inquiète de ma virginité anale. Un gros flic libidineux qui veut jouer les matamores sous les yeux admiratifs d'une jeunette en formation oppressiste, faut me comprendre ! Mais, comme je tarde à obéir, il me brusque un peu et m'intime d'une voix menaçante d'obtempérer sans plus tarder. Sentant une goutte de sueur froide perler soudain à mes tempes grisonnantes, je me résigne et prend posture.

  • Monsieur, en vertu des règles de ma femme, de mes filles et de celles de la République, je me vois contraint de vous mettre aux arrêts. Vous serez déféré au Parquet de la Préfecture dans les quarante-huit à venir où un juge d'instruction vous indiquera le détail des crimes et délits reprochables au titre de tous les Codes de merde de notre Nation pas compatissante.

Et, là-dessus, je devine au son particulier qu'elles font, qu'il se propose de m'emprisonner les mains, pour commencer, avec ses horribles menottes. Alors, je me retourne rapidement, et je proteste d'un air surpris.

  • Vous allez me passer les menottes ?
  • Affirmatif ! Et il tend ses mains vers les miennes, armé de ses pièges à doigts tout chromés.
  • Si vous prétendez me passer ces engins aux poignets, je veux que vous les passiez d'abord dans un bain hydroalcolique !
  • Et puis quoi encore, monsieur ? glapit la fliquette qui n'attendait qu'une occasion pour se joindre à son responsable.
  • Vous ne respectez pas la distance sanitaire minimale d'un mètre ! complété-je d'une voix calme mais déterminée.
  • Vous allez voir ! s'emporte-t-elle d'une voix aigüe.
  • Et vous ne portez pas de masque vétérinaire, pardon, chirurgical pour me protéger des postillons que vous projetez en ce moment même dans ma direction.

Alors, là... Ils en sont comme deux ronds de flanc, les deux poulets. Ce qui les retient soudain, c'est mon ton calme. Mais le gradé en a vu d'autres, et de bien plus sévères. Il tente donc de reprendre l'avantage.

  • Monsieur, votre refus d'obtempérer constitue une faute grave, vous savez ? Si vous insistez, je vais devoir faire usage de la force. Et, comprenez-moi bien, Monsieur, je m'en voudrais de faire usage de ma force sur une personne de votre âge...
  • Et vous, si vous ne lavez pas vos menottes tout de suite, j'irai me faire ausculter par un médecin civil dès que j'aurai fini ma garde-à-vue, et armé d'un certificat indiquant que j'ai contracté le Covid19, je m'empresserai de diffuser l'information dans tous les médias contestataires de ce pays, juste avant de vous faire un procès, à vous et à votre chère collègue...
  • Faudra le prouver, lance la connasse, furieuse de voir son autorité contestée.
  • Pas dur ! Personne ne m'a touché depuis le début du confinement imposé par votre dictateur en herbe. Même ma femme refuse de me tripoter les roubignoles, de peur de se choper une misère grippale venue des Indes ! Il me sera donc très facile d'engager votre responsabilité, et ce gros con de Castaner lui-même aura du mal à faire taire les hyènes des médias.

Fatalement, la conversation s'est profondément envenimée. Faut dire que j'ignorais que les poulets en face de moi vénéraient leur ministre de tutelle au point de sortir les armes en m'intimant de présenter des excuses. Je leur ai donc tendu mes deux poignets joints et leur disant qu'ils pourraient toujours aller brûler un cierge eux-mêmes pour exorciser mes propos dont je ne voulais pas retirer la moindre syllabe.
Bien entendu, ces deux cons-là ont très mal pris la chose, se sont fait un devoir de m'embastiller sans douceur pour ensuite me jeter dans une de ces cellules dégueulasses qui puent l'alcool, la pisse et le vomi. Je suis resté enfermé pendant quelques heures. Jusqu'à l'arrivée d'un commissaire qui a rapidement compris que je n'étais qu'un emmerdeur de plus et qu'il n'y avait vraiment pas de quoi fouetter un chat. En bon père de famille, il m'a laissé moisir quelques heures de plus dans leur cachot infâme puis, venant en personne me libérer, un sourire narquois sur les lèvres, il m'informa que je pouvais rentrer chez moi, directement et sans faire le moindre détour.

- Et si vous savez le faire en toute discrétion, je vous indique la fenêtre de mon divisionnaire... fait-il à voix basse. C'est un putain de sale con, et ça me ferait plaisir si vous le faisiez.

On a échangé un regard complice, en silence, et il m'a emmené vers la sortie, m'indiquant très discrètement où me vider la vessie... J'y suis allé, l'air candide, et quelques instants plus tard, je remontais ma braguette, victorieux face à la répression policière nationale. Le commissaire attendait un peu plus loin, une cigarette au bec pour justifier sa présence à l'air libre. Il se contenta de me faire signe, un pouce levé vers le ciel puis disparut dans sa prison infestée de flics et de bandits.

Moi, heureux de ce temps perdu en confinements divers, je méditais tranquillement. J'ai toujours eu plus de respect pour les militaires que pour les flics. Les premiers prennent le risque de mourir face à des gens qui sont armés, parfois de la tête au pied, parfois en surnombre. Les flics, eux, s'ils leur arrivent de mourir, c'est seulement quand ils tombent sur des fous furieux suicidaires et embombés jusqu'au nombril. Un militaire tue parfois un homme armé et entraîné. Un flic tue parfois aussi, mais souvent des mecs comme moi, seulement armés de paroles sèches et intransigeantes.

Je m'approche d'un carrefour où attendre un taxi puisqu'on m'a emmené au poste mais ma bagnole est restée là-bas, près de chez moi. Et un flic, encore un, me regarde un peu de travers et me dit soudain d'un ton pas aimable :

- Allez, m'sieur. Rentrez chez vous. C'est pas parce qu'il fait soleil que le confinement est terminé !

- Non, m'sieur 'agent, vous inquiétez pas ; je fais pas relâche !

Puis, je me barre sans plus lui prêter attention, de peur qu'il ne veuille aussi jouer les gros bras à son tour. Cependant, je me dis que j'aimerais bien savoir où se trouve sa fenêtre, à celui-là aussi...

A suivre...

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