Pas les masques !

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Emile était sur le point de tout me dire. Mais voilà ! Comme dans toute histoire qui prétend présenter un peu d'intérêt, il faut toujours s'attendre au grain de sable. L'élément perturbateur, que ça s'appelle. Pour ce qui nous concerne, c'est le téléphone.
Ce truc vient de sonner, et Emile se referme comme une huître... Merde ! Je sentais pourtant qu'on allait avoir une super conversation. Comme la sonnerie insiste, je me résigne à quitter mon pote un instant. Et c'est Gaston (appelons-le ainsi, puisqu'il n'accepterait jamais autre chose), un journaliste qui vient parfois se frotter à mes critiques sanglantes quand il manque de sujet.

  • Salut, tu vas bien ?
  • Et toi ? dis-je avec humeur. Je peux pas te parler très longtemps, j'ai un cassoulet sur le gaz.
  • Je vais comme je peux, me répond-il, indifférent.
  • Tu vas pas bien ? fais-je, un peu étonné. Les hyènes ne manquent pourtant pas de charognes à exhiber en ce moment ! Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Ta bobonne veut plus te voir non plus ?
  • Je te rappelle qu'elle s'est barrée depuis des mois. Garde tes sarcasmes, si tu veux bien.
  • Alors, laisse-moi retourner à mes gamelles. Tout va brûler !

Gentil mensonge auquel il ne croit pas, bien entendu. Il sait que mes dons culinaires ne vont pas au-delà des oeufs sur le plat, des pâtes trop cuites et des steacks carbonisés.

  • En fait, reprend-il vite, je suis à la recherche d'avis de personnes avec un peu de jugeotte. Alors, je me suis dit que je pourrais t'appeler pour avoir ton opinion sur la situation actuelle, tu vois ?
  • Toujours aussi doué pour passer la brosse à reluire, à ce que je vois, apprécié-je avec acidité. Si tu veux des avis intelligents, pourquoi t'irais pas faire un tour chez ceux qui savent ? Comme ça, tu pourrais revenir avec un article enfin objectif !
  • Moi et mes confrères sommes honnêtes ! proteste-t-il immédiatement.
  • Non seulement, vous êtes des menteurs, mais en plus vous sucez d'abondance les burnes de tous les enfoirés qui nous oppressent ! Si j'étais dictateur, je ferais comme Macron et ses esclaves : je vous imposerais de dire ce que bon me semblerait ! Et surtout pas la vérité, bien entendu.
  • Calmos, amigo ! fait Gaston d'un ton conciliant. Je suis honnête, je dis la vérité.
  • Non, tu pérores et tu te contentes de chanter les louanges et les mensonges de ceux qui nous manipulent.
  • Sacré complotiste ! rigole-t-il.
  • Ouais, et je t'emmerde !
  • Bon, ça c'est dit... Et à part ça ?
  • Mon cassoulet va cramer.
  • Je vais bientôt raccrocher, t'inquiète. Donc, si je résume ces premiers échanges, tu estimes que le gouvernement raconte des conneries et manipule tout le monde ? C'est bien ça ?
  • Tu veux vraiment savoir ce que j'en pense ?
  • Sinon je t'aurais pas appelé, vois-tu... confirme Gaston.
  • Ok ! Alors voilà : C'est le dix-septième jour, paraît-il. Je marche sur la tête. Jamais encore je n'avais cru qu'un monde pourrait s'arrêter pour une pandémie qui n'en est pas une.
  • Quelques milliers de morts dans le monde, c'est pas rien !
  • Fais le ratio, mon pote : 7 milliards de personnes et quelques milliers de morts dans le monde, surtout des personnes âgées... Tu me dis quel pourcentage ça fait ? Non, le dis pas : tu serais pas crédible à continuer de me parler d'apocalypse, de millions de morts, de virus qui défie les lois de la gravité, meilleur survivaliste du monde, et toutes vos conneries de merde !
  • Et tu penses que toutes les principales puissances du monde choisiraient de perdre des milliards de dollars, des millions d'emplois, des milliers de vies ? Dans quel but ?
  • J'en sais rien, foutrement rien. Mais je peux pas m'empêcher de penser que tout ça c'est de la merde ! Tu pourras jamais me convaincre qu'une grippe qui tue quelques milliers de vieillards est plus redoutable qu'une grippe qui en 1918 a effacé la moitié de la population de l'Europe.
  • J'entends cet argument un peu partout, tu sais ?
  • Alors, pourquoi est-ce que vous ne mettez pas les pieds dans le plat, une bonne fois ?
  • Ben...
  • Je vais te le dire, moi ! Vos patrons sont des milliardaires, des hommes d'affaires qui, en plus d'être des combinards plus futés que les pires escrocs du monde, sont des pervers profonds, habités par l'ambition de soumettre une planète entière à leurs délires. Je voudrais que la guerre soit enfin descendue dans les rues pour que je puisse aller leur foutre une bastos entre les mirettes, à ces enfoirés, tu vois ?
  • Grosse colère, donc... note-t-il avec application. Et ensuite ?
  • Après les pontes, je retournerais mes armes contre vous, les chiens de garde. Vous êtes impardonnables de trahir les peuples pour lécher le fion de ceux qui vous nourrissent. Des clébards, rien d'autre !
  • Merci, je m'en souviendrai. C'est tout ?
  • Ouais, parce que je veux pas perdre mon cassoulet à cause d'une pétasse en cravate. Salut !

Je raccroche, ivre d'une colère que je n'avais pas vu venir ! Emile est là, à côté de moi. Je ne l'avais pas vu non plus. Il rigole doucement, le mec !

  • Ben, tu vois. Avec ma gonzesse, on en est à peu près là ! Au niveau décibel, je veux dire, hein !
  • Lui, c'est pas ma gonzesse ! Il m'énerve ce mec, toujours à venir picorer un peu de ma haine pour alimenter ses commentaires de merde !
  • Et tu sais qu'ils ont en projet de nous imposer le port d'un masque en permanence ? pouffe-t-il, sûr de ma réaction.
  • Quoi ? m'étranglé-je. Un masque ? Jamais ! Ah non, pas les masques !
  • Bas les masques ? rigole-t-il encore plus fort. Mais c'est pour ton bien !
  • Non, c'est pour assurer les ventes des potes à Macron qui vont se faire des couilles en or sur notre dos ! C'est insupportable à la fin !
  • Si tu en portes pas, ils te colleront des amendes, menace Emile.
  • Je payerai pas !
  • Tu iras au placard si tu récidives !
  • Eh ben, j'irais en taule !
  • Mais pourquoi, à la fin ? Un masque, c'est pas un boulet accroché à ta cheville !
  • Je ne suis pas un jouet ! Depuis trois semaines, ces fils de pute nous chantent que seuls les toubibs méritent de porter un masque, qu'ils sont inutiles pour les autres, et maintenant qu'ils en ont commandé des milliards, il va falloir que j'écoule les stocks à mes frais ? Et puis quoi, encore ?
  • Et ta santé ?
  • Elle va bien, et elle t'emmerde, peau de bite !
  • Tu as pensé à ta famille ?
  • J'arrête pas ! Et s'ils continuent à nous prendre pour des cons, faudra bien descendre un jour dans les rues pour foutre le feu une bonne fois ! Et s'il le faut pour protéger mes mômes, alors je serai parmi les premiers à brûler l'Elysée !
  • Tu dis n'importe quoi ! fait Emile.

- Ouais...c'est vrai.

Un petit temps mort. Je me calme doucement.

  • Hè... ça fait du bien un petit coup de gueule de temps en temps, hein ? reprend Emile en jetant un regard amusé et complice.
  • Ah ouais, putain ! Et pas qu'un peu ! Viens, on va boire une bière ! Sans faux col.
  • Et sans masque ! conclue Emile.

A suivre...

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