Chapitre 2 - Atelier clandestin

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Fleed, Automne 1979, année terrienne

Les quatre scientifiques de l’Institut Géologique et Archéologique arrivèrent en file indienne dans la salle souterraine, inquiets du silence de Vairan. Leurs lampes torches balayaient le sol, le plafond et le mur à sa recherche quand ils aperçurent son corps gisant à quelques mètres à droite de l’entrée.

- Chef !

Beata Valqus s'accroupit devant le responsable de l’expédition. La jeune femme avait étudié la médecine quelques années avant sa formation de biologiste. Elle tendit une main pour toucher son front. Il était brulant.

- Ren, pointe la lumière vers moi, s’il te plait. Je dois regarder s’il est blessé.

Elle se débarrassa de son sac à dos d’un coup d’épaule, en sortit une bouteille d’eau et un chiffon qu’elle humidifia. Vairan gémit sous la fraicheur sur sa peau.

- Chef, vous m’entendez ? Où ressentez-vous la douleur précisément ?

Ses deux mains entouraient la tête doucement, ses pouces appuyaient contre les tempes quand elle fut projeter soudainement en arrière. Les bras de l’homme s’agitèrent, les jambes tremblèrent, son dos se arqua.

- Merde, il convulse.

Elle voulait le mettre sur le côté pour éviter qu’il ne s’étouffe mais savait que la crise devait passer.

- Ren, peux-tu me donner une couverture ?

Tandis qu’elle installait le tissu que le mécanicien rondouillard lui tendait, les spasmes se calmèrent. Elle bascula sa tête doucement en arrière pour libérer les voies respiratoires puis l’installa en position latérale. Sa respiration était bruyante et rapide mais il commençait à papillonner des yeux.

- Je suis là Vairan, chuchota la jeune femme, sa main caressait les cheveux de Baron. Reviens à nous, s’il te plait.

Pendant que Beata soignait leur chef, Emilio Barta utilisait le faisceau tremblotant de sa lampe de poche pour découvrir un peu mieux l’endroit où ils avaient atterri. Il avança le long de la paroi, trébucha, se cogna contre des obstacles qu'il ne put identifier au toucher en dehors de la sensation du métal froid. Ses doigts tâtonnaient dans le noir sur la roche froide, fébriles. Il n’aimait vraiment pas les espaces fermés. Sa respiration s’emballait. Il devait trouver quelque chose, n’importe quoi qui lui permettrait d’endiguer la panique qu'il sentait l’envahir. Il trouva enfin un boitier surmonté d’une manette. Lorsqu'il toucha le commutateur, une étincelle bleue jaillit puis les lumières l'éblouirent et l'obligèrent à porter un bras sur ses yeux. Choqué par ce qu'il voyait, bouche bée, il s'appuya contre le mur.

Devant lui se dressait un laboratoire scientifique, des consoles informatiques, des machines mécaniques, des pièces métalliques de toutes formes. Il s’approcha d’une table surmontée de plusieurs écrans, des claviers, des manettes, des boutons divers et variés. Sa curiosité l’emporta. Il oublia la peur, il oublia ses camarades. Tout ce qu’il vit était le bouton de démarrage, reconnaissable par le symbole universel. Aussitôt, l'ordinateur principal se mit en marche activant les autres consoles.

— Ça alors... Qu'est-ce que cet endroit ?

— On dirait… Non, ce n’est pas possible…, refuta Cosima.

Barta et Ren la regardèrent interrogateur.

— A quoi penses-tu ?

La jeune femme ne répondit rien pour l’instant. Elle navigua entre les ilots, scruta les écrans qui affichaient des schémas, caressa les surfaces du bout des doigts. Son visage était fermé, douloureux. Des images qu’elle voyait dans ses rêves refaisaient surface. Elle ferma les yeux un instant.

— Ce laboratoire, c’est…

— Un des nombreux centres de recherche secrets de Vega.

La discussion avait sortie Vairan de sa léthargie. Où était-il ? Quel était ce bruit qu’il entendait comme un battement de coeur ? Il s’assit brusquement repoussant du bras Beata qui était penchée au-dessus de lui.

— J’ai entendu parler de ces endroits quand j’étais dans la résistance sur Pallas, ajouta-t-il devant son équipe qui attendait les explications.

Il se releva chancelant, avec l’impression d’avoir un marteau piqueur dans la tête. Beata lui offrit de l’eau qu’il but avec avidité puis il jeta un regard circulaire dans la pièce.

— Que viendrait faire ici des ingénieurs de Vega ? N’étaient-il pas sur Stykades puis sur le satellite de Terre ?

Il haussa les épaules.

— Peut-être ont-ils trouvé des minerais essentiels pour la création de leurs engins ? Nous devons analyser ces données et continuer notre exploration. Concentrons-nous d’abord sur le plus urgent. Nous allons rester ici plus longtemps que je n’avais prévu. Cette découverte est d’une grande importance. Faisons les analyses les plus poussées avant que nous retournions sur Euphor et fassions notre rapport.

— En plein dans le mile, chef. Regardez ça ! C’est une vraie mine d’information, s’exclama Barta, derrière lui. Je n’ai jamais vu cela. On dirait qu’ils ont utilisé cet endroit comme lieu de sauvegarde de toutes leurs expériences.

Vairan s’approcha de l’informaticien de l’équipe.

— Explique-toi !

— Eh bien, là on a les plans d’un animal qui se sont affichés dès que j’ai appuyé sur le bouton rouge. Ici, il y a des quantités de fichiers répertoriés en catégorie et chronologique. Je vais devoir travailler sur un logiciel pour éclaircir tout cela et j’espère avoir une base de données de recherche plus facile.

Pendant qu’il parlait, il appuya sur une série de boutons. Les quatre petits écrans devant sa console présentaient des informations différentes : schéma avec chiffres et formules, fiche d’identité, plan géographique, etc.

— Ok, fais ce que tu peux.

Vairan se tourna ensuite vers la biologiste qu’il jaugea du regard.

— Beata, trouve un endroit pour installer notre campement. Ren et Cosima venez avec moi.

Il s’empara du pistolet que la spéléologue tenait dans la main et s’engagea en premier dans le corridor situé en face de l’entrée de la caverne. Il était éclairé de lumières jaunes crachotantes. Le sol criblé de gravillons crissait sous leurs pieds. Il y avait des portes séparées entre elles de trois mètres environ, de chaque côté des parois. Une petite fenêtre permettait de voir l’intérieur. Les six premières étaient simplement des pièces de stockage ou des bureaux. Puis le couloir tourna sur la droite. Cette fois, ce furent des pièces avec couchette. Certaines avaient encore du linge dessus ou des objets personnels sur les meubles. Ils arrivèrent devant une double porte métallique. Vairan essaya la longue barre qui servait de poignée mais celle-ci ne bougea pas.

— Tu permets ?

Cosima pointa son pistolet laser dans l’interstice et dessina un cercle autour de la serrure. Puis elle tapa un coup sec dessus. Cherchant rapidement l’interrupteur, elle ne put retenir une exclamation.

— De mieux en mieux. C’est vraiment un repère veghien.

La salle était deux fois plus grande que celle des ordinateurs. Des vestiges inachevés trônaient ça et là, abandonnés certainement suite à la fuite précipitée des scientifiques lors de la récupération de la planète par les résistants fleediens et l'annonce de l'assassinat du Grand Stratéguerre. Les deux explorateurs se regardèrent, les yeux brillants. Ils avaient découvert un véritable trésor : l’atelier de construction des monstres mécaniques.

— Là-bas, près de la vitre de contrôle, il y a encore une porte, remarqua la jeune femme.

Tout en examinant la salle, elle enjamba des gravats en direction de cet accès. Un autre couloir plus court et en légère pente l’amena dans ce qu’on pourrait appeler un hangar bien que le nom ne convenait pas pour une construction en pierre dans une montagne. Toutes les navettes n'avaient pas quitté les lieux. Une soucoupe ronde, verte et bleue, surmontée d'une antenne dont le bout se terminait par une boule, attendait, capot ouvert sur l'aire d'envol. La caverne s'élevait vers une ouverture en hauteur qui permettait la sortie verticale de l'appareil.

— Ren vérifie chaque appareil présent, ordonna Vairan. Cosima, retournons dans le laboratoire. Je voudrais bien savoir ce qu’ils ont fabriqué.

Revenus sur leurs pas, les deux scientifiques examinèrent l’atelier. Au centre de la pièce un grand cylindre fermé montait jusqu’au plafond. Son diamètre était d’environ vingt mètres.

— C’est quoi à ton avis ? demanda Cosima qui tâtonna du bout des doigts la paroi froide.

Le jeune homme en fit le tour.

— Vu les débris au sol, je dirais que cela permettait de cacher le monstre pendant la construction.

— Je n’ai jamais compris ce qu’ils cherchaient à atteindre.

— Ils voulaient reproduire Goldorak. Mais ils n’ont jamais réussi à l’égaler.

— Ils y sont presque arrivés non ?

Vairan haussa les épaules.

— Oui mais à chaque fois, l’engin explosait.

— Comment sais-tu tout cela ?

— Pendant que j’aidais la rebellion sur Pallas, j’ai côtoyé des rescapés venant d’autres planètes. Ce n’est pas le seul atelier. Sur chaque planète conquise, ils ont réquisitionnés les meilleurs chercheurs. Ils les ont forcé à travailler pour eux sous la menace de tuer leur famille.

Ses yeux se voilèrent un instant.

— Ils ne savaient pas que ces promesses étaient vaines. Les familles étaient embarquées dans les camps de concentration et peu en sont revenus.

— Vairan…

Cosima posa une main sur l’épaule de son coéquipier.

— C’est fini maintenant.

Les deux mains posés sur le cylindre, Vairan ferma les yeux un instant :

— Oui, heureusement, nous avons réussi à mettre fin à tout cela mais pour combien de temps ? Il y aura toujours quelqu’un qui voudra être plus puissant que les autres.

Alors qu’il posait son front sur la surface froide, la paroi s’ouvrit sur une lumière avenglante. Il perdit l’équilibre et tomba en avant. Clignant des yeux plusieurs fois pour retrouver la vue, il eut devant lui une vision des plus effrayante. Il recula précipitamment. Les battements qu’il avait entendus à son réveil dans la salle des ordinateurs surgirent à nouveau. Un grondement envahit la pièce. Avant qu’il ne puisse réagir, une douleur atroce l’assaillit. Il poussa un hurlement quand une voix lointaine crachota. Il ne comprenait pas les paroles, occupé à lutter pour rester conscient en vain. La dernière chose qu’il vit lorsque les ténèbres l’emportèrent, fut un reflet rouge sombre et deux perles jaunes fendues.

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