1.2 L'homme dans la cellule

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 Zach resta stupéfait avant qu'un nouveau coup de pied l'étale de tout son long, heurtant dans sa chute le chevalier.

« Qu'y a-t-il Zach? La vue de la lie de l'Empire Fédéré te dégoûte ?

Il agrippa la tignasse hirsute du prisonnier pour plonger sa tête au-dessus du vide.

– Regarde ! Regarde bien, car ce sont eux qui viendront ravager vos terres et prendre de force vos femmes et ce qui leur est dû ! »

On pouvait sentir dans sa voix la haine qu'il vouait aux hommes ou peut-être était-ce à l'Empire… D'un geste violent, il le balança contre la paroi. Le souffle coupé, Zach s'abstint de répondre.

[ Obéis, soumets-toi…]

D'un coup de pattes, on l'invita à reprendre la route. La peur au ventre, il se releva maladroitement et se remit en marche fixant ses pieds. Quatre autres individus l'attendaient. On le fit rentrer dans une cage montée sur une petite charrette. Elle était tirée par une étrange bête dont la physionomie ressemblait vaguement à un grand bouc, mais les pattes arrières étaient écailleuses et ses cornes imposantes représentaient un tiers du volume total. Puis, on recouvrit d'une épaisse toile de jute sa nouvelle cellule. L'empêchant de distinguer ce qui se passait aux alentours. Dans ce silence, les grincements des roues qui se mettent en marche se fit entendre suivit du cahotement sur la route pierreuse. Alors commença un morne voyage, qui lui fit perdre toute notion du temps. À l’extérieur du convois, seul une légère réverbération des voix contre les parois lui indiquait qu'ils étaient encore sous terre. Ils firent halte pour se reposer, mais personne ne vint lui donner de quoi se sustenter. Zach préférait mourir de faim que quémander quelque chose et de risqué d’être roué de coups.

[ Par pitié, fais toi petit... Ils t'oublieront… ]

Discrètement, le captif souleva un pan de tissu pour y jeter un œil. Au-delà de la lumière projetée par le feu de camp, une forêt de stalagmites se dressait autour d'eux. Sur les escarpements, de fins cristaux de quartz répercutaient la lueur orangée des flammes, l'étrange bête de trait paissait des lichens accrochés sur la paroi scintillante. Malgré la quiétude environnante, les gnoles semblaient s'agiter grognant et parlant la langue Chaotique entre eux. Le chevalier rentra dans le champ de vision du prisonnier.

« Bande de peureux ! J'ai l'autorisation de passer sur leurs terres, nous sommes bientôt à destination. »

Mais il n'eut pour seule réponse qu'un grognement haineux. D'un mouvement vif, il sortit son épée au clair, transperçant le réfractaire qui n'eut pas le temps d'esquisser un geste.

« Je ne suis pas ton chef de horde ! puis, s'adressant aux autres. Manquez-moi de respect et vous subirez le même sort que votre camarade ! »

La bête convulsa un moment au sol, du sang foncé écumant de sa gueule, puis s'immobilisa, morte. Ses comparses le dépouillèrent de ses armes et jetèrent son corps à l'extérieur du campement. Zach se roula en boule dans un coin de sa cage. Une ombre se dessina sur la toile grossière.

« Demain, tu rencontreras mes maîtres, fais en sorte de les contenter ou je te ferai subir pire que ce monstre…

Pendant qu'il parlait, sa main caressa le tissu épais pour se refermer brusquement, laissant une marque chiffonnée. Puis, la silhouette s'éloigna.

Zach se recroquevilla un peu plus, ces menaces lui semblaient bien trop concrètes, qu'attendait-on de lui? Quelle attitude adopter ? Il soupira laissant un échapper un sanglot.

[ Prosternes toi, supplie-les, ainsi nous ne souffrirons plus...]

Il aurait pu, avec des efforts, extraire un clou d'une des planches de la charrette pour crocheter la serrure grossière de sa cage, mais cette voix sans cesse l'en dissuadait, lui trouvant toujours des excuses. Il ne put fermer l'oeil tant la faim le tiraillait. Son estomac paraissait faire des noeuds dans son ventre. Le bivouac reprit vie quelques heures plus tard, indiquant sans doute le matin au-dehors. Traversant la toile, un gantelet d'acier noir lui tendit un bol de nourriture.

– Mer..ci..

Il saisit la pitance doucement, craignant une ruse. Mais rien ne vint. Il ajouta avant que la main disparaisse :

– Comment dois-je vous appeler sire ? »

Pendant un temps rien ne se produisit, puis la tenture s'ouvrit en grand. Dans ce triangle donnant sur l'extérieur, le heaume sombre se détachait légèrement de l'arrière-plan que constituait la pénombre de la galerie souterraine. Deux yeux d'un gris bleu le fixaient. Puis, il éclata d'un rire féroce, une douleur semblait y puiser sa source.

[ Idiot... pourquoi... supplies le de te pardonner…]

« Mon maître m'a adoubé sire Chevalier Vengeance. Je suis son poing armé qui s’abattra sur ton peuple de lâche !

Il porta sa main libre sur son pommeau de sabre intentionnellement. Zach sursauta à la vue de l'arme. Vengeance savoura l'effet escompté.

– Je l'ai reçu en cadeau à ma consécration. Son ancien propriétaire était un crétin doublé d'un faible. Mais sa lame était de bonne facture. Sa mort ne manquera à personne… » son regard semblait brûler d'une rage nouvelle.

Le jeune homme recula au fond de sa cage apeuré. Au départ de son tortionnaire, les mains toujours tremblantes alors qu'il ingurgitait avec ses doigts raides le gruau immonde, il songeait à l'épée connue…

Ils reprirent le chemin. Zach épiait du mieux qu'il pouvait, mais les tunnels se ressemblant tous, il perdit tout intérêt à suivre sa progression. Finalement, le trajet prit fin au bout de ce qui lui sembla être une éternité. Un des gardes souleva le tissu et lui ouvrit la porte de fer dans un grincement strident. À sa sortie, il restait stupéfait. Dans une caverne immense, des rais de lumière provenant de trouées dans sa voûte, venaient percer les ténèbres, dardant de ses faisceaux moirés un palais taillé à même la roche. Des colonnades gigantesques gravées de motifs redondants décoraient ceux-ci. Mais le plus spectaculaire étaient les deux gardiens de pierre aussi grands que le Fou du Roi soutenant un bas relief. Celui-ci faisait penser à l’intérieur de Sombrevie. Une cohue de monstres divers se chamaillant autour d'un point central. Les détails étaient impressionnants. Tout était symétrique, des minarets sur les côtés aux nombres d'ouvertures et de balcons.

Seuls les deux gardiens et la sculpture centrale étaient différents, l'un était un démon cornu, habillé d'un plastron et d'une tunique courte entièrement en marbre blanc veiné de rouge porteur d'une hallebarde en acier. L'autre ressemblait à une bête aquatique croisée entre les tentacules d'une pieuvre et la partie supérieure d'un batracien… Elle portait uniquement une spalière et sa tête de crapaud un casque de guerre, d'un marbre vert veiné de blanc brillant. On aurait dit qu'elle venait juste de sortir des profondeurs de l'océan. La petite troupe se mit en marche vers l'entrée, en passant la monumentale porte. Zach ne put réprimer un dernier regard vers les titans, frissonnant devant les détails des gravures. À l'intérieur, on était bien loin de la puanteur de la crevasse d'où on l'avait sorti. Des encens laissaient voler leurs volutes de fumée, parfumant l'immense vestibule.

Partout, des servants soumis vaquaient à leurs besognes, déambulant et prenant bien soin d'éviter les visiteurs. Des gardes chaotiques se trouvaient devant chaque entrée, observant les nouveaux arrivants. Le jeune homme suivait tant bien que mal sire Vengeance, celui-ci se mouvait avec détermination. Grimpant les marches d’un escalier principal, passant devant une multitude de portes et de couloirs, pour finalement ralentir devant un second escalier en colimaçon. Le chevalier eut une imperceptible hésitation. Les deux gnoles fermant la marche s'arrêtèrent, laissant leur chef continuer avec son prisonnier. Ils s’engagèrent dans les marches. Zach remarqua qu’à l’inverse du rez de chaussée, ce niveau n'était plus gardé…

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