18. Divination pour futur incertain

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 La vieille femme s'était levée avec un étrange sentiment, le groupe de voyageurs qui s'était installé aux abords du temple la veille devait sans doute y être pour quelque chose. Alors qu'elle traversait le cloître, saluant les prêtresses devant son passage, la petite Aloïse manqua de la faire trébucher, filant comme une flèche sans même s'excuser. Cette petite allait donné du fil à retordre à sa mère, dans le futur, celle-ci devra être plus sévère concernant l'éducation de sa petite fille. Son don promettait d'être puissant, mais cela n'empêchait quand même pas de la laisser faire tout ce qu'il lui plaisait… A l'ouverture des deux lourdes portes battantes, un homme en armure se tenait déjà prêt.

« Bonjour ! Je suis sire de Sigismond, mon expédition et moi même sommes mandés pour une mission de la plus haute importance par Theoldwyn Larissian empereur et souverain de l'Empire Fédéré. Pour preuve, cette missive attestant de ma sincérité.

Il lui tendit une lettre cacheté de cire. Un aigle couronné tenant une rose dans ses serres y était moulé. Cela la ramena quinze ans en arrière...

– Entrez, nous nous doutions de votre visite. Laisser vos gardes ici, une prêtresse va s'occuper d'eux et suivez-moi… »

Ce fut un deuxième chevalier qui donna des directives, et une partie de l'escorte resta dans le cloître. Elle les emmena voir sa fille, la grande prêtresse. Ils rentrèrent dans la nef principale et vieille femme leur fit signe de patienter. Elle revint avec une jeune femme simplement habillée, on aurait pu la prendre pour n'importe laquelle des paysannes qu'ils avaient croisées durant leur route. A y réfléchir, toutes les devineresses qu'ils avaient vues dans le temple étaient habillées ordinairement...

« Bonjour aventurier, nous attendions votre visite. Je suis la descendante des Mères, Lyanna. Vous avez déjà rencontré l'ancienne prêtresse, ma mère, qui est aujourd'hui un peu notre intendante. L'intéressée inclina la tête avec humilité. Ces derniers temps, nous avons rêvé d'un futur incertain où la guerre faisait rage et où des abominations étaient perpétrées. Heureusement, l'avenir n'est pas gravé dans la roche...

Alderic prit la parole.

– Effectivement, nous venons pour cette possibilité. Mais avant tout sachez que l'empereur exige la plus grande discrétion dans cette affaire, afin de ne pas effrayer les foules.

– Les divinations sont toujours données en privé, ce qu'en fait son détenteur ne tient qu'à lui... Mais sachez que cet avenir ne touche pas que votre groupe, et c'est l'entièreté du royaume qui est frappée par cette éventualité.

Alderic sembla plongé dans sa réflexion et ce fut le capitaine des chevaliers qui intervint.

– Si je comprends bien, cela veut dire que certaines de vos ouailles peuvent déjà être au courant...

– Oui, si cela affecte leurs futurs d'une quelconque manière…

– Soit, il est trop tard pour y remédier, espérons que cela ne crée pas trop de problèmes. J'aimerais que vous tiriez la bonne aventure à mon groupe.

– Sieur De Sigismond, les prêtresses ne "tirent" pas la bonne aventure, la réprimanda-t-elle. La vieille intendante se pencha à l'oreille de sa fille pour y murmurer. Je tiens à vous mettre en garde, ma mère me signale que certains d'entre vous sont déjà venus par le passé. Sachez que si le futur prédit lors de leur premier entretien ne s'est pas produit, cela peut être le signe d'un changement, mais une seconde intervention des oracles peut aussi attirer la malchance... Tous se tournèrent vers le Duc de Bushnell.

– Il est temps, je vous recevrai chacun à votre tour dans la loge. Après cela, elle les quitta pour entrer dans la pièce accolée à la nef.

– Bien, les plus jeunes iront en premier suivra le reste par âge... »

Le premier à entrer fut Ruben. La pièce était nue, une ouverture rectangulaire prodiguait un rai de lumière sur le mur opposé et seule la statue de l'oracle originel décorait la loge. Au centre, une table en pierre accompagnée de deux chaises y étaient installées. La prêtresse se tenait assise sur l'une d'elles, paume des mains tournée vers le haut posé sur le marbre de la table, la mine fermée.

– Je n'ai pas besoin de savoir ton nom, il me faut juste un contact avec le demandeur. Avant de commencer, sachez que je peux me tromper. Le futur est changeant et le décryptage des visions peut s'avérer obscur... Mais mon don reste fiable. Le garçon s'assit et déposa ses mains dans celles de la femme. Un silence suivit, la fraîcheur de la salle englobait les deux personnes. Finalement, elle s'exprima.

– Tu sembles être une personne chanceuse en général… Votre expédition sera traitée à mal. J'entraperçois des combats...

– Est-ce que je vais mourir ? L'inquiétude teintait sa voix.

– Je ne sais pas mon garçon... mais tu sembles avoir un ange qui veille sur toi. Je t'ai vu en un lieu seul, livré à toi-même. Mais il y a toujours cette ombre qui te suit. Elle continua. J'ai vu une jeune fille blonde, tu sembles la regarder avec les yeux de l'amour, mais cela semble compliqué… Après quelques futilités, il céda sa place à Solis. Après le même cérémonial, il donna ses mains à l'oracle. Le silence sembla durer une éternité.

– J'ai vu votre secret... Vous devrez le révéler au bon moment pour aider vos compagnons, sinon cela aura des conséquences... Je vous ai vu sur un champ de bataille talonnant votre monture, la peur inscrite sur le visage. Vous aurez un rôle important, de vous dépendront énormément de choses... Je vois énormément de tristesse. Après un nouveau silence, elle termina par ces mots : je suis désolée... Déboussolé, il sortit silencieusement de la pièce. Puis vint le tour d'Oliver.

– Vous vous imposez des contraintes... Elles vous porteront préjudice... Je vois beaucoup de batailles et pour respecter ses promesses vous subirez une grande perte.

– Cela veut-il dire que je vais succomber ?

– Peut-être... Cela dépendra de vos choix... on ne peut être sûr de rien avec l'avenir... Il ressortit de là perplexe.

La seule promesse qu'il avait faite était à Élinea... Son regard se posa sur le frère de celle-ci. Ruben lui rendit un sourire enfantin. Voilà ce qu'il en était... Alderic lui tapota l'épaule en réconfort et entra à son tour.

Nouveau cérémonial.

– Votre tâche sera ardue. Beaucoup de responsabilités et de décisions difficiles à prendre... Vous devrez garder votre groupe uni... Je vous vois attaquer une femme très belle...

– Vous devez vous tromper, jamais je ne m'en prendrais à une femme !

– Je sais... elle continua, je vous vois agonisant sur le sol froid. Je suis désolée de jouer les oiseaux de mauvais augure.

Anxieux, il laissa sa place à Jehain. Avant de s'asseoir, celui-ci examina la statue puis s'installa tranquillement avant de donner ses mains étrangement délicates pour un guerrier. Elle se figea, perplexe, puis subitement ôta ses mains des siennes avec répugnance. Un sourire narquois naquit sur le visage anguleux du guerrier.

– Vous... vous êtes un meurtrier ! Le dégoût marquait son visage

– Rien d'anormal pour un guerrier... Son visage exprimait la satisfaction que suscitait ce moment.

– Vous êtes différent ! Vous prenez plaisir à donner la mort...

– N'étiez-vous pas censée me dévoiler mon futur. S'attarder sur mon passé ne m'avance en rien ! A contre-coeur, la prêtresse reprit les mains du guerrier.

– Votre passé est le reflet de votre futur... Mais votre secret va être découvert.

– Ha bon ? Et par qui ? La curiosité prit le pas sur le jeu.

– Un homme, je ne l'ai pas vu dans votre groupe.

– Et c'est tout ?

– Pour vous oui.

– Concernant nous deux ?

– Comment ça , nous deux ? Elle semblait stupéfaite.

– Hé bien vous et moi... Sa phrase resta en suspens, laissant deviner les désirs de l'homme. La peur gagnait l'oracle, le regard de celui-ci était celui d'un prédateur ... Elle trouva le courage de sortir son petit coutelas de sa ceinture et posa son poing armé sur la pierre.

– Vous devez sans doute parler de la vision où l'on retrouve vos bourses suspendues au-dessus des portes du temple… Bien qu'elle se voulait assurée, sa voix trahissait la peur.

– Vous l'avez dit vous-même, je suis un meurtrier… Je n'aurais aucun scrupule à retourner le couteau contre vous et à abuser de votre corps encore chaud… Un long et inquiétant silence se fit. Cette fois-ci, la terreur gagna la femme, elle dirigea son regard sur la porte pour évaluer ses chances de fuite. Et avant qu'elle n'agisse, Jehain reprit.

– Voyons, je plaisantais ! Je suis un gentilhomme. »

Toujours sous le coup de l'émotion, elle resta tremblante, il se leva, esquissa un baiser d'adieu avant de partir.

Il rejoignit les autres de sa démarche nonchalante. Ceux-ci se tenaient assis, moroses, les divinations avaient été sombres pour chacun d'eux. Contre toute mise en garde, le Duc se dirigea vers la loge. Il en ressortit quelques instants plus tard, la mine déconfite…

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