20. Conciliabule

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" Ruben m'a confié cette après-midi que vous étiez au fait d'une légende elfique sur le destructeur.
Le ton semblait être dit sur le badinage, mais le fait qu'il eût été convié dans le "cercle des initiés" où se regroupait l'expédition pour discuter entre membres prouvait que son plan avait fonctionné. Arsen s'assit face à son interlocuteur, scrutant la tente. Un confort modeste, des meubles de voyage simples, mais de bonne facture ornaient celle-ci. Alderic déposa une timbale de vin devant le barde.

  • Pouvez-vous m'en dire plus ?
    Il était temps de pousser son avantage.
  • Je ne comprends pas très bien vos attentes...
  • Il s'agit d'un sujet délicat, sur lequel je préfère rester secret...
  • Je vois... Dommage, dans ce cas je vais retourner près de mon feu... Il fit mine de se lever. Le paladin le retint par l'épaule.
  • D'accord, d'accord ! Vous avez gagné ! Mais dites-moi ce que vous savez avant.
  • Écoutez, je vous raconterai tout ce que vous vous voudrez mais en contre-partie je veux votre parole de gentilhomme que je ferai partie intégrante de votre groupe.
    Sigismond se tut, soupesant les conséquences. Arsen en profita pour enfoncer le clou.
  • Je vous serai utile, je parle plusieurs langues et je me débrouille un peu au combat et qui plus est, je suis d'agréable compagnie, non ?
    Il déploya un sourire franc qui se voulait convaincant. Après un temps de réflexion, Alderic se laissa convaincre.
  • Vous avez ma parole. Mais vous devrez suivre mes consignes à la lettre. Maintenant, expliquez-moi ce chant concernant la pierre...
  • Je vous obéirai au doigt et à l'oeil ! Pour ce qui vous intéresse, vous savez sans doute que par ma formation de barde je voyage énormément... Et une de mes pérégrinations m'a amené en territoire elfique. Toujours en quête de nouvelles histoires et de nouveaux chants, j'y ai appris cette ballade tirée de la légende. Les elfes sont une peuplade charmante où l'histoire et la nature ont une place importante.

Le récit composé était une manière de donner vie à son personnage. Il avait déjà remarqué du temps du Fou du Roi que la plupart des ménestrels étaient imbus d'eux-mêmes et adoraient s'écouter parler.
Agacé par la longueur Alderic l'interrompit.

  • Il me semblait pourtant qu'ils étaient méfiants envers les hommes... Bref ! Venez-en au fond.
    Arsen avait préparé son histoire plus tôt dans l'après midi. Dans l'empressement et malgré sa honte, il en avait oublié sa mixité... Il devait réparer son erreur afin de ne pas tirer davantage l'attention sur lui.
  • L'éloquence peut ouvrir bien des portes ! Vous verrez, je vous serai utile... Mais je digresse. Dans cette chanson, la pierre a été divisée pour aider les guerriers à vaincre le destructeur...
  • Que sont-elles devenues ?
  • Vous savez, les conteurs s'intéressent uniquement à l'histoire en elle-même. Ce qui se passe ensuite n'est pas "vendeur"...
    Il fit mine de réfléchir pour donner de l'ampleur à la suite.
  • Mais je pense que vous trouverez vos réponses si vous vous rendez à Eliteas...
  • Arsen, voulez-vous réunir le reste du groupe s'il-vous-plaît ? "
    Lorsqu'il quitta la tente, Alderic s'affala lourdement à la place que le barde venait d'occuper. Et d'un air préoccupé, il laissa échapper un soupir. Les siècles écoulés semblaient avoir étiolé le haut fait, minimisant les actions des uns et des autres, pour ne laisser qu'une légende incomplète. A présent, cette nouvelle allait avoir des conséquences sur la suite des événements...

À l'extérieur, une fine bruine s'était invitée sur le campement, laissant de minuscules gouttelettes sur les tissus. Le liquide aqueux se rejoignait sur le sol détrempé telles des racines aquatiques finissant dans une ravine proche.
Enfin, Arsen était accepté au sein du groupe ! Maintenant un autre problème se présentait : celui du duc Gregorias de Bushnell.

Désormais, il n'avait plus le choix, il devrait révéler son visage à son ancien compagnon, priant que celui-ci ne fasse pas le choix désespéré d'agir contre ses intérêts. Par sécurité, il déplaça la petite lame elfique dans le revers de sa botte. L'arme de lancer se dissimula aisément dans ce nouvel emplacement, à cet endroit nul ne trouverait l'arme. Simple précaution, si on décidait de l'attacher. Le jeune barde se dirigea vers le feu où se trouvaient Oliver et Ruben pour les mander, puis il délégua la responsabilité de faire chercher Jehain et Gregorias auprès du jeune noble. Ses intentions n'étant pas encore bien définis envers son ancien acolyte, il préféra retarder sa confrontation de peur de ne pouvoir contenir sa colère. Ensuite, il se dirigea vers la tente de Solis, celui-ci se tenait alité, une étude sur les contrées de l'ouest dans les mains. Un rapide coup d'oeil circulaire lui indiqua une qualité de vie légèrement supérieure aux autres. Arsen délivra son message et repartit aussitôt. Après tout, il ne souhaitait pas côtoyer l'archer plus que nécessaire, celui-ci ne cessait de le fixer, donnant l'impression de chercher à percer ses mystères.

[ C'est une gêne pour nous... ]

Il fit un dernier tour dans le campement redoutant l'instant de confrontation avec le Duc... Tel un loup dans une cage, il avait tourné en rond jusqu'à ce retrouver devant la tente d'Alderic. Il se rassura sachant son plan de secours bien dissimulé, puis souleva le rabat du tissu avant de s'y engouffrer.
Le petit groupe s'y tenait rassemblé, cette promiscuité faisait augmenter la chaleur moite laissé par les vêtements mouillés. Tous les compagnons étaient là, assis en cercle, serrés autour du feu.
" Ah vous voilà enfin, sieur Arsen ! Prenez place.

  • Toi ! Le visage blême de Bushnell traduisait la stupeur.
  • Gregorias ! Excuse-moi, si je ne suis pas venu vers toi avant, mais j'avais peur de te mettre dans l'embarras...
    La provocation du jeune barde se lisait sur son visage empreint de défi.
  • Je ne savais pas que vous vous connaissiez. Ruben exprimait à voix haute la surprise générale.
    Arsen intervint avant son ennemi.
  • Gregorias et moi sommes des connaissances de longue date... J'ai joué à plusieurs reprises pour ses banquets par le passé.
  • Ha bon ? Et quand est-ce que cela ?

Trop occupé à acculer sa proie, le jeune homme répondit sans relever la note insidieuse laissée par la question de Solis.

  • Cela doit bien faire une quinzaine d'années... Pour son retour triomphal de la Grande Guerre. Tout le monde ne peut pas se vanter d'avoir un des guerriers saints comme ami ! N'est-ce pas Gregorias ?
    Le faciès livide, le duc de Bushnell ne put que glapir d'un hochement de tête.
    Sans le vouloir ce fut Alderic qui sauva la mise au Duc en recentrant la conversation sur les faits qui les intéressaient.
  • Bien, bien... Mais nous avons plus important à discuter. Le sieur Arsen m'a fait part d'une ancienne légende elfique qui remet en question notre quête. Si vous voulez bien nous en exposer sa traduction.
    Le jeune homme se leva, se préparant à jouer son rôle de barde, il s'assura que tous avaient les yeux rivés sur lui. Et il déclama ces vers fictifs avec verve insérant les indices donnés par son maître.

[ Inventer poème sur la création et les combats des dieux guerrier ]

Tous restèrent un temps silencieux digérant cette nouvelle information. Arsen s'assit entre Ruben et Oliver, trop content de faire partie du groupe décisionnel. De l'autre côté du feu, Gregorias avait retrouvé ses couleurs, mais son regard jetait des éclairs en direction du troubadour.
Oliver se leva pour interroger son ami.
" Qu'allons-nous faire ? Nous ne pouvons nous diriger vers Sombrevie dans ces conditions !

  • Je pense que nous ferions mieux de retourner à Gran Real pour connaître la marche à suivre ! Le Duc de Bushnell s'était levé à son tour entrapercevant un moyen de rentrer chez lui et relayant la survie de son ennemi au second plan.
    Solis se joignit à la partie, chacun donnant son avis dans un vacarme sans nom.
    Arsen attendit patiemment, après tout il avait déjà suggéré à Alderic la marche à suivre...
    Alors que les esprits s'échauffaient, le paladin y mit un terme en frappant dans ses mains.
  • Calmez-vous ! J'ai décidé de la suite des opérations ! Avant tout, nous devons vérifier la véracité de la légende elfique... Nous devrions nous rendre à Eliteas. Arsen sourit.
  • Mais nous allons perdre plusieurs semaines !
  • C'est pour cela que nous devons scinder notre groupe. Cette dernière parole de Sigismond refroidit le groupe, chacun attendant la suite avec inquiétude.
    Oliver partira avec sa compagnie prendre les informations nécessaires à la capitale des mages. Le capitaine lui lança un regard implorant. Son vieil ami perçut clairement le message de détresse que sous-entendait Oliver. Il soupira avant de continuer. Et sire de Casteron les accompagnera.
    Ce fut à ce moment qu'Arsen prit la parole.
  • Si vous le permettez, j'accompagnerai la troupe et me soumettrai aux ordres de sire de Montespant.
  • Je n'y vois pas d'inconv...
  • Ho, non ! Sieur Arsen, quel dommage de se passer de votre personne ! Solis intervint l'air désolé. Le jeune barde ne put s'empêcher de penser qu'il manigançait quelques choses. Le Duc de Bushnell appuya les désirs de Solis avec un sourire carnassier.
  • Oui, c'est vrai mon ami ! Sans vous le trajet va nous sembler bien long !
    À quel moment ces deux-là étaient devenus si complices ? Venant de son ennemi cela était compréhensible mais venant de l'archer le doute était permis...
  • Hé, bien c'est décidé ! Une partie ira vers le nord-ouest en direction du domaine de la duchesse de Penas et l'autre vers Eliteas. Puis Alderic s'adressa à Oliver. Après l'obtention des informations, envoie un coursier pour me tenir informé. "
    Finalement, ils eurent quartier libre pour le reste de la nuit.

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