12. Obligation et vengeance

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 Arsen avait déambulé dans les ruelles étroites pendant des heures après l'entretien d'Oliver. Sa haine décuplant à chaque intervention de sa voix... Celle-ci lui rabachait l'injustice, qui lui avait été faite.

Quinze ans ! Quinze ans, à souffrir... Eux ont vécu dans l'opulence, ont fondé une famille. Tout ça basé sur un mensonge... A notre détriment... on ne doit pas les laisser s'en tirer !

Il était rentré tard à l'auberge, découvrant les deux amis buvant et trinquant jusqu'à plus soif...
Leur bonne humeur augmentait sa colère. Mais cette convivialité cachait quelque chose, son instinct l'avertissait.
Il scruta la salle à la recherche du féetaud, comme à son habitude il se trouvait auprès de la serveuse, déclamant un monologue qu'elle ne pouvait pas entendre, heureusement pour elle... Leurs regards se rencontrèrent, et il lui fit signe de le rejoindre. Le jeune homme se dissimula derrière le pilier de chêne qui soutenait la mezzanine. A l'abri des attentions, seul le tavernier derrière son bar massif pouvait le voir.

" Dill, tu souhaites toujours me rendre service ?

- Évidemment, nous sommes amis !

À ces mots, il eut un pincement au coeur qu'il refréna.

- Je suis curieux... Va voir nos compagnons, rapporte-moi leurs paroles. S'il-te-plait.

Le petit être papillonna, traversa la salle, évitant la clientèle avinée et se posa délicatement sur la table. Arsen l'observa de loin, au bout d'un moment le féetaud revint faire son rapport.

- Rien d'extraordinaire, ils se racontent des souvenirs... Ils ont l'air de boire comme si c'était la dernière fois... Mais Alderic a parlé de clore ses affaires avant le départ.

Le barde réfléchit corrélant les actions des personnages avec les informations qu'il possédait. Leur départ devait être pour bientôt... Puis, s'adressant à Dill.

- Prépare toi, nous partons demain !

L'aubergiste passait un chiffon usé sur le comptoir. L'homme le dévisagea, il était habitué aux ivrognes aux propos incohérents, quotidien tristement réel...

- Fais ce que tu veux mon garçon, mais paie ta note avant ! "

Dill regarda son compagnon avant d'éclater de rire...

Levé avant l'aube, il guettait le départ des deux chevaliers d'Azur. Ceux-ci partirent tôt dans la matinée, laissant leurs affaires sur place. Il resta un long moment à attendre leur retour. Il poussa sa réflexion plus loin. Soudain, une évidence lui apparut, s'ils avaient contacté Casteron, ils avaient sans doute cherché à faire de même avec ses anciens collègues. Les souvenirs de leur débandade se rappella à lui, menés par Gregorias, ils avaient abandonné le prince ainsi que la quête essentielle qu'on leur avait échue. Il chassa ce souvenir. Arsen remonta dans sa chambre prévenant le féetaud de l'avertir en cas de retour des chevaliers. Arrivé dans sa minuscule chambre, il saisit un chapeau à large bord, deux plumes ornaient le couvre-chef en feutre brun. Nouvelle acquisition pour parfaire son rôle de barde itinérant. Il regarda son reflet dans la vitre irrégulière de la fenêtre, celle-ci donnait sur la rue qui s'animait. Ses cheveux étaient plus longs et les fines cicatrices argentées parsemant et marquant son visage d'albatre. Au final, il n'avait pas tellement changé... Heureusement, le cache-œil et le chapeau donneraient le change pour quelque temps du moins...
D'ici là, il devra trouver une solution.

Tuons-le... Pour notre maître Az'qeghaak...

Il garda cette idée séduisante de côté.
Dans le couloir, il entendit Dill l'appeler. Les deux chevaliers d'Azur avaient réuni leurs affaires.

" Oliver ! Vous ne m'aviez pas prévenu que nous partions aujourd'hui.

L'homme ne sut que répondre et se fut Alderic qui vint au secours de son ami.

- Je crois vous avoir expliqué que nous n'étions pas intéressés par votre aide.

- Hé bien tant pis... J'aurai fait un agréable compagnon de voyage... Je vous souhaite un bon voyage.

Le jeune homme laissa les compagnons partir et se dépêcha de récupérer ses affaires pour les rejoindre aux écuries attenantes à l'auberge. Il commença à seller sa monture quand le paladin l'admonesta.

- Je crois pourtant avoir été clair !

- Calmez-vous sieur de Sigismond. Ne vous accompagnant pas, je n'ai plus rien à faire ici... C'est vous qui avez créé cette "coïncidence".

- Très bien et où partez vous ?

- Pourquoi devrais-je vous fournir cette information ? Comptez-vous me détrousser ?
Désolé, mais je ne fais pas confiance aux personnes qui ne voyage pas avec moi.

Voyant où la discussion menait, le jeune noble préféra passer à autre chose. Et c'est en silence qu'ils se séparèrent.
Arsen les suivait à bonne distance, prenant les axes principaux, riches en magasins et boutiques en tout genre. La populace de Gran Real avait pris d'assaut les rues, vaquant à ses occupations, ralentissant le trafic des calèches et des cavaliers. Finalement, les deux compagnons arrivèrent à la porte sud, une petite place située face à la muraille et jouxtant le quartier des quais. Là, un groupe de personnes avec un petit contingent de chevalier d'Azur attendaient. Le barde s'arrêta, faisant mine de regarder un étal, lorgnant de côté, les membres de l'expédition qui discutaient entre eux.
Le paladin jeta à plusieurs reprises un regard sur son poursuiveur. Puis, sur le coup de l'énervement, se dirigea d'un pas décidé vers le jeune homme. Il le saisit fermement par le col. Toute l'expédition fixait l'événement qui se déroulait sous ses yeux.

- Ça suffit ! Dites-moi où vous allez, que nous prenions le sens contraire !

Du peu qu'Arsen connaissait d'Alderic, il savait qu'il ne prendrait pas le risque de compromettre sa mission. Si le métis trouvait leur première étape, peut-être qu'il se résoudrait à sa compagnie. Il réfléchit à toute vitesse. Ils se trouvaient à la porte sud dont la route principale menait à Bangkhut, mis à part Gregorias, tout le reste de l'équipe était nouveau. La première étape lors de son départ, quinze ans plus tôt avait été l'oracle des Mères, pour tirer la bonne fortune à son groupe. Les prédictions avaient marqué son groupe...
Il tenta sa chance.

- Si vous tenez tant à le savoir, je vais jusqu'à Bangkhut. J'y connais des gens.
Non ! Ne leur dévoile rien... Zach n'est plus !
Puis, je continuerais vers la côte au sud...

Oliver s'approcha et posa sa main sur le bras de son ami.

- Al, laisse tomber... Qu'il nous accompagne, de toute façon il quittera l'aventure bien assez tôt.

- Très bien ! Tu en seras responsable. Puis, s'adressant à Arsen, tu ne pourras pas te plaindre que je ne t'avais pas prévenu. "

Les deux compères rejoignirent le groupe qui scrutait ce nouveau venu. Le jeune métis les salua de loin... Enfonçant son couvre-chef au-dessus des yeux. Ce n'était pas la peine de risquer de divulguer son identité inutilement. A l'arrière, il distingua le comte de Bushnell. Gregorias n'avait pas vraiment changé dans le fond, la richesse l'avait rendu encore plus arrogant. Pour preuve, ses vêtements de voyage bien trop voyants pour le périple escompté.
Les montures se mirent en marche, passant sous la grande arche de pierre où deux vigiles restaient en faction. Une fois la porte passée, les pâturages de Gran Réal s'étendaient. Des centaines de cheptels paissaient sous la surveillance des bergers et de leurs pantheres, imposants félins à même de repousser une attaque de wiverne.
Le jeune barde resta à l'écart du groupe, se tenant non loin d'Oliver qui apparemment avait été promu capitaine... L'expédition se scinda en deux, malgré les bonnes intentions de celui-ci. Le capitaine et Arsen fermaient la marche alors que la brigade de chevaliers d'Azur suivait. Sur leurs visages le sentiment d'avoir perdu à pile ou face, alors que devant, leurs voisins semblaient avoir une discussion animée. Au bout de quelque temps, l'humeur de l'arrière groupe bascula dans le mutisme...

Bravo ! Ils nous détestent déjà ! Az'qeghaak voulait qu'on les séduise pour les tromper. Pas qu'ils se méfient de nous....

Il devait inversé la tendance... Arsen sorti sa mandoline, qu'il accorda toujours assis sur sa monture. Puis il entonna une mélodie simple, histoire de testé la réceptivité des chevaliers. Au bout, de la troisième chanson tout le contingent chantait. Le jeune barde improvisant les paroles en demandant des noms de chevalier au hasard... Tous reprenaient le refrain en s'esclaffant à l'entente d'un nom ami devenu la caricature d'une fausse épopée.
Ruben de Casteron fut le premier à se laisser distancer par son groupe pour les rejoindres. Au grand plaisir d'Oliver qui gratifia le barde de son clin d'oeil.

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