Chapitre 3: Thraän

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C’est bon, tout va bien…ce n’est qu’un cauchemar. Ce n’était qu’un vilain cauchemar, Anna…maintenant, repose-toi...

Hein… ?! Mais non… Je les entends toujours ! Je les entends, ces voix qui murmurent, ces voix qui sanglotent et qui se lamentent. Mais qui sont ces gens ? Ce n’est pas un cauchemar ! Je ne suis pas à la maison ! Mais où suis-je ?

Je…je…

« Mademoiselle…mademoiselle... »


    Je cligne lentement des yeux, je suis étendue sur le sol. Ma tête est légèrement rehaussée et posée sur un gilet replié en boule et il y a cet homme qui me demande si je vais bien. Je reviens enfin à moi...

Je pensais clairement être dans un rêve, mais ce n’était pas le cas !

Après avoir repris mes esprits, je m’assois et je demande à l’homme ce qui s’est passé. Il m’explique que j’ai perdu connaissance et que les soldats m’ont transportée dans cette salle avec les autres.

Son visage me dit quelque chose. C’est le militaire que j’avais croisé dehors lorsque nous attendions les navettes : le Caporal N. Tobias, âgé d’une vingtaine d’années environ. Il fait le tour de la salle afin de venir en aide à ceux qui sont blessés ou en état de choc. Et puis, avant de s’occuper de cette femme à côté de moi, il me conseille de me tenir prête, car toutes les dix ou quinze minutes, ils viendraient chercher l’un d’entre nous…

    Sur ces mots, il se lève et continue son tour. Je repose ma tête sur le gilet qui me sert d’oreiller et j’attends anxieusement, quand les deux portes géantes de la salle s’ouvrent au même moment.

Je me relève, je m’assois pour voir qui fait son entrée et là, je fixe de tous mes yeux cet homme immense et très imposant à la peau bleue qui se dirige dans notre direction. Il est si grand et doit mesurer entre deux mètres ou trois. Je n’ai jamais vu une personne de cette taille et puis il est tellement balèze. Ses bras sont énormes. Il a des cheveux noirs très longs qui lui arrivent au milieu du dos avec quelques mèches qui lui retombent sur le visage. Il avance très lentement en trainant les pieds sur le sol et porte un curieux collier de métal autour du cou. Cet homme parait si vide de l’intérieur, d’ailleurs, il me fait même penser à un mort-vivant.

Il vient de passer devant moi. Je suis obligée de le suivre du regard tellement il m’impressionne. Lui, se dirige vers le fond de la salle et s’arrête devant un jeune homme. Il se baisse pour saisir le malheureux qui est assis à terre.

Le jeune homme ne se laisse pas faire et refuse que le grand homme bleu s’empare de lui. Il faut dire qu’il est si costaud que je suis convaincue que dix hommes réunis ne pourraient faire le poids contre lui. Le géant vient de le choper par les cheveux. Il n’a pas résisté bien longtemps…

Ils se dirigent tous les deux jusqu’à la grande porte qui se referme aussitôt. Je ne le reverrai que beaucoup plus tard…

    Je viens de me recoucher et je pense à tout ce qu’il m’arrive : aux enfants que j’ai rencontrés, je pense à ma vie et à ce que je vais devenir…

Une quinzaine de minutes environ, le grand homme revient à nouveau avec cette femme qui semble nonchalante, comme si elle était droguée. Il la fait s’assoir sur le sol.

Mais, il ne s’arrête pas là, car il saisit une autre femme qui se lève sans lui résister, pourtant au moment de traverser la salle, elle s’arrête et se met à hurler : « Pitié ! Ne me tuez pas ! »

L’homme attrape le bras de celle-ci et la fait avancer de force, mais elle refuse de faire le moindre pas, alors il se met à la trainer sur le sol. Il n’a aucun scrupule et aucune difficulté à trainer cette pauvre femme à terre.

Nous sommes vraiment du bétail pour ces gens et nos vies ne valent rien du tout ! J’ai peur de cet homme. Où peut-il bien emmener tous ces gens ?

    Dès leur retour dans cette salle, j’ai l’impression que beaucoup d’entre eux ont été comme martyrisés et possèdent une brûlure comme s’ils avaient été marqués d’un curieux symbole au fer rouge. Certains souffrent le martyre à cause de cette horrible blessure, tandis que d’autres semblent bien trop « shootés » pour se rendre compte qu’ils ont subi ces sévices.

La plupart d’entre eux se tiennent la poitrine comme s’ils avaient été frappés à cet endroit et ont du mal à respirer si bien qu’ils s’évanouissent quelques minutes après.

Qu’est-ce qu’on a bien pu leur faire ? Pourquoi sont-ils tous dans cet état ? J’ai peur que ce soit mon tour, que l’homme bleu vienne me chercher.

    Et alors que j’observe chaque personne autour de moi, mon regard s’arrête en haut de la salle sur l’espèce de balcon à ma droite où se trouve cet homme qui m’avait sauvé la vie dans le poste de police. Il est là, les mains appuyées sur la balustrade. Il ne porte plus son armure, il est vêtu d’un uniforme noir un peu comme du cuir avec des motifs tressés. Il me dévisage encore…

À ses côtés, il y a un autre homme, plus jeune que lui, d’une vingtaine d’années environ, blond et très élancé. Ils discutent tous les deux en me zieutant. Pourquoi m’observent-ils de cette façon tous les deux ?

Je tourne la tête et je décide de les ignorer. Je croise les bras et je fixe à terre, mais une fois de plus, le grand homme bleu fait son entrée dans la salle, et cette fois-ci, c’est pour moi qu’il vient…

Je le sens venir dans ma direction mais je fixe toujours le sol, car je n’ose pas l’affronter, pourtant j’ai bien senti qu’il s’était arrêté à environ un mètre de moi.

Je finis par relever la tête et là, il commence à se baisser pour m’attraper. Je ne veux surtout pas qu’il me touche, car il me fait bien trop peur alors, sans résister, je décide coopérer. Mais alors que je suis prête à le suivre, une énorme voix retentit dans l’immense salle.

Le grand homme s’écarte sur-le-champ tout en me fixant avec des yeux bien tristes, puis il se dirige vers le fond de la salle pour emmener quelqu’un d’autre.

Cette voix puissante provient d’un garde situé en haut à gauche sur le balcon. Mais pourquoi a-t-il empêché le géant de m’emmener ? Je ne comprends plus ce qui se passe. Je suis pourtant rassurée, mais je ne comprends pas.

Et puis, en tournant la tête en haut à droite, mon regard se pose à nouveau sur cet homme qui est seul à présent. Il m’observe encore, accoudé, les bras croisés sur la balustrade. Il vient de se redresser et tout en me dévisageant, il se tourne et s’en va. Décidément, je ne comprends vraiment pas son attitude...

    Je me suis rassise et alors que je suis recroquevillée, en attendant la suite des évènements, la grande porte s’ouvre à nouveau. Ce coup-ci, deux hommes font leur entrée et s’avancent vers moi. L’un d’eux discutait tout à l’heure avec l’homme du commissariat en haut sur le balcon à ma droite.

Celui-ci s’adresse à moi dans cette langue, mais je ne comprends pas ce qu’il veut me dire alors il s’accroupit et m’observe droit dans les yeux.

    — Mon nom est Edhän et voici Wi-Krick, dit-il en se présentant à moi, puis en me montrant l’homme qui se tient à ses côtés. L’Aëth-Minōs désire vous parler, vous devez nous suivre…

    Je ne suis pas du tout rassurée. Je lui réponds d’une voix apeurée.

    — Le quoi ?

    — N’ayez crainte… il ne vous sera fait aucun mal… le Commandant nous l’a ordonné.

    Visiblement, je n’ai pas l’impression qu’il me veut du mal ni celui qui se tient à ses côtés, alors après quelques secondes d’hésitation, je me lève et je décide de les suivre même si je commence déjà à appréhender ce qui m’attend…

Les deux hommes m’escortent jusqu’à la porte qui s’ouvre. Nous nous engageons dans le grand couloir curviligne face à moi, puis la porte se referme aussitôt derrière nous. Nous progressons hâtivement dans ce couloir où de chaque côté, je rencontre parfois de grandes salles vides. Celui-ci se divise ensuite et donne lieu à un prolongement sur ma droite. Au loin, j’aperçois le grand homme qui avance lentement. Il se dirige sûrement en direction de la salle où j’étais détenue avec les autres. Je détourne mon regard et je continue de suivre les deux hommes.

« C’est long, beaucoup trop long. Où ces hommes peuvent-ils bien m’emmener ? »

    Au moment même où je finis de me poser cette question, nous nous arrêtons devant cette salle sur ma gauche avant d’y pénétrer.

À l’intérieur, il y a un homme debout qui ne s’est pas encore retourné. Il est assez grand, avec un physique plutôt athlétique et il a les bras repliés dans le dos. Il porte une sorte d’uniforme noir en cuir avec des motifs tressés. Ses cheveux d’un noir profond semblent plutôt courts, mais il a cette longue natte qui lui longe le dos.

Devant lui, je remarque une sorte d’autel gris en pierre et devant cet autel, une baie vitrée géante s’étend sur toute la surface comme une espèce d’écran panoramique. A travers, je peux apercevoir une autre de ces grosses colonnes où nous avons embarqués au milieu d’un champ de ruines.

Les deux gardes à mes côtés se déplacent l’un après l’autre jusqu’à l’homme qui me tourne encore le dos. Il leur adresse quelques mots et chacun leur tour, ils quittent la pièce en me laissant seule avec lui.

    Une fois en « tête à tête », il se retourne enfin… C’est l’homme du poste de police. Il me regarde fixement, les bras toujours repliés dans le dos. Il s’avance sans dire un mot et s’arrête à environ un mètre de moi. Il me dévisage d’une façon si étrange que je suis très embarrassée et je n’ose pas le regarder. Pourquoi insiste-t-il autant ? Qu’attend-il de moi ?

Il ouvre enfin la bouche : « N’aie crainte, je ne te ferais aucun mal ! »

Là, je suis totalement désorientée, car ce qu’il vient de me dire semble insensé. Et en repensant à tous ces pauvres gens, je suis envahie par un sentiment d’animosité, car depuis le début, il joue au chat et à la souris avec moi et aurait très bien pu me rassurer lorsque nous étions dans le poste de police avec les enfants. Pourquoi est-il si mystérieux ?

Il se positionne à hauteur de mon épaule : « Viens maintenant ! Accompagne-moi, nous devons parler… », puis il se dirige vers l’entrée de la salle, les bras toujours croisés dans le dos.

Je me retourne et je le regarde s’éloigner, mais je ne bouge pas. Il s’arrête au niveau de la porte et attend que je la franchisse. Après quelques secondes, je me décide enfin…

De retour dans le grand couloir, il se place à ma droite et nous avançons côte à côte.

    — Où allons-nous ?

    — Tu le sauras bien assez tôt.

    Sur le chemin, à l’intérieur d’une petite salle, je suis captivée par quelque chose…

Je distingue une sorte de grand hologramme qui matérialise des planètes. La Terre est représentée avec tous ses continents. Les planètes tournent autour d’une plus grosse, le soleil sûrement, puis ces planètes disparaissent les unes après les autres. Sur l’hologramme, je vois également les continents de notre planète Terre disparaitre les uns après les autres.

Je suis à la fois impressionnée par ce que je vois, mais en même temps très angoissée, car qu’est-ce que cela peut bien signifier ?

L’homme vient me rejoindre dans la pièce et se place encore une fois à ma droite. Il observe, lui aussi, l’hologramme : « Fascinant, n’est-ce pas ? Pouvons-nous continuer ? » me demande-t-il.

Je tourne la tête vers lui sans dire un mot. Je fais demi-tour et nous sommes repartis dans ce grand couloir.

Nous marchons depuis quelques secondes déjà quand je décide de m’arrêter pour connaitre réellement ses intentions.

    — Mais qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous voulez ?

    Il s’arrête également et se positionne face à moi en me fixant encore une fois. Puis il jette un œil dans ce gigantesque couloir.

    — Quel est ton nom ? me demande-t-il.

    Je n’ose pas lui répondre et très vite, il ressent mon hésitation alors, il me repose à nouveau la question.

    Je lui lâche franco : « Anna », puis nous entamons une conversation.

    — Vous n’êtes pas comme nous. Vous ne ressemblez pas à des terroristes. Je n’ai jamais vu des armes telles que les vôtres et cette créature monstrueuse que j’ai croisée dehors, ça n’était pas humain ! Mais qui êtes-vous et qu’est-ce que vous nous voulez ?

    L’homme baisse la tête, puis il la relève aussitôt et commence à se justifier.

    — Anna, crois-tu vraiment que dans toute l’immensité de ce que vous appelez Univers, la Terre soit la seule planète peuplée ? Le seul endroit où il y aurait la vie ?

    Ce qu’il dit ne me rassure pas vraiment.

    « Nous étions là bien avant vous et nous vous observions pendant tout ce temps…dès lors que nous avions analysé chacun d’entre vous et que nous en savions assez sur votre compte, votre tour devait inévitablement arriver… »

    Je n’arrive pas à croire un seul instant ce qu’il me confie. Ça parait tellement irréel. Toutes ces années, j’étais persuadée, comme beaucoup de gens, que nous n’étions pas seuls. Et en cinq minutes, cet homme vient de confirmer ce que je pensais depuis toujours.

    Il poursuit son explication : « Mon nom est Thraän, je viens d’une exo planète appelée Nosfuria, environ cinq fois plus grande que la Terre. Elle est située à ce que vous appelez des " années-lumière " de votre planète. Avec votre technologie bien inférieure à la nôtre, vous n’auriez jamais pu la détecter et si par chance ça avait été le cas, vous humains, avec vos engins primitifs, vous n’auriez jamais pu arriver jusqu’à nous, car il vous faudrait environ une cinquantaine d’années voir davantage pour nous atteindre ! Avec nos vaisseaux, un voyage qui nous prendrait quelques semaines ou quelques mois vous prendrait des années avec vos appareils. »

Cet homme me parait tellement sûr de lui, presque prétentieux. Lorsqu’il me confie tout ceci, j’ai l’impression d’être en pleine fiction.

    — OK…et à présent, qu’est-ce que vous comptez faire de nous ? Que vont devenir tous ces gens ?

    — Tous ces gens vont être emmenés sur Nosfuria. Certains seront appelés à devenir des élus, des initiés…d’autres, seront offerts en sacrifice ou deviendront des esclaves afin de servir les maitres auxquels ils appartiennent désormais.

    — Hein ? Élus ? Sacrifices ? Maitres ? Mais de quoi parlez-vous ?

    L’homme baisse à nouveau la tête vers le sol. Je sens bien que je l’embarrasse avec toutes mes questions, mais il poursuit tout de même son explication.

    — Notre planète est gouvernée par un seul homme, Le Premati, l’Empereur, qui a sous son autorité le Haut Stratège, le Général. Celui-ci dirige des seigneurs issus de cinq royaumes différents… Au départ, Nosfuria ne comptait que quelques milliers d’habitants puis au fil du temps avec les guerres qui se succédaient, nous sortions toujours en grands vainqueurs de toutes nos campagnes. Nous devions accroitre davantage notre puissance alors nous envahissions chaque monde les uns après les autres. Nous nous accaparions de toutes leurs richesses, leurs connaissances et de toutes leurs technologies jusqu’à régner sur l’ensemble de notre galaxie. Mais ce n’était pas suffisant alors nous conquérions tout ce qui était bien au-delà… Tous les individus qui sont capturés appartiennent désormais à un seigneur, on appelle cela " le principe de l’appropriation ". Certains seront amenés à passer " l’épreuve du rituel ". Ils seront dépouillés de leurs âmes afin de servir et d’être sous la totale autorité de notre empereur. Ceux qui n’ont pas été choisis seront offerts en sacrifice aux anciens dieux afin de les remercier. Les autres deviendront des esclaves. Ils seront au service de leurs maitres et leurs devront allégeance s’ils tiennent à leurs vies. Quant aux petits humains, ceux que vous appelez " enfants ", je crois ; étant donné qu’ils sont beaucoup trop jeunes pour passer l’épreuve, ils seront vendus aux Fératih, car mon peuple ne peut procréer. Mais rassure-toi, je te l’ai dit, tu n’as rien à craindre, j’ai d’autres projets pour toi…

    Je suis dépitée et écœurée par ce que je viens d’entendre. Ces gens sont impitoyables ! Et même si cet homme, Thraän, m’affirme que je n’ai rien à craindre de lui, je n’arrive pas à lui accorder ma confiance. J’ai bien trop peur, mais je veux en savoir davantage sur le sort qu’il nous réserve.

    — Mais si vous emmenez les gens sur votre planète, que faites-vous des planètes d’où ils viennent ?

    — Nous les anéantissons ! Lorsque notre vaisseau aura quitté la Terre et que nous serons en orbite, cette planète sera détruite et sera totalement désintégrée. Elle et tout ce qu’elle abritait n’existeront plus !

    — Mais Com…comment ? C’est impossible !

    — Tout ceci est sans importance et nous aurons le temps d’en discuter une autre fois, mais maintenant il est temps d’y aller.

    Je décide de lui tenir tête.

    — Vous n’avez aucune pitié ! Vous allez tuer tous ces pauvres gens ! Comment peut-on être aussi cruel ? Vous êtes des monstres !

    — Des monstres ? Pourtant, lorsque nous étions en train de vous étudier tout au long de ces décennies, ce que j’ai vu était tout aussi effrayant et monstrueux : guerres, génocides, armes de destruction, dégradation de votre monde et j’en passe ! Je peux m’arrêter là, mais je peux aussi continuer à énumérer la longue liste des atrocités que vous, les toryati, avez commis, si tu le désires…me dit-il d’un air décidé.

    Je ne sais pas quoi répondre, car il n’a pas tout à fait tort à ce sujet. Je l’observe sans dire un mot et j’attends qu’il finisse.

Il prend cet air ironique et rajoute ensuite : « Votre monde allait déjà mal, bien avant notre arrivée… on dirait bien que vous n’avez pas attendu notre venue pour vous anéantir vous-même ! Mais c’est sûrement le propre de l’homme… »

Je reste sans voix et je n’ai pas l’intention d’insister. L’homme est d’une telle froideur que je ne veux pas épiloguer avec lui davantage, cependant, je lui demande une dernière chose.

    — Et les enfants ? Où sont-ils ? S’il vous plait, est-ce que je peux les voir ? Ils doivent être morts de peur, ils n’avaient que moi ! Je leur avais promis de ne jamais les abandonner. Je vous en supplie, laissez-moi leur parler.

    L’homme vient de se retourner. Il semble confus et n’a pas l’air de saisir mes motivations.

    — Pour quelle raison voudrais-tu les voir ? As-tu toujours été aussi bienveillante envers ton prochain ? Tu es bien la première que je vois agir de la sorte… Lorsque mes hommes les traquaient tous ; tes semblables, les toryati couraient et fuyaient pour sauver leurs misérables vies. Tandis que toi, tu étais prête à donner la tienne pour sauver ces enfants qui ne t’appartiennent même pas, je suppose…crois-tu sincèrement pouvoir toujours leur venir en aide ?

    — Non ! Mais ce sont des enfants, des innocents et ils ne méritent pas ça ! Je voudrais juste les rassurer.

    L’homme ne me répond pas tout de suite et semble très surpris par ma réponse, mais après quelques secondes d’hésitation, il coopère.

    — Très bien, alors suis-moi !

    Nous continuons dans le couloir puis il me demande d’entrer dans une des salles qui s’offrent à nous. D’un coup, la porte coulissante se referme juste derrière moi.

Je suis seule et il m’est impossible d’ouvrir cette porte qui s’ouvre par le haut. Il n’y a pas de poignée, rien. Je n’y crois pas, ce salaud m’a bel et bien enfermée ! Impossible de sortir de la pièce !

    Mais une dizaine de minutes après, alors que je suis dos à l’entrée et que je maudis ce type de toutes mes forces, la porte s’ouvre et là, j’entends une voix d’enfant crier : « Anna ! »

C’est la voix de Jérémy ! Thraän a conduit les enfants jusqu’à moi. Je n’en reviens pas ! Il me précise tout de même « seulement quelques minutes… » puis il s’appuie contre cette grande table ronde, les bras croisés en avant cette fois-ci et il attend que nous finissions de discuter tous les cinq. Pendant ce temps, il nous observe.

Là, je serre les quatre enfants en même temps et je leur demande comment ils vont. Apparemment, aucun mal ne leur a été fait. Timy me confie même qu’on leur a donné à manger des espèces de petits biscuits aux formes étranges et que c’était délicieux ! Les garçons vont très bien ! J’en ai les larmes aux yeux et je suis à présent rassurée.

Cela ne dure que dix ou quinze minutes car Thraän se relève : « Il faut y aller maintenant ! »

Je serre une dernière fois les garçons dans mes bras. Je les embrasse puis l’homme me demande de l’attendre dans cette pièce. Il doit raccompagner les enfants et revenir me chercher. J’attends là…

    Après une dizaine de minutes, il revient et nous nous réengageons tous les deux dans le couloir. En fait, nous avons fait un grand tour du vaisseau et nous sommes retournés devant les immenses portes de la salle où j’étais détenue avec les autres personnes.

Avant de me laisser regagner l’endroit, Thraän me demande de l’écouter attentivement : « Nous avons peu de temps, le vaisseau va bientôt partir. Tu dois avaler ceci... »

C’est une pilule bleue, d’environ deux centimètres qui se trouve dans une petite capsule transparente.

L’homme me la tend et poursuit : « Tiens ! Prends cette pilule, elle t’alimentera en oxygène quand nous serons dans l’espace, car sans, tu n’y survivrais pas ! Son composant se libèrera dans ton organisme et modifiera légèrement tes cellules et tes organes, ce qui te permettra de résister aux effets de l’apesanteur et de rester en vie pendant la durée du voyage. L’air sur Nosfuria est pratiquement similaire à celui que vous respirez sur Terre, cette capsule de métabénox aidera ton organisme à s’y adapter. »

L’expression de mon visage lui fait clairement comprendre que je ne veux pas avaler cette pilule.

    — C’est vraiment nécessaire ?

    — Tu n’as pas le choix et disons que c’est la manière douce de te l’administrer ! Je suis persuadé que tu n’aimerais pas connaitre la manière forte, alors maintenant absorbe-la !

    Et en effet, ce Thraän ne m’avait pas menti, car lorsque j’appris ensuite où cet homme bleu conduisait en réalité tous ces pauvres gens, je réalisais que cette pilule bleue était la meilleure alternative et que Thraän avait clairement décidé de m’épargner…

    Tous étaient conduits dans une sorte de laboratoire où ils faisaient l’objet d’examens afin de déterminer leur état de santé.

Selon le résultat, ceux qui étaient en excellente santé étaient placés de force dans des machines où ils étaient sanglés en attendant de recevoir le métabénox. D’horribles masques venaient alors envahir la totalité de leurs visages et un tuyau s’engouffrait à l’intérieur de la gorge du malheureux pour libérer le composant dans son organisme. Mais le calvaire ne s’arrêtait pas là…

Quant à ceux qui avaient été diagnostiqués d’un état de santé faible ou incurable, ils étaient abattus sur-le-champ, car il n’y avait pas de place pour les faibles sur Nosfuria !

    Je saisis la pilule, mais j’hésite à l’avaler. Je ne lui fais pas confiance même s’il m’a quand même démontré qu’il ne me voulait aucun mal. Mais en y réfléchissant bien, et puis au point où j’en suis, je n’ai plus grand-chose à perdre alors, après quelques secondes d’hésitation, j’ouvre la capsule et j’ingère la pilule qu’elle contient sous son regard attentif.

« J’ai des choses à régler maintenant, je dois t’abandonner, me dit-il, mais rassure-toi, nous nous reverrons dès que nous serons arrivés sur Nosfuria. Sois tranquille ! À tout à l’heure… »

Il reprend aussitôt le couloir et s’en va sans se retourner. Là, les immenses portes s’ouvrent. Retour à la case départ…

    Je retourne à ma place et maintenant que j’ai pu faire connaissance avec ce Thraän et que je connais réellement leurs intentions, je m’assois en attendant la suite…

Mais tout à coup, je ressens cette atroce douleur m’envahir la poitrine et soudainement, je n’arrive plus à respirer. Je me tiens la poitrine fortement, car la douleur se répand et devient de plus en plus intense. Et puis, je commence à me sentir lourde, comme si je n’avais plus de force. Je suis tellement las, exténuée. Je m’étends sur le sol, la tête posée sur ce gilet replié en boule et là, je prends sommeil instantanément.


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