Chapitre 2: Le début de la fin

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    A première vue, il n’y a personne. L’endroit parait vide. On aurait dit que les gens ont fui. Les bureaux et les chaises sont sens dessus dessous, des documents à terre, des tasses de café renversées sur le sol, une cigarette sur le carrelage qui se consume encore un peu. Une fenêtre a été brisée et le néon qui clignote au-dessus de nos têtes est endommagé.

J’ai peur, mais je continue d’avancer tout de même avec les enfants.

Plus nous progressons et plus il fait sombre, mais je suis motivée par la stupide idée que nous allons trouver de l’aide.

Là, nous arrivons dans les vestiaires, vides également. Il y a un casier entrouvert et une arme à feu à l’intérieur. Je n’ai aucune idée de comment l’utiliser, car je n’ai jamais eu d’arme entre les mains, alors j’hésite à la prendre. En plus, les enfants sont à côté de moi et je ne veux pas les effrayer davantage. Et puis, quelque chose m’a convaincue de la prendre...

Je saisis le pistolet, je le dissimule à l’intérieur de ma veste et je sors de la pièce avec les enfants.

    Tout à coup, nous entendons un bruit étrange, suivi d’un gémissement plutôt stressant, accompagné de petits cliquetis.

Nous quittons le vestiaire, et là, au fond du long couloir, j’aperçois cette lumière bleue au sol qui se propage. L’adrénaline commence à monter…

Les enfants s’interrogent. Je leur fais signe de se taire. Ils l’ont bien compris. Nous devons absolument nous cacher, sans faire le moindre bruit, car quelqu’un ou quelque chose s’approche et vient sûrement dans notre direction.

    Je me déplace rapidement et en toute discrétion, puis j’entre avec les enfants dans le premier bureau que je rencontre.

Le plafond a commencé à s’effondrer. Il y a des débris partout et une armoire bien trop petite pour y rentrer tous et nous cacher.

Nous n’avons pas d’autre choix que de nous dissimuler derrière un immense morceau du plafond qui a cédé. Nous sommes tous accroupis. Je serre les quatre enfants, très fort, dans mes bras et ils me serrent également. Je pleure en silence, en espérant qu’ils ne s’en rendent compte. Et en même temps, il y a cette espèce de colère qui m’envahit, car nous sommes pris au piège par ma faute ! Je les ai emmenés dans cet endroit, quelque chose s’approche de nous et je ne sais pas du tout à quoi m’attendre.

Et puis là, nous venons d’entendre cette voix lointaine qui semble provenir du fond du couloir. Une voix plutôt rauque. Ce n’est pas du français, d’ailleurs, ça ne ressemble pas à de l’anglais ni à de l’espagnol ou à aucune autre langue que je connais ou que j’ai déjà pu entendre. Je n’ai jamais entendu ce langage auparavant. Cette voix vient littéralement de me glacer le sang, mais il faut que je garde mon calme pour les enfants.

Des bruits de pas accompagnés de petits couinements se rapprochent de plus en plus de notre direction. Mais qu’est-ce que ça peut bien être ?

Là, les pas se rapprochent encore et encore et viennent de se stopper juste devant la salle où nous nous trouvons.

A présent, je n’entends plus rien. Il n’y a plus aucun bruit, mais je suis persuadée qu’ils sont là. Je sens leur présence…

« Ils nous ont trouvés, nous sommes perdus, c’est la fin ! Ces terroristes vont nous tuer ! »

    Je serre une dernière fois les enfants quand d’un seul coup, les décombres qui nous dissimulaient viennent d’être projetés de l’autre côté de la salle d’une force incroyable.

Nous sommes démasqués. J’ai bien trop peur de voir à qui j’ai à faire, je n’ose pas me lever tout de suite. Je reste accroupie avec les enfants.

La même voix que tout à l’heure vient de s’adresser à nous, mais évidemment, je ne comprends rien !

    Je décide d’affronter cette personne. Je me lève et je me retourne délicatement, les yeux encore humides. Les enfants restent cachés derrière moi.

Quatre types se tiennent debout devant moi. Je ne vois pas leurs visages, car ils sont dissimulés par des casques assez larges. Ils portent tous une armure noire étrange surmontée de petits pics.

Je me demande bien à quelle armée ou à quel groupe terroriste ils peuvent appartenir, car je n’ai jamais vu ce genre d’uniforme auparavant. En plus, ils ont des épées aussi grandes que leurs jambes et pointent tous les quatre sur moi des armes qui ne ressemblent en rien à ce que j’ai déjà pu voir, pas même dans les films. On aurait dit que ces armes sont greffées à leurs bras et à travers leurs canons assez larges, il y a cette fameuse lumière bleue qui se dégage.

Je suis toujours persuadée que j’ai à faire à des terroristes...

    À nouveau, l’un d’eux s’adresse à moi, mais je suis incapable de lui répondre. Alors, face à mon incompréhension, ils doivent sûrement penser que je refuse de coopérer, du coup, ils ont décidé d’en finir avec nous.

Ils pointent de plus belle leurs armes dans notre direction, prêts à nous ôter la vie.

Je suis tout à coup envahie par une petite once de courage alors, je tente de les en dissuader : « Je vous en supplie, ce sont des enfants, ils sont innocents, tuez-moi si vous voulez, mais laissez-les partir... »

Les soldats se regardent, mais à vrai dire, ces mots ne les ont pas plus touchés que ça et la lumière bleue de leurs armes est très vite remplacée par des flammes.

Impossible de fuir, nous sommes condamnés ! Je m’accroupis à nouveau, je serre les enfants une dernière fois et je demande à Dieu de nous venir en aide quand tout à coup, une grande voix retentit…

Un seul mot a été prononcé. Les soldats baissent leurs armes sur-le-champ !

    Nous sommes toujours en vie. Quelqu’un d’autre vient de faire son entrée dans la pièce.

Les quatre soldats viennent de s’écarter et là, une autre personne s’avance vers nous, mais je ne peux pas non plus distinguer son visage. Cette personne s’adresse à moi. Je tourne la tête et je me relève effrayée, encore une fois.

Je fais en sorte que les enfants restent derrière moi, car je veux à tout prix les protéger. Je regarde sans dire un mot celui ou celle qui a empêché les soldats de nous exécuter. Je l’observe de tous mes yeux et j’examine les moindres détails : son armure, son casque, ses armes. Son équipement noir semble plus soigné et détaillé, dans un style plutôt « dark ».

En fait, en observant bien sa carrure assez imposante, il s’agit plutôt d’un homme comme les quatre autres, mais étant donné que je ne peux pas voir son visage, je n’en ai aucune certitude. Il ou elle est là, face à moi, mais je n’ai pas l’impression qu’il veuille nous faire du mal alors, je supplie cette personne également et je lui sors le même discours que j’ai tenu aux quatre autres soldats : « S’il vous plait, ne faites pas de mal à ces enfants. Je vous en supplie, tuez-moi si vous voulez, mais laissez-les partir, ils n’ont rien fait, ils sont innocents, ce sont des enfants. »

Une larme s’écoule sur mon visage, mais je reste forte, car je dois montrer à ces gens que je n’ai pas peur. Je glisse ma main sur ma joue pour faire disparaitre cette larme, mais encore une fois, j’ai l’impression de parler à un mur, car de l’autre côté, il n’y a aucune réaction.

    Soudain, ce soldat porte ses bras au niveau de sa tête et ôte délicatement son casque.

À quoi puis-je bien m’attendre ? Qui est sous ce casque ? J’ai déjà peur de ce qui m’attend…

Au fur et à mesure, je découvre petit à petit le visage d’un homme et je dois bien avouer que mes yeux sont à la fois apeurés et à la fois conquis. Cet homme est clairement l’idéal masculin de beaucoup de femmes, dont le mien.

Il est plutôt très grand. Il doit s’entretenir et prendre soin de lui. Enfin, c’est ce que ses épaules assez larges laissent supposer sous son épaisse armure. Il a la peau très claire, des cheveux noir ébène et un regard sombre très prononcé comme s’il avait des traits de crayon noir sous les yeux.

J’ai très peur pourtant, je ne peux m’empêcher de l’analyser et lui aussi me détaille méticuleusement de la tête aux pieds et ne semble pas plus hostile que cela.

« Quel gâchis ! Comment un garçon aussi séduisant peut-il faire partie des méchants ? »

    Nos échanges de regards ne durent pas très longtemps, car Zac se met rapidement à pleurer…

Je tourne discrètement la tête vers l’enfant. L’homme le regarde également. Je lui chuchote de se calmer et par chance, il cesse. Le type se remet à me fixer sans dire un mot et se retourne quelques secondes après.

Les quatre soldats s’écartent à nouveau pour le laisser passer. Il vient de prononcer quelques paroles dans cette langue étrange et prend la direction de la porte, son casque sous son bras.

    Mais en voyant cet homme s’éloigner, nous laissant seuls à notre triste sort avec les quatre autres, dans un élan de panique, je saisis le pistolet à l’intérieur de la poche de ma veste. Et persuadée que je pourrais faire quelque chose face à ces hommes, je pointe mon arme sur celui qui vient de nous sauver la vie. Bien entendu, les autres pointent leurs canons vers moi.

En une fraction de seconde, et alors qu’il était à bonne distance, l’homme revient vers moi d’une vitesse incroyable ! Il vient de se déplacer avec une telle rapidité alors qu’il n’a pourtant pas fait un seul pas ! Je suis troublée par ce que je viens de voir. Comment est-ce possible ?

Il se tient juste en face de moi et je pointe toujours mon arme sur lui, mais je tremble beaucoup trop pour faire quoi que ce soit !

Il tend son bras et me fait comprendre de la lui donner. J’hésite… Les larmes commencent à couler de nouveau et les enfants ne peuvent se retenir, eux aussi. L’homme me fixe toujours, la main dans le vide et attend que je lui donne mon arme. Je ne sais plus quoi faire, tout se bouscule dans ma tête. Je cède…

Je lui tends mon arme, mais au moment où ma main effleure la sienne, une étrange sensation vient tout à coup de m’envahir…

J’ai eu l’impression d’être absorbée. J’ai eu cette curieuse impression de ne pas pouvoir décoller ma main de la sienne, pourtant, cela n’a duré que quelques secondes alors que je pensais que cinq minutes étaient déjà passées. Je me suis sentie comme connectée à lui.

    À présent, il détient mon arme et cette sorte de connexion qui me reliait à lui a disparue. Il vient de projeter d’une force incroyable le pistolet contre le mur opposé et, en constatant que l’arme s’est démontée en plusieurs parties, j’écarquille les yeux, car je n’en reviens pas !

Il se retourne et repart en direction de la porte où il adopte cette position rigide en attendant devant l’entrée, son casque toujours repositionné sous son bras.

Là, un des quatre soldats nous fait signe d’avancer et nous franchissons la porte en passant devant cet homme qui continue de me dévisager de façon plutôt étrange. Ils nous escortent : deux soldats nous précèdent tandis que les deux autres nous suivent avec celui qui a empêché notre exécution.

C’en est fini pour nous ! Nous sommes leurs prisonniers ! Mais où allons-nous ?

Les enfants ne sont pas du tout rassurés et avancent très silencieusement. Zac tient fortement ma main droite et Timy qui se tient de l’autre côté, serre ma main gauche. Il est tellement petit que dans sa main gauche, son petit ourson en peluche qu’il tient très fermement traine à terre.

    Nous traversons tout le poste de police dans le sens opposé par où nous sommes arrivés pour nous rendre à l’extérieur de l’édifice.

Apparemment, les cinq hommes qui nous escortent ne sont pas seuls ici, car il y a d’autres soldats en armure dans ce commissariat. Et je continue d’entendre ces petits couinements et ces gémissements de part et d’autre dans les couloirs en ruine.

Je me demande d’où ces bruits pas très rassurants peuvent bien provenir.

    De l’autre côté du bâtiment, nous avançons sur quelques mètres sans trop savoir où nous allons. J’aperçois au loin, cette énorme brèche dans le mur d’où une puissante lumière se dégage. Nous passons à travers.

Je viens de me rendre compte que nous sommes arrivés à l’extérieur du bâtiment, car je suis tout à coup éblouie par le soleil qui me fait face. Je n’arrive à ouvrir les yeux que progressivement et une fois qu’ils sont complètement ouverts, je me trouve face à ce lamentable champ de ruines.

Je regarde rapidement autour de moi et je constate qu’il n’y a aucun moyen de s’échapper, car nous ne sommes malheureusement pas les seuls…

Des centaines d’autres hommes sont là et forment des petits groupes de gens qu’ils ont capturés.

L’homme qui nous a sauvé la vie et les quatre soldats nous laissent seuls. Ils s’éloignent un instant vers un autre groupe.

À la vue de ce triste spectacle, Zac me serre la main encore plus fort.

    — Anna, je veux rentrer à la maison !

    Je ne sais pas quoi lui répondre… moi aussi, je voudrais tellement rentrer à la maison !

    — Nous rentrerons bientôt chez nous…un peu de patience…

    Je comprends mieux où sont passés tous les gens, la police, les secours. Ils sont tous regroupés sur ce champ. Ces hommes en armure nous ont tous capturés ! Ils sont très éloignés de notre groupe et avec le soleil qui me fait face, je n’arrive pas bien à distinguer leurs visages.

Des soldats comme ceux qui nous escortent tiennent en joue des hommes et des femmes. Il y a même des enfants et, si je ne me trompe pas, ça parait invraisemblable, mais certains d’entre eux tiennent en laisse d’autres de leurs semblables, en armure, tout comme eux.

D’accord…j’ai peut-être des troubles de la vision dus à une légère myopie, mais je ne suis pas folle ! Ce sont bien des hommes retenus en laisse que je viens d’apercevoir là-bas, j’en suis sûre ! Ils se tiennent debout, mais d’une façon plutôt courbée qui me semble étrange et, à première vue, ils ne sont pas très grands.

    Mais alors que je suis en train de scruter l’horizon, tout à coup, un énorme son, comme un réacteur d’avion, traverse le ciel au-dessus de nos têtes. Il vole très, très bas.

Effrayée, je place mes mains sur ma tête et je m’accroupis. Je n’ai jamais entendu un tel son.

Cet appareil ressemble exactement à un vaisseau spatial comme ceux qu’on peut voir dans les films et il file à toute allure.

Affolée, je relève la tête aussitôt. En le suivant du regard dans la direction opposée et en observant au loin, bien plus loin, à l’horizon, je peux distinguer ces espèces d’immenses colonnes plantées dans le sol.

Il y en a six. Elles sont tellement grandes. La partie inférieure de ces colonnes est moins volumineuse que leurs sommets. L’une d’elles, la plus grosse, émet des faisceaux lumineux bleus dans le ciel. On aurait dit qu’une sorte d’énergie, comme de l’électricité, se dégage de cette lumière bleue. Mais qu’est-ce que cela peut bien être ?

Je suis pétrifiée, mais je ne veux surtout pas sombrer dans une quelconque folie en m’inventant un roman de science-fiction. Pourtant, une chose est sûre, ces gars-là sont loin d’être des terroristes ! Et je ne m’étais pas trompée quand j’avais aperçu plus tôt sur mon chemin des avions et des hélicoptères de l’armée qui se dirigeaient tous vers le même endroit.

Tous ces appareils convergent autour de ces immenses colonnes et l’engin qui vient de survoler ma tête se rapproche d’eux à toute allure. D’autres vaisseaux identiques semblent protéger les colonnes, tandis que d’autres se décrochent de l’énorme vaisseau pour riposter. Les appareils de l’armée sont encerclés…

Je suis là, immobile, à observer cette scène terrifiante qui ne dure que quelques secondes, car je vois les avions de l’armée en train d’exploser en plein vol les uns après les autres !

    Soudain, alors que j’observe ce spectacle désolant, j’entends Zac, le petit garçon en état de choc qui se met à pleurer. Je reconnais également ces petits couinements accompagnés de curieux gémissements, juste derrière moi. Le gosse se met alors à hurler. Je tourne la tête brusquement vers lui.

Il y a une de ces créatures, retenue par la gorge et tenue en laisse par un soldat tel un animal, qui s’est rapprochée de lui et qui le fixe étrangement en hochant la tête de chaque côté.

Cette créature dégoutante et repoussante n’a rien d’humain. Je n’ai jamais rien vu de tel ! Elle porte une armure un peu similaire à celles des soldats, mais elle n’a pas de casque.

Très vite, je m’interpose entre le petit garçon et cette créature monstrueuse.

Ce n’est pas humain. Ça a l’apparence d’un homme qui se tient debout de façon légèrement courbée, en hochant la tête et en émettant un petit son étrange. J’ai l’impression que son visage a été rafistolé avec des morceaux de peau, de chair dans des tons différents. Ses yeux sont blancs. Il n’y a pas d’iris, juste une minuscule pupille noire située au milieu. Son regard est paralysant !

Je tremble de peur, mais je ne veux surtout pas lui faire ressentir ce sentiment. Je la dévisage également. Mais alors que la créature se rapproche un peu plus près de moi, un peu plus près de mon visage et au moment où ses yeux s’apprêtent à tomber dans les miens… un homme se met à crier aussitôt.

Ce n’est pas l’homme qui nous a sauvé la vie ni les quatre soldats qui nous escortaient. C’est un autre homme. Il porte également une armure sombre, d’une autre couleur, travaillée elle aussi avec beaucoup de détails et de motifs, semblable à celle de notre sauveur. Il n’a pas de casque. Il a le visage assez fin, des yeux d’un bleu magnifique et, lui aussi, a des cheveux fins d’un noir très intense qui lui arrivent au niveau des épaules.

Au moment où il vient de prononcer ces mots dont j’ignore la signification, la créature s’éloigne rapidement de mon visage. Le soldat tire d’un coup sec sur la chaine par laquelle il retient le monstre et ils s’en vont aussitôt.

Clairement, lui aussi vient de me sauver la vie. Qui sait ce que cette créature aurait bien pu me faire ?

    L’homme se positionne juste devant moi et m’observe, lui aussi, d’un calme olympien. Cependant, il a l’air beaucoup plus sympathique que les autres, d’ailleurs, je ne sais pour quelle raison, il me sourit même.

Je l’observe également et après quelques secondes, il décide d’ouvrir la bouche enfin ! Et à mon grand étonnement, il s’adresse à moi dans ma langue : « Saleté d’emokree ! on dirait bien que tu l’as échappé belle… », me dit-il avec un petit sourire. Puis il reprend : « A qui appartiens-tu ? Où est ton maitre ? », me demande-t-il en observant tout autour de lui.

    Je n’ai même pas eu le temps de lui répondre que tout à coup, le premier homme qui m’avait sauvé la vie dans le commissariat refait son apparition avec ses quatre soldats à ses côtés.

Les deux hommes entament une brève discussion dans cette langue inconnue qui n’a rien de très sympathique. J’ai même l’impression qu’ils sont en train de se provoquer. Cela dure quelques secondes, puis l’homme qui vient de faire fuir la créature me jette un petit regard, esquisse un léger sourire et s’en va.

L’homme du poste de police qui semble très remonté se tourne vers moi. Il m’observe droit dans les yeux d’un air sévère puis s’adresse à l’un des soldats. Ensuite, il s’éloigne de notre groupe sans se retourner. Le soldat nous fait signe d’avancer et nous sommes repartis. Je ne sais quel autre périple nous attend…

    Nous traversons les décombres et nous arrivons dans cet endroit où il y a un attroupement de personnes capturées formant cinq groupes, chacun sous la surveillance de soldats. Chaque groupe est composé d’une cinquantaine de personnes : des femmes, des hommes, des enfants.

Nous avons rejoint l’un d’eux. Je me demande ce que l’on peut bien attendre ici. Tous ces pauvres gens sont comme moi, ils ne comprennent pas exactement ce qui leur arrive.

Je les observe les uns après les autres sans dire un mot. Dans le groupe à côté de moi situé sur ma droite, mon regard s’arrête sur un homme noir, assez jeune et plutôt robuste, un militaire. Ses poignets sont ligotés et sur son visage, je distingue de nombreuses blessures : il a l’arcade et la lèvre inférieure déchirées. L’homme a sans doute été battu.

Il doit sentir que je l’observe. Il jette un œil sur moi puis détourne aussitôt le regard ; gênée, je fais de même.

    Nous sommes là, debout à attendre depuis une bonne dizaine de minutes environ lorsqu’un appareil volant à la forme étrange et à la sonorité particulière vient se stationner à quelques mètres devant le groupe à côté de moi.

Il n’est pas en contact avec le sol et alors qu’il est encore à une certaine hauteur au-dessus de nos têtes, je peux remarquer deux sortes de gros réacteurs en dessous de lui. Cela ressemble étrangement aux canons des armes des soldats qu’ils avaient pointés sur moi, mais en dix fois plus énormes. Tout le monde observe cet appareil hors du commun.

Ses réacteurs embrasés libèrent, eux aussi, une lumière de couleur bleue. L’air qui se dégage est tellement puissant que nous sommes obligés de nous retourner pour ne pas recevoir le souffle violent en pleine face. Mais en se rapprochant du sol, sa force s’atténue. Sur les deux parois opposées de l’engin, je peux distinguer deux sortes de gros projecteurs de chaque côté qui émettent une lumière très vive.

    Il est bientôt dix-huit heures à ma montre, le soleil commence à se coucher.

On vient d’entendre un bruit de mécanisme en train de s’actionner. À ce moment, l’appareil s’ouvre...

Une partie s’est désarticulée et constitue une sorte de passerelle. Le vaisseau n’étant pas posé sur le sol, il y a environ deux ou trois mètres de vide qui séparent l’engin de la terre. Des soldats armés se trouvent à l’intérieur. Deux d’entre eux sortent et se postent en haut de la passerelle, devant l’entrée du vaisseau. Pendant ce temps, d’autres gardes s’occupent de faire monter le groupe situé juste à côté de moi.

Une fois qu’ils ont tous embarqué, la passerelle se dématérialise et la porte se referme. Il s’élève aussitôt dans les airs et prend la direction des énormes colonnes plantées dans le sol à l’horizon.

Très rapidement, une autre masse d’individus remplace ceux qui viennent de partir et un autre vaisseau arrive à son tour. Il se positionne près du groupe le plus éloigné de moi et ainsi de suite…

C’est fou de penser ça, mais tout de suite, j’avais cette impression bizarre que nous étions tous des porcs destinés et attendant notre tour pour aller à l’abattoir !

Les enfants me regardent. Zac serre encore ma main. Le désespoir que je lis dans leurs yeux est plus que perceptible, mais je ne peux rien faire pour leur enlever ce poids. Nous sommes résignés et obligés de coopérer.

    C’est notre tour. L’appareil vient de s’immobiliser devant nous. Les soldats nous font embarquer à l’intérieur les uns après les autres. Les enfants et moi, nous sommes les derniers à pénétrer dans l’appareil.

Je franchis l’entrée avec les garçons, suivis des deux gardes qui surveillent l’accès. Nous arrivons dans cette espèce de sas. La porte du vaisseau vient de se refermer derrière nous.

Vu de l’extérieur, cette navette ne paraissait pas si grande, pourtant, l’intérieur est si vaste en longueur et il y fait si sombre.

J’aperçois des petits voyants qui clignotent un peu partout. Je rejoins les autres avec les enfants. Nous sommes tous réunis dans une grande salle et une autre pièce beaucoup plus petite est raccordée à celle-ci. Les deux salles sont séparées par une sorte de vitre et dans la plus petite, qui ressemble à un cockpit, deux hommes en armure sont assis sur des sièges blancs aux formes étranges. Ils se trouvent devant des écrans où des données sont reportées. Ils n’ont pas de matière et s’apparentent à des hologrammes. Des formes et de curieuses écritures y apparaissent. Mais de quoi s’agit-il ?

    Je sens qu’on se déplace. Notre appareil a pris son envol et après cinq ou dix minutes de vol, nous sommes arrivés.

Les soldats nous font descendre de l’appareil les uns après les autres et avec un terrible effroi, je constate que je suis face à l’une d’elle…

Je suis face à un immense cratère creusé dans le sol où une gigantesque colonne noire ornée de petites lumières bleues est implantée.

En levant la tête progressivement pour examiner la gigantesque colonne, je m’aperçois qu’il s’agit d’un des immenses vaisseaux que j’avais vus plus tôt à l’horizon.

Je suis positionnée devant l’un d’eux et j’en suis terrifiée !

Les autres appareils ne sont pas très éloignés les uns des autres et le plus gros d’entre eux continue d’émettre ces espèces de faisceaux lumineux d’énergie dans le ciel.

Des soldats sont en train de faire embarquer les gens à bord de l’engin et ça ne va pas tarder à être notre tour puisque les soldats nous font signe d’avancer en direction de celle qui me fait face.

Nous traversons tous l’impressionnant cratère où est ancrée cette chose puis, nous arrivons à ses pieds.

    Une fois dedans, nous arpentons un très long et large couloir où des soldats sont postés de chaque côté. Il y fait sombre, mais il y a tout de même une petite lumière tamisée qui se dégage du plafond qui est si haut.

Le couloir se sépare en deux directions et au milieu, une statue colossale nous fait face. Elle est mise en valeur et illuminée par des petites lumières plus puissantes. Celle-ci représente un homme casqué en armure et revêtu d’une longue cape. Les détails de ses apparats laissent supposer qu’il s’agit d’un personnage plutôt important. Mais qui est-il ?

Alors que je contemple cette statue, le garde qui se tenait juste derrière moi, m’oblige à avancer. Je ne résiste pas. Je suis le groupe.

    J’emprunte le couloir de droite, mais à vrai dire, les deux directions mènent au même endroit, elles ne faisaient que le tour d’un bloc où est dressée la statue et de l’autre côté du bloc, il y a une statue identique.

Nous arrivons dans une vaste salle en forme d’ellipse où les murs sont d’un blanc éclatant. En haut, un balcon surplombe cet endroit où nous sommes des centaines, voire des milliers, tous rassemblés et encerclés par un grand nombre de soldats qui nous tiennent en joue.

Les quatre enfants observent tout autour d’eux et Zac qui me tient toujours par la main commence à perdre patience : « Anna, tu avais dit qu’on rentrerait à la maison, je suis fatigué ! »

Je n’ai même pas eu le temps de lui répondre qu’un homme situé en haut sur le balcon et entouré de quatre gardes de chaque côté vient de faire son apparition.

Cet homme est vêtu d’un uniforme d’un blanc étincelant, surmonté d’une cape blanche. Il doit avoir une cinquantaine d’années, la peau très claire et des cheveux blond platine très courts. Il s’adresse à l’assemblée, mais je ne comprends toujours pas ce langage. D’ailleurs, je pense que personne autour de moi ne comprend un mot de ce qu’il est en train de dire ! Quelle est cette langue mystérieuse ?

Il se met à examiner chacun d’entre nous et utilise enfin notre langage, mais ce qu’il raconte me parait toujours aussi confus, car il fait allusion à la grandeur de Nosfuria et de son armée, de rituel, de salut, du prema… je ne sais quoi, enfin bref, tout un tas de choses qui ne me disent strictement rien !

Son allocution ne dure que quelques instants. Puis tous les gardes, ceux qui sont postés à ses côtés et ceux qui sont à notre niveau, se mettent à scander très fort deux mots tout en faisant simultanément un mouvement identique : le bras gauche replié derrière le dos et le bras droit replié vers le cœur, le poing fermé.

L’homme se retourne instantanément et s’en va sur-le-champ, escorté de ses gardes.

    À cet instant, les soldats qui nous encerclent s’emparent de tous les enfants dans la salle. Ils les entrainent vers un passage qui vient de se dévoiler dans une des parois sur ma droite. Des cris retentissent dans toute la pièce. C’est la panique…

Des enfants sont arrachés à leurs mères. Un père de famille tente de rattraper sa fillette prisonnière d’un des gardes qui s’empare d’elle. Il est brutalement frappé au visage par celui-ci avant d’être empoigné par la gorge et sauvagement projeté sur le sol.

Je frissonne à la vue de cette scène effroyable, quand derrière moi, Zac, qui pleure tout en hurlant mon nom, se fait enlever à son tour sous mes yeux.

    Je cours jusqu’à lui pour empêcher le garde de l’emmener, mais c’est au tour d’Adam, puis celui de Jérémy. Ils hurlent tous les trois mon nom. Je ne sais plus quoi faire ! Les enfants que je m’étais jurée de protéger disparaissent un à un sous mes yeux.

C’est trop tard, ils ont emmené les garçons et il ne reste que Timy. Il est là, calme, silencieux, à observer tout ce qui se passe autour de lui.

Un soldat s’approche du gamin. Je cours vers lui à toute vitesse et je me place devant l’homme. Je suis face au garde qui tente s’emparer de lui. Je l’en empêche. Cela n’a pas dû lui plaire…

L’homme s’approche un peu plus près de moi, il lève son bras droit et m’écarte violemment du petit garçon. Je suis projetée à terre d’une force inouïe, les mains et le visage posés sur le sol.

Je n’arrive plus à me relever. Je suis comme paralysée et ma tête me fait atrocement souffrir. Je cligne des yeux lentement, comme si j’étais à deux doigts de m’évanouir et là, je vois Timy s’éloigner sur le garde qui l’a placé au-dessus de son épaule gauche. Le gamin me fixe sans dire un mot tout en se faisant enlever sous mes yeux.

Je me sens partir. Mes paupières sont si lourdes que je n’arrive pas à lutter, mais juste avant, j’aperçois son petit ourson en peluche abandonné sur le sol à quelques mètres de moi.

Ce coup-ci, j’ai perdu les enfants pour de bon et pour couronner le tout, je viens de perdre connaissance…


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