Le Capocrimine

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Le soleil finit par se montrer au travers des persiennes, et respirant un grand coup, Flavia se leva et gagna d’un pas décidé la salle de bain pour se débarbouiller. D’ordinaire, elle fuyait la nouveauté, mais cette fois, il fallait bien se plier à la nécessité. Le coup de fouet que lui asséna une bonne douche à l’eau froide lui conférerait un état d’esprit combatif qui la soutiendrait toute la journée.

Et en effet, ce jour-là tout du moins, aucune bévue ne fut à déplorer.

Pour commencer, on lui avait donné un temps d’observation, les premières heures du service de midi, puis comme elle s’intéressait à tous les détails et qu’elle paraissait consciencieuse, on lui avait confié des clients de moindre importance, si tant est que le restaurant en accueillît.

Les habitudes de travail acquises à l’occasion de ses études lui fournirent un avantage précieux pour assimiler la façon de fonctionner de l’établissement. Ainsi, elle parvint bientôt à s’y conformer parfaitement.

Un autre atout que M. Giolitti apprécia tout spécialement, ce fut sa politesse exquise. Son éducation classique, et le souci permanent d’Antonella de lui inculquer les bonnes manières afin de se montrer digne du nom qu’elle portait, avaient admirablement porté leurs fruits.

Porter les plateaux, souvent chargés, fut une autre affaire car l’adresse et la force nécessaires lui faisaient cruellement défaut. De plus, l’uniforme qu’elle devait porter supposait des talons, et cela la mit à rude épreuve pour trouver l’équilibre suffisant à mener à bien sa tâche. Il fallait d’une part réussir à faire parvenir les plats sans les renverser et d’autre part, le faire avec grâce et élégance. C’était la partie du travail la plus difficile pour elle. Même en déployant toute son attention à chaque seconde, et en se déplaçant avec une extrême lenteur dans les premiers temps, elle restait en permanence au bord de la catastrophe.

A défaut d’être vraiment à l’aise dans ce nouveau rôle, elle parvint à bon an, mal an, à acquérir l’habileté qui lui faisait auparavant défaut, si bien qu’une semaine plus tard, elle pouvait suivre le rythme de ses collègues.

Cependant, autre chose la troublait. Elle essayait de se détacher le plus possible de son travail, pour ne pas être affectée par le stress engendré par le haut niveau d’exigence auquel était soumis le personnel. Mais en même temps, elle ne pouvait s’empêcher de remarquer les regards de biais de ses clients. Ceux-ci oscillaient invariablement du mépris presque affiché à la concupiscence assumée, et cela la déstabilisait encore davantage.

Il fallait dire que l’uniforme que devaient arborer les serveuses était composé d’un corsage blanc très ajusté sur la poitrine et d’une courte jupe droite qui découvrait une bonne partie des cuisses, recouverte d’un petit tablier blanc évoquant les soubrettes de jadis. Ce costume gênait constamment les mouvements de Flavia car elle craignait sans cesse de dévoiler ses sous-vêtements, même si ceux-ci, tous de coton ivoire, n’étaient pas vraiment affriolants.

Un soir, M. Giolitti l’alpagua dès son arrivée au restaurant.

Il l’entraîna dans son bureau et lui présenta les spécificités du service du soir, l’air mi-gêné, mi-autoritaire.

— Nous avons des invités… à vrai dire, ce sont des habitués, même si tu ne les as pas vus jusqu’à présent. Il faut dire que normalement, c’est Laura qui les sert, mais elle a dû s’absenter. Jusqu’à présent, il n’y a rien eu à redire à ton travail, j’ai même pu observer que tu sais faire preuve de discrétion. Je vais donc te confier une mission délicate, ce soir. Il s’agira de t’occuper de clients importants… très importants. Je te les recommande particulièrement, bref… Ne commets pas d’impair, montre-toi respectueuse, s’il te plaît, il peut en aller de l’avenir de notre établissement.

— Je ferai de mon mieux, souffla la jeune fille, tout à la fois impressionnée et intriguée par cette admonestation.

Après tout, les clients fortunés étaient l’ordinaire du restaurant, et elle avait l’habitude de se plier en quatre pour eux. M. Giolitti lui confia la commande des boissons et la congédia, perplexe.

Après s’être munie du plateau chargée d’apéritifs divers, elle s’aventura précautionneusement dans l’antichambre à l’accès caché par de grands paravents végétalisés. Le premier jour, on l’avait informée que cette salle était réservée à une clientèle d’exception, donc soucieuse de discrétion. Pourtant, elle fut frappée de la mise de ces clients qui se démarquait du reste des personnes présentes. Ces hommes, dont l’âge devait varier de la vingtaine à la quarantaine, arboraient tous des costumes ostensiblement coûteux et baroques, chamarrés et exagérément ajustés, parfois rehaussés par des bijoux rutilant de dorures et de pierreries.

Ces parures presque féminines juraient avec leur carrure musculeuse que les vêtements moulaient parfaitement.

L’un des hommes, dans la vingtaine, arborait de magnifiques boucles dorées et un troublant regard d’émeraude, ce qui tranchait avec un costume marine très près du corps, orné de broches en or. Son attitude était calme et posée, et il écoutait plus qu’il ne parlait, ne semblant pas perdre une miette de ce qui se disait et n’en penser pas moins.

Un autre, certainement le benjamin du groupe avec son visage fin et juvénile, était brun aux yeux noirs, coiffé d’un serre-tête, vêtu de cuir jaune moutarde, et portait un collier ras-de-cou assorti. Visiblement très enthousiaste, il animait la conversation de son rire sonore.

A côté de lui se tenait un homme, châtain aux yeux marron, habillé d’une veste verte, largement ouverte sur la poitrine, barrée d’une magnifique cravate lavallière de soie beige, qui entretenait la conversation avec de grands éclats de voix.

Il était apparemment en désaccord avec un homme large d’épaules, à la peau très bronzée, casqué d’un élégant Borsalino, et mis avec un costume à carreaux, le plus sobre de tous, mais dont on devinait aisément qu’il avait été conçu par une marque de luxe. Ses grands gestes laissaient apparaître par intermittence deux holsters de cuir brun.

Pourquoi de telles personnes mangeaient dans ce coin retiré du restaurant alors qu’elles s’étaient certainement donné beaucoup de mal pour se composer une apparence aussi spectaculaire ?

Flavia pensa immédiatement aux rares personnes qu’elle avait croisées qui portaient des tenues vaguement similaires, sans être aussi extraordinaires, et se souvint qu’on disait qu’ils étaient tous associés notoirement à la mafia de la ville.

Ils devaient donc appartenir également à une organisation criminelle, à la seule qui ait subsisté dans la ville suite à des affrontements qui avaient duré une décennie, la Fiammata *, mais à un grade qui devait leur autoriser ce genre d’excentricité. En effet, si l’élévation dans la hiérarchie de ces criminels pouvait se jauger au degré d’extravagance, ceux-là devaient être arrivés aux dernières marches du pouvoir.

Qu'ils étaient différents de l'image qu'elle s'était forgée des mafiosi, sales, vulgaires, ventripotents! On aurait plutôt cru à un groupe de mannequins qu'un esthète avait soigneusement choisi pour composer cette assemblée extraordinaire.

Cependant, hormis leur élégance hors du commun, il n'en s'agissait pas moins des pires ordures qui soient, et leur faste était sans aucun doute extorqué par le sang des innocents.

De cette réflexion naquit une tension nerveuse qui agita ses mains en un tremblement incontrôlable. Elle s’arrêta un moment, respira profondément pour essayer de ressaisir et s’avança vers eux.

— Messieurs, voici vos boissons… susurra-t-elle sans qu’on n’y prit garde.

Une personne qu’elle n’avait pas remarquée de prime abord occupait le bout de la table, à moitié tournée par rapport à elle. Elle put cependant entrevoir un profil qui révélait des traits fins et une bouche sensuelle, de grands yeux de saphir scintillant, bordés par de longs cils sombres et encadrés par des cheveux raides d’un noir lumineux qui confinait au bleuté, sertis par une peau mate presque dorée. Elle détailla le costume blanc dont elle était vêtue, largement échancré jusqu’au plexus, découvrant des tatouages tout de volutes élégantes, épousant un corps athlétique, mais svelte. Ses cheveux, qui tombaient sur les épaules étaient artistement coiffés en carré, et ramenés au sommet au moyen d’une attache dorée rehaussée de pierreries céruléennes. Elle saisit ce tableau en un clin d’œil bien qu’elle eut l’impression de l’avoir contemplé longuement.

Cette apparence presque fantasmagorique l’avait déstabilisée et elle se figea à nouveau un court instant, mais qui lui parut s’éterniser.

Un frisson parcourut sa colonne vertébrale et provoqua un sursaut imperceptible qui lui permit de se ressaisir.

Cependant, ses membres restaient crispés, ce qui entrava ses mouvements. Au moment où elle posa le verre en face de la personne qui avait captivé son attention, un tremblement agita sa main et elle renversa son contenu sur l’assiette qui était posée en face d’elle ainsi que sur les genoux de l’objet de sa fascination.

— Madame, je vous prie de bien vouloir m’excuser ! Je vais réparer ça ! s’exclama-t-elle en tâchant tant bien que mal de cacher la panique qui la submergeait, car elle ne comprenait que trop bien qu’aucun affront ne serait toléré par des membres haut placés de la mafia.

Elle détacha la ceinture de son tablier afin de l’utiliser pour éponger le liquide sur le pantalon blanc, pour ce faire, elle se jeta à genoux mais fut saisie par le silence de mort qui s’était installé.

La conversation en cours s’était arrêtée net et elle devina instinctivement que tous les regards s’étaient tournés vers elle. Elle leva alors les yeux vers la personne dont elle tentait d’essuyer le pantalon, qui la fixait également. Le regard de saphir la foudroyait, et elle réalisa qu’il appartenait à un visage digne d’une statue grecque, indéniablement masculin, et même incroyablement viril, malgré la finesse des traits.

— Pardonnez-moi, signore, je ne voulais pas… parvint-elle à balbutier en pressant le tissu mouillé.

Une main sèche la repoussa, ajoutant encore à son malaise. Les belles lèvres étaient maintenant serrées en une moue mécontente.

Heureusement, le silence fut brisé par une exclamation sonore, qui gagna bientôt toute la tablée.

— Malaspina, elle vous a pris pour une femme ! s’était esclaffé le plus jeune d’entre eux, hilare.

À ce nom, un haut-le-corps l’agita car il était bien connu dans la ville pour désigner le capo de la Fiammata, l’organisation qui dirigeait les activités criminelles de la ville. Toutes sortes d’anecdotes auréolaient ce nom, illustrant son intransigeance, mais aussi sa droiture, voire parfois sa bienveillance.

Il était en tout cas tenu en haute estime et suscitait la crainte parmi les habitants de la ville, mais aussi un profond respect, chose rare pour un mafieux.

Il se murmurait même que certains sollicitaient son intervention pour faire justice, même à l’encontre d’autres truands.

Les ricanements qui commençaient à gagner toutes les lèvres furent pourtant balayés par le regard impérieux du voisin de table de Malaspina. Cet homme de très haute stature, à la longue chevelure déjà grise malgré son âge, dégageait un irrésistible ascendant, et le silence se fit immédiatement. Il fusilla la jeune fille du regard, sa bouche déformée par un rictus furieux.

— Signore, comment puis-je faire pour réparer… » murmura Flavia, d’une voix mourante.

Elle n’eut pas le temps d’achever sa phrase que le dénommé Malaspina répartit d’une voix rauque qui avait manifestement l’habitude de commander — Cherche de quoi sécher mon pantalon, plus rapidement que ça.

A ces mots, elle se saisit du plateau resté sur la table qu’elle retourna à la cuisine à pas rapides. Elle s’arrêta un moment pour retrouver ses esprits mais la panique la reprit : « Comment puis-je faire pour réparer mon erreur ? De quoi puis-je me servir ? Je ne peux demander d’aide à personne, c’est trop grave…Oh mon dieu…Je l’ai offensé… Va-t-il me punir ? ».

Elle ferma les yeux et inspira profondément. Laura laissait toujours un sèche-cheveux dans la salle de bain des employés car elle prenait tous les soirs une douche après son service avant de retrouver son amoureux… Oui, c’était cela, elle pouvait même ramener l’homme ici car cette pièce était spacieuse et bien aménagée.

Elle sortit l’instrument de la trousse de toilette de sa collègue et le posa à côté du lavabo, ainsi qu’une serviette propre.

Elle revint prestement dans la salle de restaurant. Entre-temps, la conversation avait repris entre les hôtes mais le silence s’installa de nouveau quand Flavia reparut.

— Signore, si vous voulez bien me suivre… dit-elle en s’inclinant devant l’homme. Celui-ci se leva, elle réalisa alors qu’il était de haute taille, la dominant d’une tête entière.

Ces yeux lui étaient cachés et les cavités sombres qui en tenaient lieu semblaient masquer une colère sourde, ce qui terrifia davantage Flavia, si cela était encore possible.

Il lui semblait que le regard de l’homme fouaillait son dos. Elle pria intérieurement pour ne croiser le chemin de personne et que sa faute reste secrète aux yeux des autres serveurs et de son patron. Elle ne savait pas ce qui l’effrayait le plus entre subir les représailles de cet homme et perdre l’emploi dont elle avait besoin pour assurer des soins décents à sa mère.

Elle céda le passage à l’homme à l’entrée de la salle de bains puis lui fit face à regret, les yeux baissés pour éviter de croiser les siens.

Cependant, elle sentait instinctivement que celui-ci la fixait d’un regard impérieux.

Elle se munit du sèche-cheveux et le brancha en tentant de cacher ses tremblements, puis se mit à genoux. Heureusement, la partie mouillée se situait juste au-dessus du genou, soit assez loin de l’entrejambe. Se faire cette réflexion lui fit monter le sang aux joues et une vague de chaleur la submergea.

« Puis-je glisser une serviette sous votre pantalon pour éviter que la chaleur du sèche-cheveux ne vous brûle ? » bredouilla-t-elle.

N’entendant pas de réponse, elle fut alors obligée de lever les yeux pour chercher une éventuelle approbation. L’homme la toisait, impassible.

Prenant ce silence pour un consentement, elle prit une grande respiration et glissa le tissu de bas en haut le long de la jambe de l’homme, le plus délicatement possible, jusqu’à la zone humide. Un grognement se fit entendre mais l’homme ne broncha pas outre mesure.

Elle enclencha alors le sèche -cheveux jusqu’à complètement sécher le pantalon, essayant même de restituer le pli longitudinal.

— C’est le mieux que je puisse faire…Encore une fois, je vous prie de me pardonner… s’excusa-t-elle.

Une main à la poigne ferme lui releva brusquement le menton.

— Tu es nouvelle ici ?

Elle croisa à nouveau ce regard si intense.

Sans attendre de réponse, il s’éloigna et regagna le restaurant. Dès qu’il fut hors de vue, elle s’effondra, même ses épaules lui semblaient déchargées d’un poids immense.

Néanmoins, il lui fallait reprendre le service et le mener à bien jusqu’au bout, elle pensa que son calvaire n’aurait pas de fin.

« Il faut que tu mettes ton cerveau en veille » résolut-elle et elle parvint tant bien que mal à terminer son office, même si elle ne pouvait s’empêcher de constater que ses apparitions suscitaient l’intérêt, voire la curiosité des hommes de la Fiammata, à l’exception de l’homme à la chevelure grise qui la poursuivait de son regard assassin.

Quoi qu’elle fit semblant de ne pas le remarquer, l’apparence sinistre de ce personnage, tout de noir vêtu, aux yeux à l’éclat métallique ourlés d’un trait de crayon noir, lui glaçait le sang à chacun de ses passages.

La honte et l’effroi lui avaient fait monter aux joues une légère carnation rosée, dont elle ne soupçonnait pas le charme qu’elle lui conférait. Elle n’était pas consciente que ses yeux baissés, jurant avec sa courte tenue de serveuse, qui dévoilait ses longues jambes, et son décolleté plongeant, lui donnaient un air véritablement provoquant.

Le supplice s’acheva enfin avec le départ des convives, vers minuit, et Flavia put enfin souffler. Dès que la table fut desservie, elle s’enferma dans les toilettes et s’affaissa, elle resta dans cette position un bon quart d’heure. Elle espérait ainsi ne croiser ni ses collègues ni M. Giolitti, car elle craignait que des plaintes sur sa bévue lui soient parvenues.

Elle se massa les tempes : « Reprends-toi ! Se cacher ainsi ne résoudra rien !» se sermonna-t-elle.

Elle s’aventura prudemment hors des toilettes, attrapa son sac et se faufila à l’extérieur par la porte de service. « Tant pis, je récupérerai mes vêtements demain… Et le pourboire… Bah, il ne doit pas y en avoir…Je n’ai pas la force de me changer maintenant, j’ai juste envie de me jeter sur le lit et de m’endormir comme ça » pensa-t-elle en en s’engageant dans la ruelle qui rejoignait le boulevard.

Aucune lumière n’éclairait cet étroit passage et elle ne remarqua pas de prime abord l’homme tout de noir vêtu qui y attendait, adossé au mur.

Un mouvement de recul irrépressible la prit quand son regard croisa celui de l’homme qui accompagnait Malaspina, pareil à des éclats d’acier qui la fauchèrent.

Une voix grave s’éleva, sourde comme une menace, malgré le calme apparent du ton.

— Monsieur Malaspina vous attend dans sa voiture.

Flavia comprit que le ton n’appelait pas de réponse, après un court moment de flottement, elle serra les poings, s’enfonçant les ongles dans la paume des mains pour se donner du courage, et s’avança vers la luxueuse voiture qui attendait au bout de la rue, suivie par le nervi de la mafia.

Les pensées se bousculaient dans l’esprit de Flavia, qu’allait-il lui arriver ? Allait-elle finir au fond d’un ravin comme son père? Oui,son père…si on ne la tuait pas ce soir, pourrait-elle en savoir plus sur lui et sa disparition ? Ce Malaspina savait, peut-être ? Il était temps de garder son sang-froid et de voir comment tirer parti de la situation, si elle n’était pas trop catastrophique.

L’homme aux cheveux argentés lui ouvrit la portière arrière de la berline, non sans l’écraser sous un coup d’œil méprisant.

Malaspina était assis à l’intérieur, à l’opposé du siège qu’on proposa à Flavia, un verre de liquide cuivré à la main, probablement du whisky, supposa-t-elle.

Même dans la semi-obscurité qui régnait dans la voiture, elle sentait le regard bleu du capo qui la fixait. Elle baissa aussitôt les yeux pour se concentrer sur ses mains, qui se tordaient de stress en chiffonnant sa jupe.

Ses espoirs que son vis-à-vis brise le silence furent déçus car celui-ci resta mutique pendant tout le trajet. Elle finit par se tourner vers l’extérieur, espérant que la vision des rues qui défilaient l’aiderait à contrôler l’angoisse intense qui la tenaillait mais elle réalisa que les vitres étaient totalement opaques, ne laissant transparaître que les halos des lampadaires.

La voiture finit par s’arrêter et la vitre qui séparait le chauffeur de l’espace arrière s’abaissa, faisant apparaître l’homme au regard d’acier, qui allongea le bras pour tendre à Flavia un bandeau de tissu sombre.

— Bande-toi les yeux, lui intima-t-il.

Flavia s’exécuta sans demander d’explication, mais cet ordre lui parut laisser présager du pire.

De légers tremblements commencèrent à l’agiter quand elle entendit la portière s’ouvrir. Elle sentit une main la saisir sous le bras d’une poigne de fer et la guider pendant un temps qui lui parut infini.

Pour supporter l’anxiété qui l’oppressait, elle tenta de concentrer sur le parcours qu’elle effectuait, notant le nombre de marches qu’elle gravissait, le nombre de portes qu’elle franchissait.

Il lui sembla traverser un vaste espace où résonnait la rumeur de nombreux chuchotements qui décrurent sensiblement quand elle le traversa.

— Lève le pied, lui ordonna la voix de son guide, mais elle buta sur une haute marche, rattrapée de justesse par les bras de son accompagnateur. Bonne à rien ! pesta-t-il dans sa barbe.

Elle pénétra dans un ascenseur, et déduisit du temps qu’elle y passa qu’elle se rendait à un étage élevé, puis après avoir arpenté ce qui semblait être un long couloir, une dernière porte s’ouvrit. Une autre voix, claire mais profonde, lui enjoignit de l’asseoir sur le canapé. Elle fut rudement poussée vers le bas et fut reçue par une matière froide dont le toucher évoquait le cuir.

Des pas s’éloignèrent et la même voix l’invita à retirer son bandeau, ce qu’elle fit d’une main frémissante.

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* Fiammata: brasier

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